L’actualité relativisée chaque samedi, grâce à l’historien Fabrice d’Almeida.
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Les nominations à des postes du gouvernement fédéral par le président Trump ont donné lieu à de nombreuses critiques et commentaires : Robert Kennedy Jr à Health, lorsqu’il s’est montré sceptique quant à la vaccination contre le Covid ; Matt Gaetz à la justice, alors qu’il critique les règles et les normes ; ou encore Pete Hegseth à la Défense, même si ce militant trumpiste n’a jamais occupé de poste important dans les forces armées. Ces nominations très partisanes ne sont pourtant pas nouvelles. Ils rappellent la pratique très ancienne du système des vestiges. L’idée était de réserver des postes dans l’administration aux membres du parti vainqueur des élections. Certes, George Washington, premier président des États-Unis, prétendait nommer les meilleurs, les plus méritants, de l’État fédéral naissant.
Mais bientôt, avec le président Andrew Jackson, l’un des fondateurs du Parti démocrate, le système du butin s’est imposé. Jackson considérait que sa victoire lui donnait le droit de changer dans tous les postes de l’administration. Et il nomma des parents et des fidèles. En bref, il théorise une administration totalement dépendante de l’affiliation politique.
Le problème, c’est que ce système a vu s’imposer dans les bureaux des personnages très médiocres et malhonnêtes. Le détournement de fonds et la corruption sont devenus monnaie courante. Les dirigeants ont donc dénoncé cette vision, pour revenir au fond. En 1880, le sénateur de l’Ohio, George Pendleton, tenta de faire adopter une loi très restrictive et y parvint, non sans efforts. Elle ouvre la voie à l’élection du président Grover Cleveland, ce qui permet enfin de réguler l’embauche et de promouvoir le mérite. Elle conduit à une large liste d’emplois qui doivent être attribués au mérite (environ 90 % des postes). Il fallait passer un test pour accéder à l’administration et un bureau fédéral assurait la régularité des embauches.
Ce système a duré jusqu’en 1978, date à laquelle la commission a été remplacée par une nouvelle autorité et, sous Reagan en 1981, l’exigence de test a été supprimée.
Mais en réalité, les hautes fonctions restaient à la discrétion des présidents. Ceux qui ont augmenté la taille du gouvernement fédéral ont souvent nommé leurs propres hommes pour diriger les nouvelles agences. Cela est vrai de Franklin Roosevelt avec le New Deal, de Kennedy et Johnson encore avec la lutte contre les discriminations. Cela est également vrai pour des présidents comme Nixon ou Reagan qui veulent laisser leur empreinte sur l’État.
Mais le président Trump a tenté d’aller plus loin. En 2020, peu avant les élections, il a fait adopter un décret fédéral donnant plus de flexibilité en matière d’embauche et de licenciement pour certains postes de haut niveau. Le président Biden y est revenu. Mais cette tentative montre que Donald Trump est loin d’être naïf lorsqu’il s’agit de gérer l’État fédéral. Sa stratégie vise à lutter contre ce qu’il appelle avec ses partisans « l’État profond ». On dit qu’il existe une faction au sein de l’administration qui fait tout pour ruiner sa politique. Il souhaite donc remplacer bon nombre de fonctionnaires pour imposer des personnes qui lui sont fidèles et qui partagent sa vision idéologique. C’est pourquoi il fait face à des critiques sur la valeur de ceux qu’il a nommés au gouvernement, car cela reflète une conception politique inquiétante de l’administration.