Qu’adviendra-t-il d’Apple Pay en Europe maintenant que les banques peuvent l’abandonner ?
Dans un communiqué, la Commission européenne a annoncé avoir trouvé un accord avec Apple pour ouvrir la puce NFC de l’iPhone aux applications bancaires. Dans les prochains jours, Apple Pay pourrait être concurrencé par d’autres applications, voire être abandonné par certaines banques.
En 2016, deux ans après son lancement aux États-Unis, Apple Pay débarque en France. Cette technologie de paiement sans contact, qui remplace la carte bancaire par un iPhone, est devenue au fil du temps une solution de paiement comme une autre. 98 % des cartes françaises sont aujourd’hui compatibles avec Apple Pay, ce qui fait de la France l’un des pays leaders en matière de paiement mobile. Même certains Français initialement réticents ont fini par l’adopter et ne paient désormais plus qu’avec leur smartphone.
L’une des clés du succès d’Apple Pay est sa simplicité. Vous scannez votre carte dans l’application Cartes Appleon s’authentifie avec un code reçu par SMS et… c’est tout. Il suffit d’appuyer deux fois sur le bouton latéral de son iPhone pour payer, après avoir scanné son visage avec Face ID (qui remplace le code à quatre chiffres). Tous les possesseurs d’iPhone utilisent le même système, alors que l’écosystème Android compte très souvent une application par banque.
C’est justement cette fameuse simplicité qui pourrait cesser d’exister dans les prochains mois. Dans un communiqué publié le 11 juillet, la Commission européenne a annoncé avoir conclu un accord avec Apple pour mettre fin à « abus de position dominante » Apple Pay. Au nom du droit de la concurrence, Apple doit désormais autoriser les banques à lancer leurs propres applications de paiement sur iPhone, au risque de dégrader drastiquement l’expérience Apple Pay.
Puce NFC ouverte à tous : que change la Commission européenne ?
Afin de se conformer au Digital Markets Act (le règlement sur les services numériques), Apple a proposé le plan suivant à la Commission européenne :
- Les banques peuvent lancer des applications concurrentesCartes Appleavec des cartes bancaires qui ne passent pas par Apple Pay.
- La puce NFC des iPhones, qui permet les paiements sans contact, peut être utilisée par d’autres applications queApple Pay (sans accès à la puce sécurisée de l’iPhone, il y aura émulation HCE).
- Les applications bancaires devraient pouvoir être configurées par défaut. Elles devraient s’ouvrir lorsque l’iPhone s’approche d’un terminal de paiement et lorsque l’utilisateur double-clique sur le bouton latéral. Elles peuvent également proposer Touch ID ou Face ID pour valider l’identité.
- Apple ne facturera pas un seul euro aux banques pour leur donner accès à ces briques technologiques. Tout est gratuit.
Après avoir étudié en détail la proposition d’Apple, la Commission européenne a indiqué qu’elle en était satisfaite.
La marque devrait mettre en place ces changements dans les prochaines semaines et s’est engagée à les respecter pendant 10 ans, au risque de payer une amende conséquente (10% de son chiffre d’affaires mondial). Ce que l’UE ne veut pas, c’est qu’Apple impose des conditions aux banques.
Les banques vont sûrement se retirer d’Apple Pay… et proposer une expérience dégradée
Dans les prochaines semaines, La logique voudrait que les premières banques françaises annoncent leurs propres applications de paiement.
Pourquoi ne pas rester fidèle à Apple Pay, alors que les utilisateurs adorent le service ? Parce qu’Apple prélève une petite commission sur chaque paiement et oblige les banques à promouvoir son application. Avec leur propre logiciel, comme sur Android, les banques garderaient 100 % des frais bancaires, pourraient modifier les règles (ajouter des limites de paiement ou rendre le code PIN obligatoire, par exemple) et collecteraient des données, ce qu’Apple Pay ne leur permet pas de faire aujourd’hui.
A priori, il paraît difficile d’imaginer une banque se désengager totalement d’Apple Pay, puisque des contrats la lient probablement à Apple et que les utilisateurs pourraient s’en offusquer. A terme, lorsque les applications propriétaires seront finalisées, le scénario d’un abandon progressif d’Apple Pay paraît très probable. 98 % des cartes françaises supportent Apple Pay aujourd’hui, combien y en aura-t-il dans un an ?
En termes d’expérience utilisateur, les applications bancaires pourraient avoir un autre impact sur le paiement mobile en France, puisqu’elles utiliseront des technologies différentes d’Apple Pay.
Aujourd’hui, un iPhone stocke vos cartes virtuelles dans une puce sécurisée appelée Secure Enclave. Demain, s’il n’utilise pas Apple Pay, il utilisera une technologie d’émulation logicielle appelée HCE. C’est la même technologie qui permet à certains smartphones Android d’émuler un pass Navigo à Paris… avec de nombreux bugs. HCE est parfois lent et ne fonctionne pas avec un téléphone sans batterie, pour ne citer que quelques exemples. Apple Pay, avec sa puce sécurisée qu’Apple ne peut pas se permettre d’ouvrir à des développeurs tiers, permet de prendre les transports en commun même avec un iPhone éteint. Il est probable qu’Apple désactive certaines fonctions, comme le pass Navigo sur iPhone, sur un iPhone doté d’une autre application de paiement que la sienne.
Autre appareil condamné à l’échec : l’Apple Watch, qui n’est pas concernée par le DMA. Elle ne sera pas compatible avec les applications bancaires et perdra donc une fonctionnalité appréciée. On peut également s’interroger sur les paiements en ligne ou in-app, avec le bouton « Payer avec Apple Pay », qui ne sera pas remplacé par les applications bancaires.
La Commission européenne, en s’attaquant « L’abus de position dominante d’Apple Pay »L’entreprise poursuit sa guerre pour le droit à la concurrence. On ne peut que se réjouir de cette lutte, même si elle peut parfois avoir un impact négatif sur le consommateur. L’exemple d’Apple Pay est susceptible de l’illustrer parfaitement, puisque ce service simple et apprécié risque de se fragmenter dans les prochains mois. Apple, pour faire pression sur l’UE, menace de ne pas sortir plusieurs fonctions d’iOS 18 en Europe, dont Apple Intelligence.