Le projet de loi visant à simplifier la vie économique, présenté la semaine dernière en Conseil des ministres, est désormais publié. Il comprend un certain nombre de mesures relatives notamment aux documents d’urbanisme, qui, à ce titre, concernent directement les maires.
Jusqu’à présent, on ne connaissait du projet de loi de simplification de la vie économique que les éléments qui figuraient dans le dossier de presse du gouvernement (lire Infos du maire du 25 avril). Désormais, le texte, ainsi que son étude d’impact et l’avis du Conseil d’Etat, sont disponibles sur le site du Sénat.
Centres de données
Hormis les points d’attention qui ont été Infos du maire la semaine dernière, il faut retenir un certain nombre de dispositions proposées dans le titre VII du texte, intitulé Faciliter le développement de projets industriels et d’infrastructures.
Premièrement, la mise en place de centres de données devrait faire l’objet d’un traitement particulier. Jugeant « stratégique » l’implantation de tels centres sur le sol français, le gouvernement souhaite créer un cadre juridique spécifique. Rappelons qu’il s’agit ici de structures représentant 30 à 50 hectares, et dont la consommation électrique peut atteindre plusieurs centaines de mégawatts, voire plus.
La construction de tels ouvrages nécessite, dans le cadre actuel, une révision du PLU et du SCoT, ainsi que des documents d’aménagement du territoire (Sraddet). Ce qui, estime le gouvernement, nécessite « entre trois et six ans « . Juger de tels retards » incompatible avec les questions de souveraineté « , le gouvernement souhaite donc que l’Etat prenne la main sur ce dossier, en inscrivant la création de ces centres dans la liste des « projets d’intérêt national majeur » (PINM). Cette qualification permet « après accord de la collectivité compétente, compatibilité directe des documents d’urbanisme et d’urbanisme avec ledit projet par l’Etat et accélération des procédures de raccordement au réseau électrique « . Autre conséquence : dans ce cas ce sera l’Etat qui délivrera les permis de construire et non les communes.
Dans son étude d’impact, le gouvernement insiste sur la nature de « favorable » de cette décision pour les communes, « avec un accompagnement de la compatibilité des documents d’urbanisme par l’État, qui nécessiterait autrement des moyens nombreux et potentiellement spécialisés « . Il s’agit donc d’un » réduction des charges « .
Certes, mais on peut aussi considérer que cette évolution constitue une nouvelle rupture avec la libre administration et un empiètement significatif sur le pouvoir des maires.
La téléphonie mobile
Autre nouveauté notable : l’article 17 du projet de loi, qui concerne les antennes de téléphonie mobile. Dans la mesure où la couverture mobile du territoire constitue une priorité du gouvernement, celui-ci souhaite donner plus « sécurité » aux entreprises. Elle aborde donc un cas particulier : celui d’une autorisation qui a été accordée par le maire mais qui, a posteriori, apparaît entachée d’illégalité. Dans ce cas, dans le cadre légal actuel, le maire doit retirer son autorisation.
Mais pour » assurer le vendeur ou le bailleur que l’objet pour lequel il contracte, à savoir l’exploitation d’une antenne de téléphonie mobile, sera réalisé « , le gouvernement propose d’instaurer une dérogation consistant à « supprimer définitivement le droit pour les collectivités locales de retirer, en cas d’illégalité, les décisions de non-opposition à la déclaration préalable de travaux et les décisions de délivrance de permis de construire » (uniquement dans le mobile secteur de la téléphonie).
Cette mesure a été testée dans le cadre de la loi Elan de 2018, pendant quatre ans. Le gouvernement souhaite le réintroduire, cette fois de façon permanente.
Si là encore le gouvernement juge que cette disposition est une bonne nouvelle pour les collectivités, puisqu’elle « sécuriser la couverture mobile de leurs citoyens », l’AMF a jugé, lors de l’examen de ce texte au Conseil national de l’évaluation des normes, que la mesure « prive le maire d’une partie de ses compétences » et risque de « créer davantage de litiges devant les tribunaux administratifs, qui deviendront de fait la voie de recours exclusive « .
Réserves de l’AMF
En examinant ce texte, l’AMF a également constaté que plusieurs mesures visent à modifier des lois à peine entrées en vigueur (comme la loi Industrie verte de 2023), qui « me laisse perplexe » l’association.
Par ailleurs, l’AMF souligne les nombreuses dérogations au Code de l’urbanisme proposées dans ce texte. Si l’association considère certaines de ces dérogations comme bienvenues, elle s’interroge sur le fait… qu’elles restent des dérogations : « Si ces exemptions paraissent nécessaires (…), pourquoi ne pas en faire un droit commun ? « .
L’association demande une nouvelle fois du travail » arrière-plan » de simplifier le code de l’urbanisme, en constatant que les élus « regretter la complexité actuelle de l’élaboration des documents d’urbanisme, leur technicité, le manque parfois de clarté des enjeux politiques qu’ils doivent exprimer aux habitants, ainsi que leur coût d’élaboration et de mise à jour au regard des contraintes juridiques qui leur sont imposées. « .
Une véritable « simplification », puisque c’est l’objet de ce texte, consisterait à aborder « inflation législative et réglementaire », conclut l’AMF, qui réclamait depuis longtemps « un moratoire sur les réformes de planification « .
Le texte sera examiné en séance publique par les sénateurs à partir du 3 juin.
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