Programme télé. On a dégusté les plats de la finale de « Top Chef », on vous raconte
En ce 18 décembre, la cascade de guirlandesL’hôtel de luxe parisien Four Seasons George V illumine la façade comme en plein jour. Devant l’accès principal, tout doré, des touristes entrent et sortent, téléphones portables collés aux oreilles, sans se douter que deux étages en dessous du final de la saison 15 de Excellent chef.
« L’illusion du goût »
Il est 18h30 et, dès mon arrivée, je suis déjà en retard. Une dizaine de tables sont dressées dans une somptueuse pièce cachée au pied d’un escalier. Nous seronsix journalistes pour en partager un. jeninstallé au fond à droite, notre groupe goûteront et voteront en compagnie des 90 volontaires de la Croix-Rouge déjà présents et des cinq membres du jury.
Une fois assis, le ventre dans les talons, je regarde avec avidité les menus des deux candidats finalistes : une grosse tendance poisson (deux entrées et un plat) et une grosse question sur un dessert, là où on nous promet’ l’illusion du goût ». Condamner! Il faudra être à la hauteur de ce titre.
Un peu de chaleur dans la cuisine ?
Comme les bénévoles de l’association, les journalistes participent au tournage de cette ultime épreuve sans connaître les noms des finalistes, en l’occurrence Clotaire (menu A) coaché par Pierre Gagnaire, et Jorick (menu B), poulain de Stéphanie Le Quellec. , pas plus que le casting de cette saison. Tout sera donc jugé au niveau des assiettes, sans a priori.
Après l’enregistrement des séquences de Stéphane Rotenberg et Adriana Karembeu, vers 19h45, les entrées arrivent de manière assez anarchique. Un peu de chaleur dans la cuisine ? Ou en service ? A l’autre bout de la salle, on prend le temps de refaire un plan avec les serveurs qui n’était pas satisfaisant. « C’est là qu’on voit qu’on est dans un spectacle, pas dans un restaurant », glisse l’un des invités.
En bouche, c’est wow
On est tous servis, on attaque. L’entrée A, l’huître chaude aux épicéas et dashi scandinave, pose question : à l’oeil, on ne sait pas trop à quoi s’attendre. En bouche, c’est waouh : l’équilibre iodé nous happe, accompagné de ce je ne sais quoi en fond qui nous fait racler le fond de l’assiette. Pour certains invités, nous en sommes même tombés amoureux. L’entrée B, la coquille Saint-Jacques confite avec son praliné et ses barbes (le cordon qui entoure la coquille), semble plus alléchante. La coquille est brillante, très nacrée à la coupe. Dès la première bouchée, vous êtes charmé par le délicat parfum de l’orange allié au croquant de la pistache. C’est plus classique, mais diablement efficace. Un point partout.
Vers 21 heures, les plats nous parviennent. Le veau de lait du menu B est cuit à merveille, il fond en bouche, comme le topinambour, la pissaladière sans pâte twiste le tout. C’est bon, bien fait, peut-être un peu trop conventionnel, mais surtout c’est très froid : même la sauce a eu le temps de prendre…
Les brigades concurrentes devant envoyer les créations en même temps, on en déduit que celui qui a préparé la lotte du menu A a dû boire le bouillon. Dès la première bouchée, on remarque que le poisson est trop cuit sur les portions les plus fines, ce qui est dommage. Toutefois, les goûts sont plus marqués, assez punchés, avec une poudre de pollen et surtout une sauce à la levure craquante, un peu amère, qui passe ou casse. Les deux plats sont de toute façon jugés très (trop) salés. Encore une fois, nul.
« Mais ça sent le vomi ! » »
Tout se jouera donc, comme souvent en finale de Excellent chef, au dessert. Vers 22h15, première cuillerée de pain perdu qui se cache sous un voile de lait qui présente peu d’intérêt gustatif. En dessous, c’est plus gourmand, entre caramel, glace vanille et crumble délicat qui nous replongent en enfance. Doux et réconfortant, comme un doudou. Un aller simple vers la victoire.
On passe au deuxième dessert, et dans le second, le cœur qui coule d’argousier signale la fin du rêve pour le candidat. « Mais ça sent le vomi ! » Il aurait dû l’appeler Châtelet-Les Halles», déplore-t-on à notre droite en repoussant l’assiette. « C’est l’hémorragie, ça ressemble un peu à la Bétadine », murmure mon voisin de gauche. Et c’est la soupe aux grimaces à toutes les tables. Le candidat a osé proposer une baie malgré son odeur caractéristique. Courageux, mais non sans danger, malgré une crème vanille grasse et délicieuse totalement addictive.
A 23h30, lorsque l’incontournable maître Najar fait son entrée avec la fameuse boîte, l’issue du concours ne fait aucun doute. « C’est toujours comme ça, c’est le dessert qui fait la différence », constate le président de la Croix-Rouge, laconique, devant les vestiaires. Le dessert A était-il si décevant ? Pour tous : les chefs, qui l’ont dégusté en coulisses, ont adoré. Et moi ? Eh bien, je vous l’avoue : j’ai tout mangé. Et j’ai donné au Menu A six points sur 10, ne serait-ce que pour sa prise de risque assumée. Au final, ce fut une défaite pour Clotaire, repêché en quarts, certes… Mais quelle belle soirée ce fut.