Les deux lauréats du prix Nobel de physique, le Canadien britannique Geoffrey Hinton et l’Américain John Hopfield, apparaissent sur un écran alors que Anders Irbaeck (d), membre du comité Nobel, prononce un discours après l’annonce de leur prix à Stockholm, le 8 octobre 2024 ( AFP/Jonathan NACKSTRAND)
Le prix Nobel de physique a été décerné mardi au Britannique-Canadien Geoffrey Hinton et à l’Américain John Hopfield pour leurs travaux respectifs sur « l’apprentissage automatique », cruciaux pour le développement de l’intelligence artificielle (IA).
Les lauréats mènent des recherches sur les réseaux de neurones artificiels depuis les années 1980, ouvrant la voie aux promesses de l’IA, une révolution technologique qui inquiète même ceux qui l’ont inspirée.
John Hopfield, 91 ans, est professeur à la prestigieuse université de Princeton.
Geoffrey Hinton, 76 ans et professeur à l’Université de Toronto au Canada, est considéré comme l’un des pères fondateurs de l’intelligence artificielle. Il a annoncé son départ de Google en mai 2023 pour pouvoir alerter sur les dangers de l’IA.
Les deux chercheurs « ont utilisé des outils physiques pour développer des méthodes qui constituent la base des puissants systèmes d’apprentissage automatique d’aujourd’hui », indique le jury dans son communiqué.
Ils se distinguent « pour leurs découvertes et inventions fondamentales qui permettent l’apprentissage automatique à l’aide de réseaux de neurones artificiels ». Ces réseaux s’inspirent du réseau de neurones de notre cerveau.
Ils « ont utilisé des concepts fondamentaux de la physique statistique pour concevoir des réseaux de neurones artificiels qui fonctionnent comme des mémoires associatives et trouvent des modèles dans de grands ensembles de données », a déclaré Ellen Moons, présidente du comité Nobel de physique, devant la presse.
Ces modèles « ont été utilisés pour faire progresser la recherche dans des domaines aussi divers que la physique des particules, la science des matériaux et l’astrophysique, et ils font désormais partie de notre quotidien » comme la reconnaissance faciale et la traduction automatique, a-t-elle poursuivi.
Un buste du scientifique Alfred Nobel, le 25 septembre 2024 à Oslo (AFP/Jonathan NACKSTRAND)
L’apprentissage automatique « présente d’énormes avantages » mais « son développement rapide a également suscité des inquiétudes quant à notre avenir », a-t-elle reconnu.
-« Étonné »-
L’Américain Hopfield a notamment donné son nom au « réseau Hopfield », c’est-à-dire « une mémoire associative qui permet de stocker et de reconstruire des images et d’autres types de modèles », selon le jury.
Hinton est parti du réseau Hopfield pour créer un nouveau réseau en utilisant une méthode différente : « la machine Boltzmann ».
Il a ainsi « inventé une méthode capable de trouver de manière autonome des propriétés dans des données, et donc d’effectuer des tâches telles que l’identification d’éléments spécifiques dans des images ».
« Je suis étonné… Je n’imaginais pas que cela puisse arriver », a réagi Geoffrey Hinton, contacté par le comité Nobel.
Interrogé sur son outil préféré dans le domaine de l’IA, Hinton a admis être un grand utilisateur de ChatGPT, tout en admettant qu’il était préoccupé par les implications de la technologie.
« Dans les mêmes circonstances, je ferais la même chose (ses recherches, ndlr). Mais je crains que la conséquence globale de tout cela soit que des systèmes plus intelligents que nous finissent par prendre le contrôle », a ajouté le chercheur.
-« Des outils puissants »-
Quant à M. Hopfield, l’annonce du Nobel lui est parvenue « dans un cottage où il réside en Angleterre », a indiqué l’université de Princeton dans un communiqué.
De retour chez lui après s’être fait vacciner contre la grippe, il a été accueilli par une « pile de courriels » qu’il a décrit comme « stupéfiants » et « réconfortants ».
Grâce à leurs travaux, l’humanité dispose désormais d’un nouvel instrument dans sa boîte à outils, « que nous pouvons choisir d’utiliser à de bonnes fins », a souligné le comité Nobel.
La manière dont ces travaux seront utilisés à l’avenir dépendra « de la manière dont nous, les humains, choisirons d’utiliser ces outils incroyablement puissants, déjà présents dans de nombreux aspects de nos vies ».
Décernés depuis 1901, les prix Nobel récompensent des personnes qui ont œuvré pour « le bien de l’humanité », conformément au souhait de leur créateur, l’inventeur suédois Alfred Nobel.
L’année dernière, le prix Nobel de physique a été décerné à la franco-suédoise Anne L’Huillier, au français Pierre Agostini et à l’austro-hongrois Ferenc Krausz pour leurs recherches sur les flashs lumineux qui ont permis de comprendre les mouvements ultra-rapides des électrons. . dans les atomes et les molécules.
Le prix Nobel de chimie sera décerné mercredi, avant le prix Nobel de littérature jeudi et le prix Nobel de la paix vendredi à Oslo. Le prix Nobel d’économie, décerné pour la première fois en 1969, sera décerné lundi 14 octobre.
Le prix Nobel remporte un chèque de onze millions de couronnes suédoises (plus de 970 000 euros).