Nouvelles sportives

Prix ​​des billets, hébergements, embouteillages… Déjà en 1924, l’organisation des JO de Paris rendait fous les Français

« Nous ne serons jamais prêts ! » : il y a cent ans, lorsque Paris accueillait les Jeux olympiques, les polémiques autour de l’organisation étaient déjà nombreuses et étonnamment familières à celles soulevées ces dernières semaines. Retour vers le futur.

Création du village olympique, réquisition de logements étudiants, hausse des prix des hôtels, restrictions de circulation, menaces de grève… A quelques semaines des JO, les inquiétudes ne se sont pas dissipées. Et encore. Tous ces sujets qui font l’actualité depuis plusieurs mois font étrangement écho aux appréhensions des Français… en 1924, lorsque la capitale accueillait les Jeux Olympiques. Il y a cent ans déjà, les titres de presse, dont la Bibliothèque nationale de France conserve les archives, en témoignaient.

Le 2 mai 1924, Le petit journal, Quotidien parisien républicain et conservateur, titrant en Une : « Serons-nous prêts pour les Jeux olympiques ?. Un article signé Jacques Mortane et sous-titré « une visite inquiétante à Colombes », site du futur village olympique. Les Jeux devaient alors commencer deux mois plus tard, le 5 juillet 1924, et, avec certains collègues, le journaliste fut invité à visiter le camp établi dans la commune de la banlieue ouest de Paris.

« Les casernes sont posées au sol sans travaux de voirie. Pas de trottoirs ni de pavés. » décrit l’observateur. Un des gardes « marche majestueusement avec une casquette d’été sur laquelle scintillent les mots ‘Village Olympique’. Bravo, nous sommes en avance, » s’amuse Jacques Mortane, abordant ce qui ressemblait au merchandising de l’époque. Mais pour l’instant, cette petite ville de Babbel est plutôt un océan de boue. »

Les travaux ne sont toujours pas terminés : « Bien sûr, nous travaillons dur (huit heures par jour !), nous essayons de rattraper le temps perdu, nous asphaltons vite, mais la pente de la route menant à l’avenue du stade, terminée il y a cinq jours, est déjà cassé : putain de pluie ! La station ne retient pas non plus les éloges de Jacques Mortane : « Ce qu’on appelle la gare est un embranchement de voies supplémentaires : pas d’abri, seulement des cabanes avec guichets. Au soleil ou par mauvais temps, l’attente ne sera pas très agréable. »

Des critiques qui font écho à celles formulées lors de la construction du village olympique, un siècle plus tard, en Seine-Saint-Denis. « L’infrastructure sera-t-elle prête ? remet en cause un reportage diffusé à 20 heures sur France 2, le 26 janvier 2023. Un article de franceinfo du 6 février 2023 fait état de l’absence de climatisation sur le site et « l’inquiétude des délégations face aux risques de canicule. » Pas besoin, répond Anne Hidalgo sur franceinfo le lendemain : le logement est « des bâtiments en bois, avec climatisation naturelle ». Les athlètes « ils viendront et ils verront qu’ils iront très bien »assure-t-elle alors.

En 1924, le prix des billets pour les épreuves olympiques fait débat. Dans Le pays nataldaté du 9 avril 1924, Serge Veber rapporte les propos d’un ami indigné par les prix exorbitants. «J’ai reculé d’horreur» dit cet ami. « Sans parler du rugby, ni de l’association, ni du cyclisme, ni de pas mal d’autres sports, simplement si je veux assister aux épreuves d’athlétisme, de tennis, de boxe, de natation par exemple, je ne peux pas, je ne m’en sortirai pas pour moins de 1 100 francs !

« Je serai bien placé et toujours pas au premier rang. Je ne prendrai donc pas d’abonnement. C’est beaucoup trop cher.

Un spectateur

à La Patrie, le 9 avril 1924

« Je vais juste aller en finale, continue l’homme. Et je crois que beaucoup de gens feront comme moi. Si bien que les qualifications seront malheureusement désertes. » Un témoignage troublant de similitudes avec celles rapportées par la presse française à l’ouverture de la billetterie des Jeux de Paris 2024. Dans un article daté du 22 février 2023, franceinfo rapporte entre autres le témoignage d’un spectateur, qui visait la natation, le judo, la gymnastique et l’athlétisme : «Nous avons très vite déchanté sur les prix (…). Au final, on n’a rien pris, sinon on s’en sort avec au moins 2 500 euros.» peste cette Normande qui comptait sur la promesse de « Des Jeux Olympiques (qui) devaient être populaires et ouverts à tous » comme l’a annoncé Tony Estanguet.

Dans un article publié dans le Figaro du 16 avril 1924, et signée Paul Dubonnet, la hausse excessive des prix dans les hôtels et restaurants est soulignée : « Dans certains hôtels, les chambres à 30 francs coûtent désormais 45 francs. Restaurateurs et cafétés feront sans doute bientôt l’unanimité si leurs prétentions ne sont pas mises de l’ordre. On comprend que M. Rimbert n’hésitera pas à appliquer durement la loi sur les trafics illicites. augmente. » Même constat dans leHomme libre du 22 février 1924. « Les étrangers paient bien, assure le journaliste. Les Américains et les Néerlandais ont des bourses admirablement garnies. Les prix les plus extravagants les laissent froids comme la glace. Dans ces conditions, les hôteliers pensaient que louer des chambres à un prix normal serait une folie. »

Un article du Figaro, 16 avril 1924. (Capture d'écran / RADIOFRANCE)

De même en décembre 2023, franceinfo rapportait une étude de l’UFC-Que Choisir dénonçant une envolée des prix des chambres dans les hôtels parisiens après avoir comparé les tarifs de 80 établissements et mettant en avant «une augmentation de 226% » pour la nuit de la cérémonie d’ouverture, du 26 au 27 juillet 2024. Certains particuliers, eux aussi, espéraient profiter de la manne financière en tentant de louer leur appartement à des étrangers au prix fort avant de voir leurs espoirs déçus.

En 1924, la réquisition des logements étudiants fait polémique. Le 22 février, dans leHomme libre quotidien fondé par Georges Clemenceau. « Pour accueillir les sportifs, on commence par expulser les étudiants », nous lisons. Les jeunes, hébergés dans les hôtels, sont victimes de la hausse des prix.

Même thème, dans Le petit journal : « Des étudiants expulsés des hôtels », titrait le quotidien du 20 février 1924. « L’émotion est toujours forte dans le Quartier Latina indiqué le quotidien. Hier, sur le boulevard Saint-Michel, on pouvait voir des étudiants se déplacer dans une charrette à bras surmontée d’une pancarte indiquant : « Victimes des Jeux Olympiques ; nous sommes chassés pour accueillir des étrangers.

Des propos, presque mot pour mot, retrouvés dans la presse de 2024. Le 11 avril, franceinfo décrivait le déménagement des étudiants des résidences du Crous. « On se fait virer comme ça du jour au lendemain, témoigne l’un de ces étudiants. Je suis un peu sous le choc. » Plus tôt dans l’année, des manifestations avaient été organisées pour protester contre ces réquisitions.« Une source d’anxiété »a dénoncé notamment le président du Fédération des associations générales étudiantes.

Les difficultés de circulation, qui ont occupé le débat public parisien ces dernières semaines, faisaient déjà l’objet de polémiques en 1924. « Ceux qui se rendront au stade devront quitter leur domicile tôt le matin s’ils veulent rencontrer le train », rapports Le petit journal du 2 mai, concernant l’accessibilité du site olympique de Colombes.

3 mai, le quotidien Excelsior s’inquiète de la fermeture des passages à niveau entre Paris et Argenteuil. « Cette mesure, dictée par la prudence, aurait une conséquence fâcheuse : des embouteillages », raconte l’article.

En ce printemps 2024, la presse fait état de la succession de restrictions de circulation, notamment dans le centre-ville de la capitale. La fermeture de certaines stations de métro pendant la compétition inquiète également les riverains et les voies marquées « Paris 2024 » sur les grands axes routiers franciliens qui desservent plusieurs sites olympiques ajoutent à l’appréhension.

Dans Le petit journal le 13 mai 1924, la menace de grève à l’approche des Jeux Olympiques est agitée par de nombreuses professions. Les cuisiniers décident de se mettre en grève la veille de l’ouverture officielle des Jeux, indique Le petit journal, «si d’ici là leurs patrons n’ont pas accédé aux exigences particulières du personnel des cuisines des restaurants et des hôtels.»

Pour les épiciers, vendeurs de limonades, bouchers, cavistes, marchands… « Les syndicats ont organisé des réunions (…), indique le quotidien. Les intéressés ont décidé de mener une action revendicative en profitant de l’afflux d’étrangers provoqué par l’ouverture des Jeux Olympiques. »

Une phrase qui aurait pu être répétée exactement telle qu’elle l’est dans la presse en 2024. Début mai d’ailleurs, franceinfo indiquait que « Dans plusieurs secteurs, les syndicats entendent faire pression sur le gouvernement et veulent profiter des Jeux Olympiques pour exiger des primes et de meilleures conditions de travail. »

Dans Le petit journal du 2 mai 1924, un journaliste rend compte de l’opinion publique à l’approche des Jeux : « A Colombes, tout le monde se lamente : ‘On ne sera jamais prêts. Pourquoi a-t-on attendu si longtemps ?’ Oui, pourquoi ? Ce ne sont pas les Jeux de 1928 que nous préparons. Et de conclure sur une note d’espoir : « Paris recevra la foule étrangère (…) Montrons-leur que la France sait s’organiser. Nous avons su sortir de situations plus critiques, unissons nos efforts pour la cause nationale. Ne forçons pas les étrangers à se moquer de nous , alors que nous pouvons modifier ce qui n’est pas en place.

Une inquiétude qui fait largement écho aux critiques de nombreux Français ces dernières semaines, certains déconseillant même aux visiteurs étrangers de venir à Paris pour les Jeux de 2024. «J’ai un peu peur qu’on passe pour des marionnettes»témoigne une influenceuse au micro de franceinfo en mai 2024, regrettant que « l’opportunité de briller » ne sera pas inscrit par les organisateurs.

Le 24 mars 1924, trois mois avant le début des Jeux Olympiques, Pierre de Coubertin, président du Comité International Olympique, répond aux critiques. : « Les Jeux Olympiques ne sont pas des championnats du monde. Ils le sont davantage. On les entoure d’une certaine religiosité athlétique pour que l’idée vive. »

« Il faut se méfier des caprices de la foule. »

Coubertin en pierre

dans Le Petit Journal, 24 mars 1924

« Vous comprenez qu’avec toutes nos occupations, nous n’avons aucun mal à rester à l’abri des petites intrigues, des intrigues, des querelles internes, etc. », conclut Pierre de Coubertin. Cent ans plus tard, au conseil municipal, le 22 mai 2024, Anne Hidalgo, la maire de Paris, a exprimé, à son tour, son « marre du Games bashing »se moque d’eux « à peine pour en profiter » et promet que « l’enthousiasme populaire » va croître d’ici l’événement.

Le député au Commerce (PCF) Nicolas Bonnet-Oulaldj fustige également les critiques, déplorant la « histoires négatives ». Avec 15 millions de visiteurs et 3,5 milliards de téléspectateurs attendus, « Tous nos Parisiens, tous nos commerçants, l’âme de Paris, seront honorés » et je rappellerai que « Paris est la capitale mondiale de la gastronomie et de la mode »il a insisté.

En 1924, l’organisation des Jeux de Paris satisfait enfin spectateurs et athlètes. 40 000 personnes ont assisté à la cérémonie d’ouverture, le 5 juillet, au stade olympique de Colombes – devenu depuis stade départemental Yves-du-Manoir. Sur le plan sportif, la délégation française termine en troisième position avec 38 médailles dont 13 d’or.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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