Le jeu n’en valait sans doute pas la chandelle. Alors que le pays traverse actuellement une crise institutionnelle, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale voulue par Emmanuel Macron le 9 juin dernier, le gouvernement n’a pas voulu jeter de l’huile sur le feu. Et la hausse des tarifs de l’électricité qui était prévue pour le 1er août n’aura finalement pas lieu.
Comme chaque année à cette période, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) met à jour ses calculs concernant l’une des principales taxes qui pèsent sur les prix de l’électricité : le TURPE (tarif d’utilisation du réseau public d’électricité). Ce péage, payé par tous les fournisseurs pour que leurs électrons soient autorisés à utiliser le réseau national, doit au moins couvrir les coûts d’utilisation, d’entretien et de modernisation des 106 000 km de lignes à haute tension, mais aussi des 1,4 million de km de lignes moyenne et basse tension qui relient les habitations et les entreprises.
« Une décision de bon sens »
En raison notamment de l’intégration des renouvelables dans la production d’électricité, mais aussi des objectifs de décarbonation, ces coûts ne cessent de s’envoler depuis plusieurs années. « Les investissements nécessaires dans les lignes à haute tension sont estimés à 100 milliards d’euros d’ici 2040, rappelle le ministère de l’Énergie. Auxquels il faut ajouter 100 milliards d’euros supplémentaires pour le réseau secondaire. »
Ce « péage » représente environ un tiers de la composition du tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE). Un autre tiers est directement lié à la production ou à l’achat, ainsi qu’aux coûts commerciaux, tandis que le troisième tiers dépend directement de la fiscalité.
Cette année, cette taxe sur le transport d’électricité sur le réseau devait augmenter de 4,81 % selon les calculs de la CRE. « Cela aurait entraîné une augmentation de 10 à 40 euros de la facture des Français, prévient Roland Lescure, le ministre délégué à l’Industrie et à l’Énergie. Même si les prévisions permettent d’anticiper une baisse équivalente voire supérieure dans les prochains mois. » L’accalmie actuelle observée sur les marchés de gros va en effet mécaniquement impacter les prix dans les prochains mois. « Cette décision (d’annuler l’augmentation du tarif réglementé de l’électricité) est donc à la fois une décision de bon sens et elle permet de protéger les consommateurs d’une augmentation inutile », a ajouté le ministre de l’Énergie.
Une augmentation de 40 % de la facture au cours des deux dernières années
Il est vrai que ce « yo-yo » incessant des prix perturbe grandement les Français. Leur facture d’électricité a augmenté de plus de 40 % ces deux dernières années. Et la facture du gaz est à l’avenant : elle a elle aussi bondi de 12 % le 1er juillet, juste après le premier tour des législatives anticipées. De quoi semer la panique au sein de l’exécutif. D’autant que le Rassemblement national s’est immédiatement emparé du sujet pour fustiger la politique énergétique et tarifaire du gouvernement, et pour réitérer son intention de baisser la TVA sur les produits énergétiques (gaz, électricité, fioul, carburants) de 20 % à 5,5 %.
Il n’est pas question, puisqu’aucune majorité ou coalition ne se dessine actuellement au sein de la future Assemblée nationale, de donner davantage de grain à moudre à l’opposition. « Pour sa prochaine délibération (prévu pour début octobre), je demanderai à la CRE d’établir des prévisions qui permettent une visibilité à long terme pour les consommateurs », ajoute Roland Lescure. Un pari risqué : car quels que soient les mouvements du marché, il faudra à un moment ou à un autre lancer les investissements nécessaires sur le réseau. Et nul doute que les ménages seront eux aussi pleinement mis à contribution.