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Présidentielle annulée en Roumanie : cinq minutes pour comprendre le rebondissement électoral

C’est le dernier rebondissement d’un processus électoral chaotique. L’élection présidentielle en Roumanie a été annulée ce vendredi 6 décembre par la Cour constitutionnelle, à deux jours du second tour. Les autorités du pays soupçonnent la Russie d’avoir tenté d’influencer le vote, en parrainant la campagne du candidat d’extrême droite Calin Georgescu, menée principalement sur TikTok. Ce dernier a appelé samedi soir les Roumains à se rendre encore dimanche aux bureaux de vote. On fait le point.

Ce qui s’est passé?

À peine deux semaines avant le second tour, la Cour constitutionnelle roumaine a décidé « d’annuler l’intégralité » du vote pour l’élection présidentielle, afin de « garantir sa validité et sa légalité ». En cause, des soupçons d’ingérence russe en faveur du candidat Calin Georgescu, qui semblait en mesure de remporter l’élection ce dimanche.

Cet homme de 62 ans, technocrate anti-vax jusqu’alors inconnu du grand public, est arrivé en tête des suffrages, à la surprise générale, lors du premier tour de l’élection présidentielle du 24 novembre, avec 22,94% des suffrages, écrasant largement les favoris des partis gouvernementaux. Mais l’instance avait déjà recompté les votes à l’issue du premier tour, il y a deux semaines, et validé les résultats, après avoir conclu à l’absence de fraude.

Que reproche-t-on à Calin Georgescu ?

Les autorités soupçonnent une ingérence russe en faveur de l’étranger, grand admirateur de Vladimir Poutine et de Donald Trump, notamment sur le financement de sa campagne, menée exclusivement en ligne.

Car si le message « La Roumanie d’abord » de Calin Georgescu a trouvé son audience auprès d’une partie de la population, lassée des partis traditionnels et confrontée aux difficultés économiques, le candidat a surtout bénéficié sur les réseaux sociaux d’un « traitement préférentiel », selon les responsables, qui font des parallèles avec les efforts précédents contre l’ingérence russe dans les élections en Europe.

Selon les services secrets, près de « 25 000 comptes TikTok », directement associés à la campagne de Calin Georgescu, sont devenus « extrêmement actifs deux semaines avant la date des élections ». D’autant que ce candidat libre, sans aucun parti derrière lui, n’a déclaré aucune dépense de campagne, alors que son opération numérique aurait coûté plusieurs dizaines de millions d’euros, selon plusieurs médias roumains.

Les internautes ont-ils reçu des paiements ?

Au cours de leurs investigations, les services secrets ont également identifié des versements de 381 000 dollars (361 000 euros) effectués entre le 24 octobre et le 24 novembre au profit d’internautes contribuant à la promotion du candidat. Ces versements ont été identifiés comme provenant du compte d’un certain Bogdan Peshir. Cet homme aurait travaillé dans des sociétés liées aux cryptomonnaies, mais l’origine de sa fortune n’est pas claire.

Selon les autorités, son « mode de vie ne correspond pas » à ses activités actuelles. Anonyme jusqu’à récemment, il comparait son soutien à Calin Georgescu à celui d’Elon Musk à Donald Trump. Pour la Cour constitutionnelle, ce « traitement de faveur » sur les réseaux sociaux altère l’égalité entre les différents prétendants.

Une enquête a-t-elle été ouverte ?

Plusieurs enquêtes ont été ouvertes, dont une pour « défaut de déclaration des fonds de campagne », visant directement Calin Georgescu.

Deux autres enquêtes ont été ouvertes par le parquet anticorruption pour délits électoraux et blanchiment. Ils ont donné lieu, ce samedi, à la perquisition de « trois maisons de la ville de Brasov (centre) » dans l’affaire liée « à des délits de corruption d’électeurs, de blanchiment d’argent et de falsification informatique », ont expliqué les procureurs roumains.

L’opération vise notamment une personne « possiblement impliquée dans le financement illégal de la campagne électorale d’un candidat à la présidentielle », précise le parquet, sans nommer le candidat nationaliste Calin Georgescu.

Par ailleurs, la Roumanie a détecté plus de 85 000 cyberattaques, « y compris le jour du scrutin », lancées depuis une trentaine de pays et « exploitant les vulnérabilités des systèmes informatiques électoraux » pour déstabiliser le processus.

Quelles sont les réactions ?

Calin Georgescu a appelé dimanche les Roumains à se rendre aux bureaux de vote malgré l’interdiction. Il « estime que voter est un droit acquis, c’est pourquoi il pense que les Roumains ont le droit d’être demain devant les bureaux de vote », explique un communiqué publié samedi soir par son équipe de campagne.

Pour le président sortant Klaus Iohannis, qui n’a pas nommé directement Calin Georgescu, « un candidat a bénéficié illégalement d’une promotion passive et a déclaré zéro euro de dépenses ». «Sa campagne était d’ailleurs soutenue par un Etat étranger. Ce sont des choses sérieuses», a-t-il dénoncé.

Après l’annonce de l’annulation du scrutin, le Premier ministre social-démocrate Marcel Ciolacu, éliminé de manière inattendue dès le premier tour, a vanté sur Facebook la « seule bonne solution » face à un résultat « faussé par l’intervention russe ».

A l’inverse, la candidate centriste pro-européenne Elena Lasconi, elle aussi autoproclamée « antisystème », en hausse dans les sondages, a estimé dans une vidéo que « le vote aurait dû avoir lieu », parlant de « décision illégale ». Le chef du principal parti d’extrême droite AUR, George Simion, a également fustigé une décision « politiquement motivée » et « contraire à la volonté du peuple roumain ».

Que va-t-il se passer maintenant ?

Après l’annulation de l’élection présidentielle, « le processus électoral pour l’élection du président de la Roumanie reprendra dans son intégralité », ont écrit les juges de la Cour constitutionnelle roumaine. Mais il faudrait probablement un à deux mois avant l’organisation d’un nouveau scrutin, dont la date sera fixée par le futur gouvernement issu des élections législatives, qui se sont déroulées début décembre.

D’ici là, l’actuel président de centre droit, Klaus Iohannis, reste en fonction jusqu’à la fin de son mandat, fixée au 21 décembre. Il sera ensuite remplacé provisoirement par le prochain président du Sénat, qui doit lui-même être désigné dans quinze jours. .

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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