En deux semaines, Kamala Harris est devenue un phénomène aux Etats-Unis. Sous-estimée, voire mal-aimée en tant que vice-présidente, elle a créé un engouement inattendu en devenant candidate à l’élection présidentielle de novembre et a ravivé l’espoir chez les démocrates. La « lune de miel » avec les électeurs de gauche, décriée par le camp républicain qui attend sa fin, semble devoir se poursuivre. Les sondages de Kamala Harris sont bons, et cela commence à inquiéter Donald Trump.
La course est à nouveau serrée. Le leader populiste n’a plus que 1,2 point d’avance sur le démocrate dans les sondages, selon la moyenne de RealClearPolitics. C’est dans la marge d’erreur. Lorsque Joe Biden a retiré sa candidature et ouvert la voie à Kamala Harris le 21 juillet, il était à 3,1 points de Donald Trump. Le gourou des sondages politiques Nate Silver a écrit sur son blog que les prétendants sont désormais à égalité : « Ce n’est pas exactement 50/50, mais c’est suffisamment proche pour qu’un joueur de poker puisse dire que c’est un flip. »
En réalité, l’élection ne dépendra pas du nombre de voix au niveau national, indicateur qui sert surtout à observer les nouvelles tendances. Elle se jouera dans six ou sept Etats swing où les enjeux ne sont pas encore joués. Là aussi, les chances du camp démocrate ont bondi en deux semaines.
À la conquête du « mur bleu »
Le 21 juillet, Donald Trump était attendu vainqueur partout. Selon une analyse de sondage du Washington Post, les deux candidats sont désormais à égalité en Pennsylvanie, avec un léger avantage pour Kamala Harris dans le Wisconsin. Donald Trump est toujours en tête dans les cinq autres swing states, mais son avance se réduit, son rival gagnant presque un point partout par rapport à Joe Biden. Un sondage Bloomberg-Morning Consult dans le Michigan donne le démocrate en tête avec… 11 points d’avance.
Le Wisconsin, la Pennsylvanie, le Michigan sont les Etats du « mur bleu », bastion démocrate et ouvrier attaqué par les populistes de droite. L’équipe de Kamala Harris espère reconquérir le cœur de ces électeurs. Elle pourrait aussi envoyer un signal fort en choisissant son colistier.
Devenue officiellement vendredi la « candidate présomptive » de son camp, après un vote à distance des délégués du parti, elle a annoncé qu’elle tiendrait mardi son premier meeting de campagne avec son futur vice-président à Philadelphie, en Pennsylvanie. En conséquence, les spéculations vont bon train quant à la nomination du gouverneur de cet État, Josh Shapiro, un modéré qui a réussi à séduire les indépendants sans aliéner les électeurs ruraux.
Dimanche, le candidat devait interviewer les trois finalistes : Josh Shapiro ; le sénateur de l’Arizona Marc Kelly, ancien astronaute qui défend la fermeté à la frontière mexicaine et dirige un État pivot ; le gouverneur du Minnesota Tim Walz, expert des arcanes du Congrès.
Le nouveau candidat à la vice-présidence a déjà un programme chargé. Avec Kamala Harris, ils se rendront cette semaine à Philadelphie, dans le Wisconsin, dans le Michigan, en Caroline du Nord, en Géorgie, en Arizona et au Nevada. Pas vraiment le rythme auquel Joe Biden avait habitué Donald Trump – qui s’est soudain vu propulsé après son retrait pour devenir le candidat présidentiel le plus âgé de l’histoire des États-Unis.
« Est-elle indienne ou noire ? »
Le républicain commence à s’inquiéter de la popularité de Kamala Harris. Elle n’a pas encore fait preuve de maladresse publique, du moins pas au point de tomber de son piédestal. A l’inverse, lui-même ne maîtrise pas ses pulsions et commet des faux pas qui nuisent à sa popularité.
Invité mercredi par l’association des journalistes noirs, la NABJ, il n’a pu s’empêcher de s’interroger sur le fait que Kamala Harris, dont le père est jamaïcain et la mère indienne, soit… noire. Contre toute évidence, et devant un parterre de journalistes afro-américains scandalisés. « Je ne savais pas qu’elle était noire jusqu’à il y a quelques années, quand il s’est avéré qu’elle devenait noire, et maintenant elle veut être connue comme noire. Donc je ne sais pas, est-elle indienne ou noire ? », a-t-il fait semblant d’être surpris.
De quoi effacer l’image du « nouveau Trump », qui se voulait messager de paix et d’unité nationale après avoir survécu à un attentat. Le tribun, qui s’énerve en public contre un rival « stupide », n’est plus en si bonne posture pour affronter le démocrate lors du duel télévisé du 10 septembre. Ce dernier avait été programmé avec Joe Biden sur la chaîne ABC. Vendredi, le républicain a posé ses conditions : ce sera le 4 septembre, sur Fox News, qui est la sienne, et avec une audience – ou rien.
Kamala Harris a refusé. Les démocrates se moquent désormais de « Donald Duck » (jeu de mots avec le verbe « éviter »), le lâche. L’ancien président a des raisons d’être prudent. Il a appris de Joe Biden qu’un débat télévisé peut être mortel pour une candidature présidentielle.