Près de Perpignan, cette zone commerciale agonise : « Sans aide, je ferme dans deux mois ! »
Par Thibaut Calatayud
Publié le
16 avril 24 à 18h18
mis à jour le 16 et 24 avril à 23h04
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« J’ai vendu ma maison, le moindre atout que j’avais pour ce métier ! » Un an et demi après avoir ouvert son magasin dans la vaste zone commerciale Frunshopping de Pollestresprès de Perpignan, Philippe Cartier ne cache pas son inquiétude.
Sans aide financière substantielle, le gérant de Comptoirs organiques pourrait cesser ses activités dans les deux mois. Comme trois autres marques (un coffee shop, un institut de beauté et un cuisiniste) avant lui.
La fermeture de la RD39 plombe la fréquentation
Le long de la D900 qui mène à Perpignan, à la croisée des chemins entre Pollestres et Villeneuve-de-la-Raho (deux communes dynamiques des Pyrénées-Orientales), attendues des enseignes attractives, la vue sur le Canigou… Sur le papier, s’installer Frunshopping – dernière zone commerciale à émerger dans le département – semblait être idéal.
Anciens cadres dans la grande distribution depuis 20 ans, Philippe Cartier et son épouse ont flairé le bon coup. Ils décident de tout laisser derrière eux etinvestir 200 000 euros d’ouvrir une franchise Les Comptoirs de la Bio. Un choix conforté par plusieurs études de marché positives.
Leur projet est solide, leur début d’aventure encourageant. Mais un coup du sort inattendu va leur arriver. Là RD39 – un petit tronçon de 1,2 km entre Pollestres et Villeneuve-de-la-Raho – est fermé pendant plusieurs mois pour une site de sécurité.
« Pour moi, la gestion des travaux n’était pas bonne. Le Département a fermé une route d’accès avec un croisement de 5 000 voitures par jour. J’en glane 1 %. Cela représente 50 clients par jour », explique le commerçant àActualités Perpignan.
Ce nombre est loin d’être négligeable quand on sait que Les Comptoirs de la Bio ne comptent désormais plus que 50 à 60 visiteurs quotidiens. Le patron n’enregistre que 30 000 euros de chiffre d’affaires par mois. Un chiffre qu’il est censé le faire… hebdomadaire.
Huit mois de fermeture en 2023
Cette perte de clients aurait pu être supportée si le projet n’avait duré que quelques semaines. Mais les opérations s’éternisent. Plus que de la raison ? « En 2023, il y avait huit mois C’est l’heure de fermeture», déplore Philippe.
Après une réouverture temporaire entre fin décembre 2023 et février 2024, la route a ensuite été condamnée pour deux mois supplémentaires. « C’est notre objectif principal ! Aujourd’hui, nous sommes dans une impasse », s’insurge Laëtitia, la propriétaire du magasin. Optique générale.
Le Département a annoncé la réouverture de la section à partir de ce vendredi 19 avril. La fin des problèmes pour les professionnels du secteur ? « Il n’y a aucune raison de sortir les tambours », tempère Stéphane Zorilla, le PDG de Brico Cash.
« Il y a eu une fuite des clients »
Ouverte en 2020 (au début de Frunshopping), l’enseigne de bricolage enchaîne les bons résultats. « Depuis quatre ans, notre chiffre d’affaires est en croissance constante. Sauf pendant les mois où la RD39 est fermée », explique le patron également propriétaire du Tridôme de Perpignan Nord.
Comme Philippe Cartier, il a également investi des fonds personnels. Evidemment, voir son chiffre d’affaires baisser de 20% certaines semaines ne l’enchante pas : « Déjà le secteur des magasins de bricolage souffre, cette fermeture de route ajoute une couche supplémentaire au millefeuille… »
Il attend avec impatience la réouverture. Mais le retour à la normale prendra du temps. » Il y avait un évasion client. Le ramener va prendre des mois », analyse le PDG. Un constat partagé par Philippe Cartier.
«Je devrai peut-être fermer dans deux mois»
Le gérant du Comptoir de la Bio estime qu’il faudra attendre au moins jusqu’en septembre pour retrouver une fréquentation confortable dans son magasin. Le problème est que cela n’est pas sûr de durer d’ici là.
Alors que le travail s’arrêtait et que les clients désertaient son magasin, les dettes augmentaient. Ajoutez à cela l’augmentation du prix des matières premières et de l’électricité (il a reçu une facture de 23 000 euros pour 2023), vous obtenez un situation financière catastrophique. « Je ne me suis pas payé depuis un an et demi. J’ai aussi dû licencier quelqu’un », prévient l’ancien cadre de Leclerc.
Dos au mur, Philippe annonce qu’il devra fermez votre magasin dans les deux mois s’il ne dispose pas d’une aide financière importante. Il fait appel au Département, responsable, selon lui, de la situation dramatique dans laquelle se trouve sa trésorerie (une perte estimée à 200 000 euros).
Début mars, il a envoyé une lettre signée de Laurent Gauze (le président de la Chambre de commerce et d’industrie) pour demander un entretien avec Hermeline Malherbe, la présidente du Conseil départemental. À ce jour, il n’a reçu aucun retour. « J’ai aussi essayé d’alerter Carole Delga (la présidente de la Région, Note de l’éditeur) ». En vain, encore une fois.
Le Ministère ne se considère pas entièrement responsable
Le Ministère aurait-il pu gérer différemment ? Du côté des commerçants rencontrés, on se demande pourquoi le projet a pris autant de temps. « Ils ne pouvaient pas travailler la nuit ? Ou une circulation alternée aux feux rouges ? », se demandent-ils tous.
Demandé par Actualités Perpignanle Conseil départemental regrette les problèmes rencontrés par ces professionnels.
Néanmoins, la collectivité – qui rappelle que Perpignan Méditerranée Métropole est également partenaire sur ce projet – estime que « ces difficultés financières ne sont pas uniquement liées au travail de la RD39. L’accès principal, passant par le rond-point de Pollestres, est toujours resté ouvert pendant toute la durée des opérations.
La moitié des cellules commerciales sont vides
Dans ce marasme, Action et Netto, deux enseignes discount, semblent être les seules à résister. A l’inverse, le Café du coin fermé il y a quelques semaines. Avant lui, un institut de beauté et un cuisiniste avaient déjà dû mettre la clé sous la porte. « Sur 30 locaux, il n’y en a que 14 ouverts », observe Philippe Cartier.
Il est difficile d’attirer les gens dans un endroit où la majorité des cellules commerciales sont vides. Pourtant, il y avait des projets. Et ce, avant même la polémique sur le chantier de la RD39. Maison Paréavait par exemple envisagé d’ouvrir face à Marie Blachère.
Le logo et la mention « ouverture prochaine » sont encore visibles dans les locaux qui auraient dû abriter la boucherie. Mais rien ne bouge et, comme en témoigne la poussière sur la façade, le dossier semble jusqu’à la mort. Comme une bonne partie de la zone commerciale.