Près de « 500 feuilles » envoyées pour prouver l’innocence de son fils après une amende
Tout est parti d’un courrier reçu le 27 février 2023. « C’est un voisin qui nous a remis un courrier de saisie administrative. Depuis, c’est un cauchemar », a-t-il déclaré. 20 minutesNassira B., habitante de Lille, dans le Nord. Mauvaise nouvelle, son fils de 28 ans, qui vit avec elle, s’est vu demander la somme de 1 500 euros. « Vous n’avez pas versé les sommes à ma caisse. (…). Je suis obligé de poursuivre mon rétablissement», est-il écrit sur la notice.
Nassira B. ne sait pas encore que son fils Najim a été victime d’une usurpation d’identité assez grossière. Premièrement, l’adresse est fausse. Plus tard, elle découvrira que sa date de naissance, présentée comme garantie par le véritable auteur du délit, est également garantie. Mais il y a un an et demi, le premier souci était que rien n’indiquait, dans la lettre, la nature de l’infraction reprochée.
« J’ai accusé mon fils de me cacher des choses »
«J’étais inquiet. J’ai même accusé mon fils de me cacher des choses. Il m’a confirmé qu’il n’était impliqué dans aucun délit», se souvient la mère, encore perturbée par cette histoire. Commence alors un véritable parcours du combattant pour prouver la bonne foi du jeune homme.
Première étape : connaître la nature du délit et expliquer qu’elle n’a jamais reçu les premières amendes car l’adresse était erronée. Les premiers déplacements au commissariat central, au Trésor public ou encore au palais de justice de Lille restent sans réponse. « En contrepartie, nous disposions d’adresses email et de numéros de téléphone de ces trois institutions pour mener à bien nos démarches », précise Nassira B. qui prend l’affaire très au sérieux.
Elle finit par apprendre qu’il s’agit d’une « amende forfaitaire et délictuelle » établie par les CRS sur l’autoroute pour défaut d’assurance sur un véhicule et que l’infraction date de juin 2022. Elle assure cependant que son fils n’est plus propriétaire d’un véhicule. voiture depuis 2021. Une plainte avait alors été déposée au commissariat pour « avoir pris le nom d’un tiers susceptible de déterminer une procédure pénale à son encontre », soit une usurpation d’identité.
Plainte rejetée
Une plainte qui sera classée sans suite faute de preuves concluantes sur l’identité de l’usurpateur. « Nous sommes allés voir le défenseur des droits, le médiateur, SOS justice, la maison de l’avocat… J’ai envoyé des mails, envoyé des lettres recommandées, par exemple trois courriers à la police routière de Rennes. Des lettres restées sans retour à ce jour. Bref, j’ai utilisé tous les recours possibles», dit-elle.
Entre mars et octobre 2023, chaque établissement se renvoie la balle. « J’ai rassemblé très tard toutes les pièces justificatives sur la personnalité de mon fils, et même ses connexions en ligne, les 25 et 26 juin 2022, pour avoir la preuve de son innocence », avoue-t-elle, désespérée.
Négligence policière
Une enquête a fini par être diligentée au sein des CRS qui avaient constaté l’infraction. Elle confirmera l’usurpation d’identité. Signatures différentes, véhicule immatriculé au nom d’une autre personne… Rien ne correspond. La seule certitude est que « l’usurpateur connaissait bien la victime, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’affaires qui arrivent de plus en plus souvent », souligne Me Gildas Brochen, l’avocat de la famille.
L’hypothèse la plus probable ? Négligence de la police lors du contrôle avec présentation de documents falsifiés et insuffisamment vérifiés. D’où les erreurs sur l’adresse, mais aussi la date de naissance.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Même si l’enquête disculpe Najim B., l’amende doit quand même être annulée. « Une opération très complexe car ce type de signalement est authentique jusqu’à preuve du contraire », explique l’avocat qui, en début d’année, a relancé la plainte pour usurpation d’identité. Pas encore de nouvelles du ministère de la Justice.
Envoi d’environ 500 feuilles
« Dans ce type de situation, on peut aussi demander une remise gratuite au Trésor public, mais quand les délais sont prescrits c’est une procédure très complexe et très longue. Vous devez constituer un dossier volumineux pour prouver votre bonne foi. Ce type d’affaire est un véritable chemin de croix pour les victimes. Et ça peut arriver à tout le monde», admet Me Brochen.
Nassira B. a déjà produit des brouettes de documents. « Cette lettre d’une page du Trésor public a généré 500 feuilles classées chronologiquement », déplore-t-elle. Ce dossier contient également des doubles de lettres recommandées de 54 feuilles adressées au procureur. Je lui ai témoigné que notre qualité de vie était altérée jour après jour à cause de cette affaire. » Et c’est toujours le cas car malgré toutes ces démarches, l’innocence de Najim n’est toujours pas reconnue.