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prêche la paix sur un barrage indépendantiste

Drôle d’endroit pour une messe. Mais après presque trois semaines de protestations et de violences, l’urgence s’est fait sentir. Alors ce dimanche, Laxa Wejieme a invité ses ouailles à célébrer la messe sur un barrage de Dumbéa, au milieu des verres brisés et des décombres.

Le message du pasteur de l’Église protestante Kanaky de Nouvelle-Calédonie (EPKNC) sera simple mais ambitieux. Porter des mots « d’apaisement, de réconciliation et de faire entendre la voix de la sagesse ».

Dès le début de la matinée, les habitants du quartier populaire des Jacarandas, dans cette commune située au nord de l’agglomération de Nouméa, se pressent autour du rond-point pour décorer de fleurs et de feuilles un petit chapiteau dressé pour abriter l’autel.

Pour la cérémonie, une boîte de morceaux de pain de mie en guise de gaufrettes et une carafe d’eau citronnée : la vente d’alcool a été interdite dans tout l’archipel français du Pacifique Sud dès le début des violences…

Nouvelle-Calédonie : prêche la paix sur un barrage indépendantiste

L’assemblée est habillée de bleu et de mauve, les couleurs « espoir, paix et liberté »ceux du jacaranda qui a donné son nom au quartier mais aussi « ceux du Wetr »le quartier nord de l’île de Lifou dont sont originaires de nombreux habitants du quartier.

Autour du rond-point flottent les drapeaux indépendantistes vert, rouge, bleu et jaune avec la flèche faîtière.

Avec les autres « mamans »Mathilde a souhaité partager ce rare moment de recueillement depuis le début des violences provoquées par la réforme électorale rejetée par les indépendantistes.

« Arrêt! » »

« Il faut encourager les jeunes »elle dit, « non pas dans le sens de commettre de la violence, mais dans le sens de ne pas mener un mauvais combat ».

Nouvelle-Calédonie : prêche la paix sur un barrage indépendantiste

Les jeunes, en effet, sont installés à quelques mètres de là, sur une petite colline qui surplombe le rond-point.

Aucun ne souhaite s’exprimer, brûlé par le « fausses nouvelles » qui, selon eux, sont véhiculés par les médias, notamment sur le nombre de morts qui, selon eux, est nettement supérieur au bilan officiel de sept.

En bas donc, le service commença.

Devant une centaine de personnes de tous âges, le pasteur, un Kanak lui aussi originaire de Lifou, commence son prêche. « Il faut reprendre nos esprits et se débarrasser de l’alcool, c’est ça qui nous tue. Soyons intelligents ! ARRÊT! changeons de direction ! »dit-il d’une voix forte.

Nouvelle-Calédonie : prêche la paix sur un barrage indépendantiste

L’assemblée approuve, ainsi que les jeunes d’en haut.

« A quoi sert la violence ? A quoi cela conduit-il ? Nous sommes les perdants »poursuit le pasteur Wejieme, dont l’Église a adhéré à la cause de l’indépendance en 1979.

Une détonation se fait entendre au loin, suivie d’un fort coup de vent qui menace d’emporter le temple improvisé. « Un signe divin »interprète le religieux, sur ce point « Endroit magnifique » où il « rencontré le seigneur ».

Pour l’occasion, le rond-point est rebaptisé Hnakano, l’endroit où l’on tourne en Drehu, la langue de Lifou.

« J’ai très, très peur »

Le curé continue. Le discours est en harmonie.

Nouvelle-Calédonie : prêche la paix sur un barrage indépendantiste

« Nous avons été entachés de haine et de colère (mais) nous avons besoin les uns des autres. J’ai besoin de toi frère wallisien, frère tahitien, frère européen. Nous voulons un destin commun. Nous voulons que le frère d’à côté mange le pain que j’ai préparé”.

Dans le public, Pascal hoche la tête. Lui qui vit à Jacarandas depuis vingt-quatre ans voit les émeutes comme un « cri d’alarme » qui doit ouvrir les yeux des Calédoniens et les pousser à « parler avec le coeur ».

Mais autour de lui, l’inquiétude domine. « Si l’électorat dégele, cela nous fera revenir des années en arrière »» craint Jacqueline, la cinquantaine.

Comme elle, de nombreux parents ont peur pour leurs enfants et ont du mal à dormir la nuit. « Ils sont là pour nous protéger des milices. Ils viennent dans le quartier et tirent sur n’importe quoi.elle dit.

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« J’ai très, très peur »» acquiesce Pascal, dont l’un des fils est récemment revenu de France et a rejoint la mère. « C’est mon aîné et il a une grande famille »il continue. « Il faut être à ses côtés pour le soutenir, l’aider à nous succéder ».

La cérémonie se termine en chant tandis que les pots sont déposés sur les tables.

Ces derniers jours, les femmes du quartier organisent des bingos pour proposer des repas, partagés simplement sur le rond-point. Les jeunes descendent chercher leurs assiettes puis remontent pour occuper leur poste.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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