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pouvoir d’achat, fiscalité, main d’œuvre étrangère… Dans le Médoc, les vignerons face aux difficultés et à la peur de l’avenir

A quelques jours des élections législatives, quel est l’état d’esprit des Français ? Pour le savoir, franceinfo va à la rencontre des électeurs, avant le vote des 30 juin et 7 juillet. Première étape en Gironde.

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Vignoble en Gironde, avril 2023. Photo d'illustration (TONY HAGE / MAXPPP)

A une heure et demie au nord de Bordeaux, Guillaume Poitevin est vigneron depuis trois générations dans la petite commune de Jau-Dignac-et-Loirac. « C’est un métier dont rêvent beaucoup de gens. Mais aujourd’hui, ça ne fait plus rêver., il a dit. Plutôt que des rêves, Guillaume Poitevin évoque des nuits blanches, pour s’interroger « ce qu’on pourrait faire avec nos vignes. C’est le reflet de chaque nuit de vigneron. Je pense qu’aujourd’hui, les vignerons ne dorment pas bien. »

Car dans le Médoc comme ailleurs à Bordeaux, les ventes s’effondrent depuis cinq ans en raison d’une accumulation de mauvaises nouvelles : Brexit, taxes américaines sur les importations de vin, Covid, marché chinois en berne… Et même en France, la consommation de vin est en berne. en baisse d’année en année. Résultat : aujourd’hui, Guillaume Poitevin ne sait plus quoi faire de son vin. Et comme ses confrères, il est confronté à un problème de surproduction : les bouteilles s’accumulent, les dettes aussi. « Les caves sont saturées, et nous sommes endettés. Nous finançons désormais des récoltes qui ne sont pas vendues. Et nous perdons un peu espoir chaque jour, par manque de visibilité. Regardez ce qui se passe au gouvernement. : la fiscalité change tous les quatre matins… Nous vivons au jour le jour. »

Le changement de gouvernement, après les élections législatives, ajoute un peu plus d’instabilité au secteur vitivinicole. Par exemple, de nouvelles aides aux viticulteurs, comme des subventions à l’arrachage des vignes, devaient être annoncées à la rentrée. « Nous craignons que ce changement de gouvernement ne reporte ces décisions »dit Guillaume Poitevin.

« Quelle que soit la couleur de l’Assemblée, nous avons besoin d’aide et de réponses concrètes. »

Guillaume Poitevin, vigneron

sur franceinfo

Dans le Médoc, le Rassemblement national est arrivé largement en tête aux élections européennes. Le vigneron comprend ce vote, qui reflète selon lui un ras-le-bol et une peur de l’avenir que le vigneron perçoit chez ses salariés : « Leur inquiétude est : « Est-ce qu’il va nous garder ? Allons-nous être virés ? ?’ Ils ont ce problème d’inflation, de pouvoir d’achat. Quand ils me demandent « Ça ira mieux quand ?’, je n’ai pas de réponse pour eux. »

Un candidat pourra-t-il apporter des réponses à Guillaume Poitevin ? Difficile de se prononcer pour le moment, la campagne ne fait que commencer. En revanche, une chose est sûre pour lui : des mesures restrictives en matière d’immigration seraient une catastrophe pour sa profession. « Dans le Médoc, toutes les entreprises viticoles emploient des travailleurs qui arrivent de Roumanie, du Maroc… On ne peut pas se passer d’eux. » Il a tenté de recruter localement, mais sans succès. Personne ne vient frapper à notre porte, dit-il.

Damien Pagès, également vigneron à Jau-Dignac-et-Loirac, confirme qu’il est difficile d’embaucher des saisonniers locaux, et difficile également de motiver ses neuf salariés à temps plein. Il demande donc aux candidats aux prochaines élections de réfléchir sérieusement à la question du coût du travail. « Un salarié a besoin d’être motivé. Pour cela, il faut pouvoir le soutenir économiquement. Entre le salaire brut que l’on verse et le salaire net qui va dans sa poche, il y a une inégalité », il croit. Cela coûte trop cher à l’entreprise et le salarié n’a pas assez de pouvoir d’achat par rapport à quelqu’un qui reste à la maison. »

« Quand nous aurons tout remis en ordre, et ce n’est peut-être pas avant-demain, nous pourrons remettre le train sur les rails. Il ne faut pas tarder. »

Damien Pagès, vigneron

sur franceinfo

Damien Pagès cite d’autres mesures, qu’il juge urgentes : mettre fin aux charges administratives, assouplir les normes environnementales, rendre le vin français à nouveau compétitif… Et surtout redonner espoir aux petits entrepreneurs comme lui : « Si mon activité s’arrêtait demain, je cesserais d’être chef d’entreprise. Nous avons été rebutés par l’entrepreneuriat, même si c’est ce qui nous motive.
Depuis plusieurs mois, Damien Pagès ne se verse plus de salaire. Lui qui travaille pourtant dix heures par jour, six jours par semaine.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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