Le patron des députés LR a pris la parole le 11 novembre pour annoncer la revalorisation de « toutes les retraites » au 1er janvier. La méthode agace les députés macronistes qui y voient de mauvaises manières, sans compter que le financement de la mesure pose question. La droite se réjouit de pouvoir montrer qu’elle pousse ses pions.
Une surprise. Le président des députés LR, Laurent Wauquiez a annoncé lundi soir avoir trouvé un compromis avec le gouvernement pour que « toutes les retraites » soient augmentées de « la moitié de l’inflation » à partir du 1er janvier, avec un deuxième rattrapage pour les plus petites retraites en Juillet.
Un coup dur pour la droite qui n’a cessé de militer ces derniers mois en coulisses contre le report de l’indexation des retraites défendue par Michel Barnier pour faire 4 milliards d’euros d’économies.
« Je dis bravo. Un journal de TF1 pour une annonce qui concerne des millions de Français… C’est un beau travail que nous reconnaissons », se réjouit un député LR sur BFMTV.com.
Des « victoires » au crédit des LR
Il faut dire que la droite n’a pas ménagé ses efforts sur le sujet ces derniers mois. Rencontre autour de Michel Barnier mi-octobre, échanges multiples avec le Premier ministre et le patron des députés LR… Depuis l’annonce de Matignon d’associer les retraités à « l’effort national » de redressement des finances publiques, la droite s’organise.
Le système envisagé par le gouvernement a eu d’autant moins de succès qu’en le pacte législatif présenté par Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau en juillet dernier, la droite posait comme une « ligne rouge » « les économies qui seraient réalisées sur le dos des retraités ».
« C’est bien que nous ayons des victoires à notre actif. Nous n’allons pas rendre neutre tout le travail que nous avons accompli dans ce sens. C’est logique de le dire», observe la députée LR Véronique. Louwagie.
« Je ne savais pas que M. Wauquiez était ministre »
Cependant, la méthode choisie pour annoncer ce compromis est surprenante. Habituellement, c’est le ministre du Budget voire le Premier ministre qui annonce ce type d’arbitrage.
« C’est surprenant, je ne me souvenais pas avoir vu le nom de Laurent Wauquiez dans le communiqué d’Alexis Kohler annonçant la composition du gouvernement », grince un député de la Renaissance.
« La forme est incroyable, je ne savais pas que M. Wauquiez était ministre », raconte le député Éric Woerth, élu de longue date sur les bancs de droite.
Une annonce « logique » pour le gouvernement
Michel Barnier a-t-il voulu arranger les choses avec la droite, déjà contrainte de soutenir plusieurs mesures assez éloignées de son ADN, comme une contribution exceptionnelle pour les plus aisés, en lui offrant la première de cette annonce ? Non, répond Matignon.
« Le Premier ministre avait dit dès le début qu’il trouverait des compromis avec le socle commun. C’est une valorisation du travail parlementaire. Laurent Wauquiez a souhaité s’exprimer et a bien sûr prévenu Michel Barnier au préalable », assure un de ses proches.
Même son de cloche du côté du ministre du Budget et des Comptes publics qui juge « logique » que la droite annonce elle-même le « compromis trouvé » avec le gouvernement.
« La dette de Barnier envers Wauquiez »
Dans les rangs de la droite, on reconnaît pourtant que Michel Barnier fait un cadeau à Laurent Wauquiez. Il faut dire que le président des députés LR se verrait bien devenir ministre de l’Intérieur ou élire domicile à Bercy.
« Il faut voir dans cette annonce une courtoisie de Michel Barnier. Il n’a pas fait entrer Laurent Wauquiez au gouvernement. Il lui avait donc une dette», décrypte le député LR Julien Dive.
Mais le Premier ministre va-t-il perdre d’un côté ce qu’il a gagné de l’autre en contournant les angles avec la droite ? Dans le camp macroniste, l’annonce de Laurent Wauquiez est mal accueillie sur le fond.
Il faut dire que le financement de la mesure estimé entre « 500 millions et un milliard d’euros », selon Laurent Wauquiez, reste pour l’instant très flou.
« Nous ne savons même pas comment cela va être financé »
L’ancien président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes entend trouver cet argent dans un contexte de finances publiques très tendues en rationalisant la « bureaucratie administrative » à travers la fusion notamment de France Stratégie et du Haut-Commissariat au Plan – déjà annoncée lors de la discours de politique générale de Michel Barnier.
« Nous ne trouverons jamais le montant que nous recherchons juste avec cela. Si cela se termine par une augmentation des cotisations patronales pour financer la réindexation de toutes les retraites, ce sera non», s’agace le député de la Renaissance Charles Rodwell.
L’ancienne porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot n’est guère plus tendre. « On a été de bons élèves en disant ‘pour chaque dépense on proposera une recette équivalente’ et puis M. Wauquiez arrive sur TF1, fait son annonce et repart comme il est venu », s’agace l’élu macroniste en boucle des députés. C’est « irresponsable et populiste », poursuit-elle.
« On ne sait même pas comment cela va être financé », grogne le député macroniste Mathieu Lefèvre.
« Stupéfiant et incompréhensible »
Dans le camp du ministre des Comptes publics, on renvoie les arbitrages au Sénat qui examine ce mardi en commission le budget de la Sécurité sociale avant les débats dans l’hémicycle.
De quoi calmer Renaissance ? Rien n’est moins sûr. La manœuvre va d’autant plus mal que Michel Barnier n’a jusqu’ici fait que peu de compromis avec les députés Renaissance, qui sont deux fois plus nombreux que les députés LR.
Le calendrier déplaît également, à quelques heures seulement du vote du budget à l’Assemblée nationale. «Ça peut voler beaucoup de monde, c’est faire cavalier seul alors qu’on devrait être solidaires», prône Éric Woerth.
« C’est étonnant et incompréhensible pour le bloc central qu’un tel cadeau soit fait à Laurent Wauquiez », critique encore vertement un élu macroniste.
« Cette pseudo-majorité s’en sort »
Preuve de la colère dans les rangs du camp d’Emmanuel Macron : certains commencent même à menacer de voter contre le budget en commission mixte paritaire, cette instance entre députés et sénateurs chargée de trouver un compromis. Un échec serait une catastrophe pour Michel Barnier et ouvrirait la porte à une situation politique sans précédent.
Pendant ce temps, la gauche, qui se targue d’avoir considérablement modifié le budget de Michel Barnier en le rendant « compatible NFP » avec l’ajout de nombreuses mesures – de la nouvelle fiscalité sur les superprofits à la taxation des rachats d’actions en passant par l’augmentation des impôts sur les milliardaires – profitez du moment.
«Quand on a demandé la revalorisation des retraites (lors des débats sur le budget), on n’a pas beaucoup vu M. Wauquiez dans l’hémicycle», sourit le député insoumis Antoine Léaument. « Cette pseudo-majorité profite de qui fait les annonces, mais tant qu’on augmente les retraites, on s’en réjouit. »