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Pourquoi Volodymyr Zelensky change sa position diplomatique et ouvre la porte aux discussions avec la Russie

Le président ukrainien veut axer les discussions prévues avec Moscou sur trois questions : la sécurité énergétique de l’Ukraine, la libre navigation en mer Noire et les échanges de prisonniers.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de la conférence de presse de clôture du sommet de la paix à Bürgenstock, en Suisse, le 16 juin 2024. (URS FLUEELER / AFP)

Des diplomates ukrainiens et russes bientôt réunis autour de la même table de négociations ? Volodymyr Zelensky a assuré, lundi 15 juillet, qu’il était favorable à la présence de la Russie à un futur sommet diplomatique, à une date non précisée, un mois après la conférence organisée en Suisse qui a réuni des dizaines de dirigeants, mais dont Moscou a été exclu. C’est la première fois depuis l’échec des négociations au printemps 2022, aux premiers jours de l’offensive russe, que le président ukrainien évoque l’idée de discussions directes sans retrait préalable des soldats russes de son territoire.

En septembre 2022, le ton de Volodymyr Zelensky était complètement différent. « L’Ukraine ne négociera pas avec la Russie tant que (Vladimir) Poutine est le président »Il avait martelé dans une vidéo. Quelques semaines plus tard, Volodymyr Zelensky avait même signé un décret rendant illégales les négociations avec Vladimir Poutine, rapportait l’agence de presse Reuters. Près de deux ans plus tard, la situation semble avoir changé. Impasse militaire, pression publique, stratégie diplomatique… Franceinfo explique les raisons possibles de cette ouverture.

Pour convaincre la communauté internationale et déjouer le bluff russe

Pour Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du centre Russie-Eurasie à l’Institut français des relations internationales (Ifri), l’annonce surprise de Volodymyr Zelensky vise à dissiper les accusations d’attitude « ligne dure »et pour démontrer l’intérêt de l’Ukraine pour la diplomatie, «dialogue et négociation»Le président ukrainien veut apaiser la situation « les États du « Sud global » »Les Russes se méfient de l’idée de soutenir Kiev – début juin, la Chine et le Brésil ont présenté leur plan de paix, très favorable à la Russie. C’est aussi une réponse au discours russe sur la question : « Vladimir Poutine continue de semer la discorde en se disant ouvert à la négociation »explique Tatiana Kastouéva-Jean. « Mais en réalité, la diplomatie russe repose sur un principe simple : la capitulation de l’Ukraine. Cette annonce de Zelensky mettrait la Russie face à ces responsabilités. »

Pour répondre à la lassitude des Ukrainiens

A ces messages adressés au reste du monde s’ajoute la volonté de Volodymyr Zelensky de répondre aux inquiétudes de son public, lassé de deux ans et demi de guerre. Selon un sondage réalisé par un organisme de recherche pour le site d’information ukrainien ZN.ua, 44 % des sondés souhaitent ouvrir des négociations de paix avec la Russie.

Cependant, « Ce soutien aux négociations est souvent interprété à tort comme un indicateur d’ouverture à l’acceptation des demandes russes ou d’absence de soutien à l’effort de guerre », a-t-il ajouté. rappelle la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Dans un sondage commandé par la fondation en mars, 83 % des personnes interrogées se sont déclarées opposées à un traité de paix qui impliquerait une réduction des ressources militaires.

Cette fatigue des Ukrainiens s’explique aussi par les coupures d’électricité. En juin, Kiev avait annoncé avoir perdu la moitié de sa production en raison des frappes russes contre ses infrastructures. Dans un communiqué publié mercredi, le ministère ukrainien de l’Energie s’est inquiété de la consommation qui, en raison des températures élevées, devrait atteindre un niveau dépassant les 100 MW. « largement » capacités restantes.

Parce que la guerre est dans une impasse militaire

Depuis l’échec de la contre-offensive ukrainienne à l’été 2023, l’armée russe, supérieure en effectifs et en puissance de feu, continue de grignoter la ligne de front à l’est du pays, au prix de lourdes pertes en soldats et en matériel. Même si la situation s’est améliorée pour l’armée ukrainienne ces dernières semaines, les deux camps restent dans l’impasse. « Cette situation oblige l’Ukraine à changer d’attitude. Il est entendu que la guerre ne peut pas être résolue uniquement sur le plan militaire. »analyse Tatiana Kastouéva-Jean.

En mai, Vadym Skibitsky, numéro deux des services de renseignement ukrainiens, a admis dans une interview au magazine britannique L’économiste, que le conflit ne pouvait pas être gagné seul « sur le champ de bataille ». « De telles guerres ne peuvent être conclues que par des traités »Il avait dit.

Parce qu’il n’accorde une ouverture que sur des sujets limités

L’Ukraine veut concentrer les futures négociations uniquement sur trois des dix points du plan de paix ukrainien présenté par Volodymyr Zelensky à l’automne 2022 : la sécurité énergétique de l’Ukraine, la libre navigation en mer Noire et les échanges de prisonniers. « Les véritables questions stratégiques liées au conflit, comme l’adhésion du pays à l’Union européenne ou à l’OTAN, ne sont pas du tout évoquées. Il y a une réelle volonté de s’entendre sur le plus petit dénominateur commun. »souligne Tatiana Kastouéva-Jean.

Côté russe, Vladimir Poutine et les dirigeants du Kremlin ont toujours conditionné les négociations avec Kiev au retrait complet de l’armée ukrainienne des régions que Moscou prétend annexer, et à l’assurance que l’Ukraine renonce à rejoindre l’Otan. Des sujets que le président ukrainien est loin de mettre sur la table. « Montrer une ouverture à la négociation est une chose. Mais obtenir des résultats tangibles en est une autre. », affirme Tatiana Kastouéva-Jean.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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