Pourquoi Pinault veut un méga stade et pas la maire de Rennes
Agrandir l’enceinte des Rouge et Noir ou en construire une nouvelle, financée par le milliardaire ? Les avis des deux personnalités les plus puissantes de la capitale bretonne divergent. Le sujet s’avère particulièrement « délicat », pour reprendre l’expression d’une source. Cela se passe surtout en coulisses. Les rares informations publiques circulent et les confidences ne sont glanées que « officieusement ».
Méga stade : l’enquête complète par Le Monthuel
Question diviseuse
Car la question posée divise. A deux ans des élections municipales, cela pourrait même s’avérer explosif. Sur le plan sportif, il conditionne les ambitions du Stade rennais, meilleur ambassadeur du territoire à travers l’Europe. En matière d’urbanisme, elle interroge l’avenir de tout un secteur. Sur le plan politique, cela ouvre un débat sur la privatisation ou non d’une potentielle série de nouveaux équipements, futurs symboles putatifs de la ville. Sur le plan financier, l’option retenue coûtera des centaines de millions. Elle implique Rennes sur plusieurs générations.
Notre attachement au Roazhon Park est indéfectible.
A la recherche de recettes
La divergence est née du consensus. Vingt ans après sa dernière extension, le Roazhon Park est devenu trop petit. Depuis deux ans, il affiche presque systématiquement complet, avec 700 000 spectateurs par saison. Elle doit être adaptée à la croissance démographique de la région et de sa zone de chalandise qui s’est élargie.
Pour le Stade rennais, renforcer la jauge de son enceinte répond aussi à un impératif financier. Depuis 2022, les clubs professionnels doivent se conformer à de nouvelles règles dites de « fair-play financier ». Ils leur imposent de limiter leurs « frais d’équipe » aux seuls revenus de la saison en cours. Conséquences : le Stade rennais doit augmenter ses revenus s’il veut continuer à progresser. D’où la nécessité de pouvoir accueillir davantage de monde, après avoir augmenté le prix des billets.
« Disponible pour travailler »
Propriétaire du Roazhon Park, la Ville en est consciente. Les discussions avec le club auraient débuté en mars 2023. Elles se sont accélérées à la rentrée. Le 18 septembre, la maire les officialise en conseil municipal en se déclarant « disponible pour étudier et travailler sur un éventuel agrandissement du Roazhon Park ».
Surprise : deux semaines plus tard, le Stade rennais annonçait, via une « fuite » dans Ouest-France, avoir lancé, de son côté, une étude relative à la construction d’une nouvelle enceinte sur la friche industrielle de l’ex-Barre-Thomas. . A 400 m du stade actuel, le site d’une dizaine d’hectares est en cours de reclassement.
En termes sélectionnés
Cette idée ? Le maire ne veut pas en entendre parler. En public, elle l’exprime dans des termes choisis. « Notre attachement au Roazhon Park est indéfectible », assurait-elle à TVR le 5 octobre. Nous avons un très beau stade dans lequel la communauté a beaucoup investi, qui a été rénové il y a moins de vingt ans. On peut effectivement regarder sa jauge et les évolutions possibles mais, sur une nouvelle scène, je l’avoue, je ne le vois pas. »
Depuis, la Ville campe sur ses positions. Le 27 mars, elle a annoncé avoir lancé une étude destinée à « étudier la faisabilité d’un agrandissement du Roazhon Park, après avoir discuté avec l’équipe dirigeante du club ».
Interrogée par nos soins le 15 avril en marge du conseil municipal, Nathalie Appéré l’assure. Cette étude répond à la demande du club. Son cahier des charges a été élaboré avec ses dirigeants.
Le stade actuel est très beau mais il bloque (…) On ne peut pas faire de concert.
Pas de photo
La réalité semble cependant un peu plus complexe. Le Stade rennais confirme avoir été « sollicité » par la Ville pour travailler sur l’option « expansion », sans préciser s’il y a réellement contribué… Car à l’intérieur, il n’y a pas photo. « La première volonté du club, c’est d’avoir son stade, confirme un cadre supérieur. Nous n’avons que cette idée en tête. »
Pourquoi ? Du côté du Stade rennais, la perspective de devoir jouer dans une enceinte dont la capacité sera réduite lors de longs travaux fait office de répulsif. Surtout, on juge que sa taille n’est pas son seul problème. Le Roazhon Park est considéré comme délabré. Il est également installé sur une zone étroite de 8 ha. Son isolement ne permet pas la modularité. « Le stade actuel est très beau mais il bloque », commente une autre source proche du club. On ne peut pas organiser un concert, ni imaginer installer d’autres infrastructures à proximité. »
Entreprise
Derrière ces considérations se cache la question du « business model » du Stade rennais. Pour la famille Pinault, l’enjeu est de devenir propriétaire des lieux, comme de plus en plus de grands clubs européens. Avec deux objectifs : améliorer ses opérations et diversifier ses revenus. A l’instar de ce qu’a fait Jean-Michel Aulas à Lyon, l’idée est de combiner un ensemble d’équipements culturels, sportifs, économiques et de loisirs. Tout en jouant sur la grande modularité du stade. La création d’un toit rétractable, comme à Lille, est sur la table. En marge des matchs, Rennes disposerait ainsi d’un lieu pour accueillir des concerts géants.
Coup double
Pour les porteurs du projet, en acceptant cette idée, la Ville porterait coup double. Elle se doterait du matériel qui lui manque cruellement, payé par un privé. « C’est une forme d’aubaine ou d’opportunité », analyse un dirigeant du club. Comme le centre de formation de la Piverdière (financé par Pinault, lui-même). Cela ne coûte pas un seul euro aux contribuables ! » Les réticences municipales interrogent, voire agacent. Le 15 avril, l’élu d’opposition Loïck Le Brun monte au conseil municipal. « Vous avez un locataire (de l’actuel Roazhon Park) qui souhaite devenir propriétaire. Peut-on lui en vouloir ? Non, c’est tout à fait logique. Il veut construire le stade de son club, non pas pour lui, pas pour son ego, mais continuer à faire du Stade Rennais un grand club français et européen (…) avec de l’argent privé. » Ne pas « prendre cette chance », ce serait risquer de voir « partir » le célèbre propriétaire.
Le « mausolée » de François Pinault
Voir le Stade Rennais quitter Rennes ? Évaluer la probabilité de ce qui constituerait un pic est compliqué. Le risque doit cependant être apprécié à la lumière de la dimension symbolique que ce projet semble avoir pour François Pinault lui-même. Le 21 août prochain, le grand patron fêtera ses 88 ans. Pour une partie de son entourage, ce nouveau stade constituerait une forme « d'héritage » à la ville de son cœur et à ses habitants. « Une sorte de mausolée », hasarde une source proche du dossier, pour lequel le milliardaire féru d'arts et de belles choses n'hésiterait pas à s'attacher les services des meilleurs architectes du monde.
Au sein de la City, ces arguments semblent, pour l’instant, susciter un scepticisme prudent. En cause, le nombre d’écueils à surmonter pour la réussite d’un tel projet, jugé politiquement sensible. L'opposition suscitée par l'agrandissement du centre de formation de La Piverdière reste dans toutes les têtes. Tout comme la proximité des prochaines élections municipales…
Les doutes
Du côté de la mairie, on semble aussi douter de la réalité de la motivation de Pinault. Le projet serait poussé par quelques membres de sa galaxie, sans parvenir à un consensus. Une affirmation balayée par nos sources. Des dissensions dans l'entourage de Pinault ? «Je n'y crois pas un instant. Si François dit « On va construire un stade », tout le monde a le doigt sur la couture de son pantalon. C'est lui le patron», dit l'un d'eux, rappelant le fort caractère de l'homme. Car Pinault peut s'énerver. En 2005, contrit par les difficultés de bâtir une fondation d'art contemporain sur l'île Séguin à Boulogne-Billancourt, « il prend ses cliques et ses gifles et part pour Venise ».
Évitez la guerre ouverte
Classé parmi les principaux promoteurs du projet, Jean-Luc Aillagon, ancien ministre de la Culture et actuel patron de la collection Pinault, tempère. « Je ne suis pas un médiateur dans cette affaire. Personne ne m'a confié de mission, précise-t-il, prudemment, avant de rentrer en touche. Il est encore trop tôt pour discuter de quoi que ce soit à ce sujet. Il n'y a rien à communiquer. Le Stade rennais, la famille Pinault et le maire doivent se concerter, se parler, échanger et tenter de trouver une solution commune. » Que ce soit au sein de la City ou du club, les choses sont claires. L’interdépendance entre eux est réelle. La guerre ouverte doit être évitée à tout prix. Une conciliation est-elle prévue ? A priori, pas encore.
Clarifier
Des clarifications préalables sont encore nécessaires. "Nous discutons régulièrement avec le cabinet mandaté (par le club) de la faisabilité (du nouveau stade), de la possibilité d'acquérir un terrain, etc. Tout cela prend du temps, car c'est un investissement structurant, important pour les 50, 80 prochains, voire 100 ans », explique un manager. Les choses ont donc des chances de durer mais elles ne sont pas figées. Selon nos informations, l'étude de faisabilité de la municipalité prévoit également d'étudier la possibilité de... déplacer l'enceinte. « La Ville a demandé à examiner toutes les pistes », confirme une source. Pour mieux créer une porte de sortie… après les élections municipales ?
4 mois ago
Cammile Bussière
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