Pourquoi payer ses courses avec des tickets restaurant reste incertain pour 2025
L’objectif de ces décisions prises à une très large majorité ? Compenser une partie de l’inflation galopante sur les produits alimentaires qui dépasse allègrement les 20% depuis 2022, selon les calculs de l’UFC-Que Choisir.
Un projet de loi mis en suspens par la dissolution
Cette dérogation était sur le point de devenir permanente. C’était en tout cas le souhait de l’ancienne ministre du Commerce, Olivia Grégoire. Après avoir consulté les différents acteurs du secteur, elle avait plaidé, en avril dernier sur BFMTV, pour un projet de loi « empruntant ce chemin ». La ministre, redevenue députée, souhaitait le présenter à la rentrée de septembre. Il a été balayé, comme beaucoup d’autres projets de loi, dans le siphon de la dissolution de l’Assemblée nationale.
C’est la sénatrice UDI bretonne Françoise Gatel, récemment nommée ministre déléguée à la Ruralité, au Commerce et à l’Artisanat, qui devrait hériter du dossier. Ce mercredi soir, elle n’avait pas répondu à notre sollicitation. Elle s’était en tout cas prononcée, comme 321 autres sénateurs, en faveur d’une prolongation de l’exonération pour l’année 2024, lors du vote du 18 décembre 2023.
Le nouveau gouvernement ira-t-il à l’encontre de la quasi-unanimité de l’opinion publique pour maintenir le statu quo ? 96 % des salariés y sont en effet favorables selon un sondage Viavoice (2). Le président de la Commission nationale des titres-restaurants (CNTR) qualifiait ce chiffre d' »éloquent » en avril dernier dans Le Parisien. Opposé à l’élargissement des produits éligibles, il reconnaissait néanmoins que « le retour en arrière sera difficile ».
Les restaurateurs disent stop
Le consensus est loin d’être établi sur ce sujet brûlant, notamment chez les restaurateurs, très en colère : dans un communiqué publié le 19 septembre, le Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide (Snarr) appelle « les pouvoirs publics à recentrer l’usage des titres-restaurant sur les produits de restauration à partir du 1er janvier 2025, afin d’assurer la pérennité de ce mode de paiement ». Il pointe notamment le « recul de l’inflation à moins de +2 % par rapport à 2023 » et la « période estivale mitigée pour les restaurateurs ». Citant le CNTR, le syndicat relève également qu’« environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en titres-restaurant a été absorbé par les grandes et moyennes surfaces (GMS) en seulement un an ».
L’un des émetteurs de ces titres-restaurant, Edenred, adopte une position plus nuancée. Son patron, Bertrand Dumazy, expliquait dans un entretien au Figaro du 9 septembre qu' »il y a aujourd’hui une grande incertitude sur l’élargissement, l’arrêt ou la poursuite en 2025 de ces mesures décidées par l’ancien gouvernement face à l’inflation. D’un point de vue économique, ce serait très bien pour Edenred, mais personnellement, je pense que ce n’est pas une bonne chose car cela détournerait la finalité sociale du titre-restaurant si on peut faire ses courses du dimanche avec ».
Lidl s’y met enfin
Le géant de la distribution Lidl n’a pas attendu la décision du gouvernement pour décider, ce mois de septembre et bien après ses concurrents, d’accepter les titres-restaurants, mais uniquement au format carte. L’objectif ? Faire revenir « un flux de clients » qui se dirigent vers d’autres enseignes, expliquait Michel Biero, vice-président de Lidl France, sur BFMTV le 29 août. Le principal obstacle à cette adoption par le discounter allemand était que la commission demandée par les émetteurs de titres-restaurant (autour de 4 %) n’est pas très éloignée de la faible marge qu’il réalise sur ses ventes.
1. Avec un plafond de 25 euros. Sont exclus les boissons alcoolisées, les confiseries, les produits pour bébés et pour animaux.
2. Enquête Viavoice pour la Commission Nationale des Titres-Restaurants réalisée en ligne du 11 au 22 mars 2024