Il était une fois un cartographe chargé de créer la carte parfaite. Il commença par tracer les lacs, les montagnes et les vallées. Ensuite, il a voulu représenter les arbres, les maisons, et même les habitants. Il réalise alors que la représentation la plus parfaite du territoire serait… le territoire lui-même (Carroll, 1893 ; Borges, 1981 ; Gaiman, 2006).
De ce récit édifiant, trois chercheurs des universités Johannes-Gutenberg de Mayence, Bristol et Potsdam ont tiré un avertissement pour le moment : tout comme il n’existe pas de carte parfaite, le terme « jumeau numérique de la Terre » peut se transformer en dehors « trompeur »ont-ils écrit dans la revue Socio-Environmental Systems Modeling en novembre 2024.
L’idée d’une copie virtuelle ultra-précise de notre planète, qui permettrait aux chercheurs de prédire les évolutions climatiques futures les plus complexes ainsi que les événements naturels extrêmes, est l’objectif du projet « Destination Terre » (DestinE) – lancé en 2022 et financé par l’Union européenne dans le cadre du Green Deal européen.
Des modèles très utiles, mais toujours simplifiants
Mais pour les auteurs de l’étude, l’absence d’une définition claire du terme « jumeau numérique de la Terre » risque d’être trompeuse. « Toutes les représentations numériques de notre planète sont des modèles. En tant que tels, ils seront toujours détachés de la réalité. »souligne le professeur Robert Reinecke de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (JGU) dans un communiqué.
Et ce, au même titre qu’une carte « ne pourra jamais reproduire pleinement le territoire qu’il représente »il compare.
Le géoscientifique allemand lui-même utilise ces nouveaux modèles détaillés comme outils pour «interroger et évaluer» théories sur le monde d’une manière « impossible à réaliser autrement ». Cependant, il estime que de nouvelles méthodes et méthodologies sont nécessaires pour garantir une utilisation et une interprétation appropriées de ces modèles.
Des milliers, voire des millions de simulations
La création de nouveaux modèles à plus haute résolution ne mènera pas nécessairement à une amélioration des connaissances et des résultats, souligne le professeur Reinecke.
De plus, les nouveaux modèles complexes nécessitent de nouvelles méthodologies pour que les chercheurs puissent les utiliser. Ainsi, les simulations doivent être exécutées des milliers, voire des millions de fois, afin de comprendre comment fonctionne le modèle et quels facteurs jouent un rôle – en d’autres termes, quelles données d’entrée ont un effet particulier sur les résultats.
Enfin, l’étude note que le « vision réductionniste de la nature comme machine » qui accompagne cette expression tant décriée pourrait conduire à l’érosion des principes démocratiques, « puisque (ces modèles) pourraient finir par être utilisés comme instruments politiques de justification et de contrôle ».
Citant à nouveau l’histoire du cartographe chargé de créer la carte parfaite, ils préviennent :
Les scientifiques et les décideurs politiques ne devraient pas tomber dans ce piège.
GrP1