Souvent associé aux succès de la troupe du Splendid, Michel Blanc a néanmoins quitté le groupe assez tôt, pour ne pas rester englué dans son personnage de dragueur-perdant.
Publié
Temps de lecture : 4 min
« Nous aimons tous vos films » tente d’amadouer le patron d’une bijouterie de la place Vendôme braquée par Michel Blanc, qui joue son propre rôle dans Fatigue sévère. « Surtout Le Père Noël est une poubelle « , » ajouta un otage, gisant à terre. « Je n’ai pas joué Le père Noël », rétorque l’acteur, arme au poing. Car Michel Blanc, dont les obsèques sont célébrées jeudi 10 octobre, est curieusement associé à l’un des films cultes du Splendid où il ne fait qu’un bref caméo vocal, le personnage du suicidaire qui insulte Thérèse (jouée par Anémone) sur le standard de SOS Détresse amitié.
Au moment d’écrire la pièce, Michel Blanc et ses amis du café-théâtre venaient de filmer Les gens bronzés vont au ski (1979). Déjà à l’époque, les premières fissures entre le clown blanc qui a perdu ses cheveux à 16 ans et ses compagnons apparaissent. « Ça m’a énervé que nous écrivions une suite à Bronzé. Je trouvais ça vulgaire »il a confié à Studio de cinéma en direct, dans une interview citée par le site du CNC. Sur le plateau, il affiche un certain détachement par rapport à son personnage, ne suivant les instructions que du réalisateur, Patrice Leconte, et non de Clavier, Lhermitte, Chazel et autres qui ont travaillé des semaines durant et peaufiné chaque virgule des dialogues. « A partir du moment où je n’étais pas co-auteur, j’ai senti que je devais discuter non pas avec mes camarades de la manière d’interpréter mon texte, mais avec le metteur en scène puisque je devenais seulement un simple interprète. Et les autres le prenaient pour si j’y jouais personnellement », il se rapporte à Alexandre Raveleau, qui lui a consacré une biographie intitulée Sur un malentendu. Ce qui lui a valu une explication auprès de Thierry Lhermitte. Michel Blanc se souvient d’un « Ambiance toilettes » sur le plateau, un « Popeye » « très froid, mais il n’y avait pas de colère. »
Evidemment, la motivation n’est pas bonne quand il faut travailler sur ce qu’on appelle encore Le Père Noël s’est tiré une balle dans le cul. « Nous avons écrit nos textes tous ensemble, dans une vraie collégialité », décrit-il à Nikos Aliagas dans l’émission « 50′ Inside » sur TF1. « Mais en fait, je ne suis pas collectif. Je pense que les dialogues gagnent à être écrits par une seule personne, car il y a une seule musique. » Tout le contraire de l’école du Splendid où l’écriture est collective, avec une règle non écrite stipulant que personne ne se soucie de son futur personnage, pour ne pas le favoriser par rapport aux autres. « Après huit jours, j’ai dit non » se souvient Michel Blanc dans le documentaire Des bronzés au Père Noël, la folle histoire du Splendid. « Non pas que je ne pensais pas que c’était bien, mais je voulais voler de mes propres ailes. »
Quiconque est entré dans l’inconscient populaire avec le rôle de Jean-Claude Dusse se sent déjà enfermé dans un type de personnage. « Dans la première partie des années 80, on ne me proposait que des rôles de sous-Dusse »résume-t-il dans sa dernière interview accordée à Paris-Match. « Les gens dans la rue m’appelaient ‘mon pote’ ou criaient ‘tu as une ouverture’, dit-il. Bref, ils discutaient avec Jean-Claude Dusse… Cela m’a conduit vers un métier qui ne m’intéressait pas. Je ne stimulais plus l’imagination des auteurs. » Un drame pour ceux qui ont commencé avec Polanski ou Tavernier et qui vénèrent des classiques comme Être ou ne pas être par Ernst Lubitsch. Sans oublier un sentiment de déconnexion avec ses partenaires du Splendid : « On commençait, mes amis et moi, à ne plus vraiment rire des mêmes chosessynthétise l’acteur dans Le monde en 2018. Je me demandais : est-ce que j’existe ou suis-je un septième du Splendide ?
Sa participation à l’aventure du « Père Noël » est en pointillés. Sur scène, il a passé deux semaines à remplacer Gérard Jugnot dans le rôle de Félix. Une expérience traumatisante. « Sur scène, par exemple, je voyais que je faisais moins rire que Gérard Jugnot. Quand je l’ai remplacé dans Le Père Noël est une poubelle, J’ai suivi une chose après l’autre », il a dit au magazine D’abord en 2019. Dans Téléramavingt ans plus tôt, il estimait même « lustre » les gens, quand Jugnot les faisait rire. D’où le rôle qui lui est assigné dans une première version du scénario : il incarne un curé récoltant les aveux du duo tueur Jugnot-Chazel, avant de les dénoncer à la police. Le film devait se terminer par un plan du couple sur le banc des accusés, à la place de la scène du lancer de cadeaux au zoo de Vincennes, rappelle D’abord.
Aucun regret pour Michel Blanc, dont la carrière prend un tournant avec Tenue de soiréepar Bertrand Blier, en 1986. Jusqu’à son triomphe aux César, en 2012, pour son rôle de directeur de cabinet d’un ministre en L’exercice de l’État. Son discours lors de la remise de la statuette disait tout : « Je n’étais pas sûr que le public m’accepterait dans ces rôles. Alors, je vous remercie de m’avoir donné la permission de continuer dans cette direction, de continuer à être exigeant.