Pourquoi l’UFC-Que Choisir poursuit Bruxelles en justice au sujet des monnaies virtuelles dans les jeux vidéo
Aux côtés d’une vingtaine d’organisations européennes de protection des consommateurs, l’association a déposé une plainte auprès de la Commission européenne contre les éditeurs des jeux Fortnite, Minecraft, Roblox et Clash of Clans.
« Les consommateurs ne devraient pas avoir à deviner combien ils dépensent pour un jeu vidéo » Ce jeudi 12 septembre, l’association de protection des consommateurs UFC-Que choisir a annoncé qu’elle déposait une plainte contre 7 éditeurs de jeux vidéo auprès de la Commission européenne et de l’Agence de lutte contre les fraudes (DGCCRF). Elle accuse Epic Games (Fortnite), Studios Mojang (Minecraft), Activision Blizzard (Diablo IV), Arts électroniques (EA Sport FC 24), Roblox Corporation (Roblox), Supercellule (Le choc des clans) et Ubisoft (Rainbow Six Siege de Tom Clancy) pour tromper leurs joueurs via leurs monnaies virtuelles.
Sous forme de pièces ou de points, ceux-ci sont vendus en ligne et permettent d’obtenir des objets comme des armes ou des pouvoirs pour améliorer son personnage, et de débloquer des options de personnalisation. Selon l’association, 42 % des jeux les plus joués sur PC en utilisent, tandis que ce taux grimpe à 81 % pour les jeux les plus populaires sur smartphone.
La fédération française s’est associée à 22 organisations membres de 17 pays pour alerter l’instance de l’Union européenne. Cette plainte dénonce la « pratiques déloyales » de ces éditeurs qui pousseraient les joueurs, notamment les très jeunes, à «dépenser plus« Selon une étude de l’organisme, les enfants dépensent près de 40 euros par mois en achats liés aux jeux vidéo.
Une demande juridique et politique
Le secteur des jeux vidéo est surveillé depuis longtemps par les associations de protection des consommateurs. Mais l’élaboration de ce rapport sur les monnaies virtuelles a pris plusieurs mois pour ne cibler que quelques acteurs spécifiques. « Cet échantillon est représentatif du marché du jeu vidéo. Il comprend des jeux gratuits, des jeux grand public, d’autres destinés à un public très gamer, des jeux PC mais aussi des jeux smartphone. » défend Frithjof Michaelsen, responsable numérique de l’UFC. L’association a donc délibérément exclu d’autres poids lourds du secteur tels que Riot Games (Ligue des Légendes) ou Roi (Candy Crush).
Cette plainte arrive cependant tardivement. Les monnaies virtuelles dans les jeux vidéo existent depuis plus de 10 ans, mais les associations européennes veulent désormais «changer la loi » afin que le prix de ces objets numériques soit affiché en euros, comme cela peut être le cas pour le jeu Contre-attaquedéveloppé par le studio Valve.
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« Une pratique bien établie »
L’UFC pointe notamment l’impossibilité pour les joueurs de calculer précisément combien leur a réellement coûté leur dépense. Ces pièces virtuelles sont souvent proposées par pack, et le taux de change varie en fonction de leur nombre. Par exemple, pour acheter l’objet virtuel « Hero Shell » dans le jeu Fornite, il faut débourser 400 « V-Bucks ». Mais il est impossible d’acheter cette somme précise. Il faut donc choisir le pack de 1000 « V-Bucks », qui coûte 8,99 euros. L’association estime le surcoût réel pour cet achat à 150 %. Si le montant restant de monnaie virtuelle n’est pas perdu, il sera souvent insuffisant pour obtenir un nouvel objet, et l’utilisateur devra donc payer à nouveau.Un cercle vicieux » souffle-t-elle.
L’industrie n’a pas tardé à réagir. Video Games Europe, un lobby européen représentant les développeurs et les studios, soutient que l’achat de monnaie virtuelle dans les jeux « est une pratique bien établie et bien comprise par les joueurs » et que les lois européennes en vigueur soient respectées. Elle souligne qu’à travers ces achats, les joueurs financent l’existence de jeux gratuits et que les achats restent facultatifs. « Les joueurs peuvent découvrir des jeux entiers sans dépenser d’argent, ce qui leur donne la possibilité d’essayer des jeux sans aucun coût initial ni engagement », écrit le lobby.
Contexte spécifique à Bruxelles
Plus largement, cette plainte conjointe s’inscrit dans un contexte particulier : la Commission européenne évalue actuellement la pertinence du règlement pour protéger les consommateurs européens. Un nouveau projet de loi sur leur protection dans l’espace numérique pourrait voir le jour à Bruxelles d’ici 2025. Pour l’UFC-Que choisir, le timing est parfait pour «envoyer un signal clair à tous les éditeurs et adopter une position commune, établissant que ces monnaies virtuelles sont bel et bien des pratiques trompeuses» affirme Frithjof Michaelsen.
Jördis Ferroli, porte-parole de la Commission européenne, a confirmé qu’il analysait les éléments présentés et travaillait en collaboration.avec les autorités nationales de protection des consommateurs avant de décider des prochaines étapes« .