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pourquoi l’industrie exulte après la démission de Gary Gensler

C’est un dernier mur qui tombe pour les entreprises du secteur des cryptomonnaies : le très anti-crypto président de la Securities and Exchange Commission (Sec), le gendarme de la Bourse américaine, a annoncé sa démission jeudi. Alors qu’il aurait pu rester en fonction jusqu’à la fin de son mandat en avril 2026, Gary Gensler a annoncé son intention de prendre le large avant la prestation de serment du président élu Donald Trump, le 20 janvier.

Le patron du régulateur américain est connu pour avoir mené une guerre contre les plateformes d’échange de ces actifs numériques échangés sur un réseau d’ordinateurs décentralisés appelé blockchain.

Gensler contre les plateformes d’échange

Pour comprendre le désenchantement entre Gary Gensler et les cryptos, il faut remonter à novembre 2022 : ce mois marque la faillite de la deuxième plus grande plateforme d’échange de crypto-actifs, FTX. Pour rappel, la société avait été accusée d’avoir illégalement prélevé des fonds auprès de ses clients pour les investir dans sa propre cryptomonnaie, FTT, avant de mettre la clé sous la porte après l’effondrement du prix de cet actif… empêchant leurs clients de retirer leurs fonds depuis plus d’un an.

Deux ans après FTX, la revanche du secteur crypto

Face à cette fraude massive, de l’ordre de 10 milliards de dollars, le président du gendarme boursier a accru la pression sur les plateformes d’échange. De ce fait, Gary Gensler a lancé des enquêtes et des plaintes contre les géants Binance, Kraken et Coinbase, entre 2022 et 2024.

 » Il y avait un manque de cadre et de définition des crypto-actifs aux États-Unis. Ainsi, pour mieux réguler et protéger les consommateurs, la Sec a tenté de définir ces nouveaux actifs comme des titres financiers, afin de les soumettre aux contrôles appliqués dans la finance traditionnelle. », résume Stanislas Barthelemi, consultant crypto chez KPMG.

Sauf  » qu’elle ne l’a pas fait en légiférant, mais en s’attaquant aux entreprises », nuance le spécialiste, qui précise que « de nombreuses entreprises ont fait face à des poursuites judiciaires, sans même savoir quoi mettre en place pour les éviter. »

Crypto : les régulateurs américains partent en guerre contre les entreprises du secteur

Face à cette hostilité du gendarme et à une réglementation passée de rien à tout, » les entreprises ont souffert et cette période a ralenti les innovations et la maturation du secteur aux Etats-Unis », observe l’expert de KPMG. Un bâton dans les rouages ​​du secteur qui a pourtant permis à l’Europe et notamment à la France de prendre de l’avance et d’attirer des entreprises sur son sol, à l’image de Binance qui a installé son siège européen à Paris.

Le tournant de Trump

La mise au pas de l’industrie de la cryptographie par Gary Gensler s’est heurtée à un mur : l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Durant sa campagne, le républicain a promis de limoger le chef du gendarme financier américain. En outre, il a assuré vouloir faire en sorte que les États-Unis « la capitale mondiale du bitcoin et des cryptomonnaies ».

Pour ce faire, il souhaite faire adopter le Bitcoin Act, qui prévoit la vente d’or pour acquérir 200 000 bitcoins par an, pendant cinq ans, ce qui représenterait 5 % de l’offre en circulation. Cerise sur le crypto-gâteau, selon BloombergL’équipe de Trump serait en discussion avec des acteurs de l’industrie pour créer un éventuel nouveau poste à la Maison Blanche exclusivement dédié à la politique des crypto-actifs. Bref,  » il y a un changement de paradigme extrêmement fort aux États-Unis », constate le gérant de la société de gestion Alphacap, François Laviale.

Comment Donald Trump a appris à aimer le Bitcoin

Et la question réglementaire ?  » Trump veut établir un cadre plus clair, mais favorable aux crypto-actifs et aux entreprises du secteur », note également Claire Balva, directrice stratégique de la néobanque Deblock et experte en cryptomonnaies.

Or,  » avec cette position politique plus favorable, toute une gamme de produits financiers traditionnels pourront être exposés aux cryptos, ce qui permettra d’attirer de nouveaux types d’investisseurs particuliers et professionnels. », anticipe Stanislas Barthelemi.

Avec ce tapis rouge nouvellement déroulé pour les acteurs du secteur, le risque d’une répétition du FTX pourrait-il se reproduire ?  » Nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau scandale, notamment parmi les sociétés enregistrées dans les paradis fiscaux. Mais depuis cette affaire, on constate beaucoup plus de vigilance et de contrôle de la part des régulateurs américains et cela devrait continuer. », estime Claire Balva.

Nouveau concours pour l’Europe

La main tendue du nouveau gouvernement américain sur les cryptos pourrait avoir des conséquences bien au-delà des États-Unis. En Europe, depuis le vote du règlement « Marché des actifs cryptographiques » (MiCa) qui doit entrer en vigueur le 30 décembre, le cadre réglementaire est perçu comme clair et rassurant par les acteurs de la crypto.

Cependant,  » l’application d’une politique plus favorable aux Etats-Unis apportera respectabilité et légitimité au secteur, ce qui permettra aux acteurs financiers traditionnels de s’y concentrer davantage. Certaines banques et fonds d’investissement pourraient même finir par se déclarer publiquement exposés à ces actifs », devant Stanislas Barthelemi.

De son côté, Claire Balva de Deblock est plus négative sur l’avenir de l’industrie en Europe. « Contrairement à Comme cela s’est produit ces dernières années, les Etats-Unis devraient devenir plus attractifs que l’Europe pour les entreprises du secteur. » Déjà, en mai dernier, Circle, la société à l’origine du stablecoin USDC (une cryptomonnaie adossée au dollar), annonçait vouloir délocaliser son siège irlandais aux Etats-Unis, sans donner d’explication. Début d’une grande migration ?