Categories: Nouvelles locales

Pourquoi les vieilles voitures américaines disparaissent de la circulation

LLa salsa remplit la cabine du taxi collectif (collectivo), une Willys Yipi (Jeep) rouge de 1945, transformée en fourgonnette de dix places. A la frontière des quartiers de la Plaza de la Revolucion et du Vedado, un convoi de décapotables rose bonbon emmène les touristes, au paradis, tête nue sous un soleil de plomb, pour une quarantaine de dollars, sous le regard désabusé des Cubains.

Au même moment, une famille de La Havane monte dans la Yipi pour un tout autre prix. « La Havane ? (La Vieille Havane ? NDLR) ? » demande la mère. « 100 pesos (0,28 euro) », répond le chauffeur, téléphone à la main, liasse de pesos…

LLa salsa remplit la cabine du taxi collectif (collectivo), une Willys Yipi (Jeep) rouge de 1945, transformée en fourgonnette de dix places. A la frontière des quartiers de la Plaza de la Revolucion et du Vedado, un convoi de décapotables rose bonbon emmène les touristes, au paradis, tête nue sous un soleil de plomb, pour une quarantaine de dollars, sous le regard désabusé des Cubains.

Au même moment, une famille de La Havane monte dans la Yipi pour un tout autre prix. « La Havane ? (La Vieille Havane ? NDLR) ? », demande la mère. « 100 pesos (0,28 euro) », répond le chauffeur, téléphone dans une main, liasse de pesos dans l’autre, qu’il ne quitte pas pour conduire. Trois passagers montent à l’avant, quatre à l’arrière, parfois plus.


Un « Almendrone » qui a perdu son éclat d’antan.

Archives AFP


Pontiac, Plymouth, Chevrolet… Il en resterait encore entre 50 000 et 70 000 sur l’île.

AFP

« Je vends mon Almendrone pour 10 000 euros. Mais pour 8 000 en liquide, je te le cède. »

L’histoire raconte dans la capitale que ces vieilles voitures américaines des années 1940-1950, les Almendrones (amandes), doivent leur nom à la forme ronde de cette petite noix. Il s’agit souvent de taxis : des Pontiac ou des Plymouth mille fois rafistolées, modifiées avec des moteurs Toyota et des volants Opel. Il en existe encore entre 50 000 et 70 000 sur l’île. « Je vends mon Almendrone 10 000 euros. Mais pour 8 000 cash, je te la cède », confie le propriétaire d’une Chevrolet Bel Air de 1952. Une bonne affaire, car à Cuba une voiture rapporte de l’argent, que ce soit comme taxi légal ou illégal, en raison de la crise des transports publics.

Une berline Buick de 1960

Alors que le niveau de vie continue de s’effondrer pour la majorité de la population, le nombre de véhicules neufs, parfois de luxe, augmente fortement dans la capitale, même si l’on ne dispose pas de chiffres. « A Cuba, il existe quatre grands types de voitures (caros). Les premiers sont les Almendrones et les caros des années 1960, 1970, 1980, les deuxièmes sont des véhicules de l’ex-URSS (Lada, Moskvitch, Zil ou Volga), les troisièmes sont des voitures modernes (des années 1990), et enfin les voitures neuves », explique cet ancien capitaine de la marine marchande, propriétaire d’une Peugeot 405 de 1993, une « caro moderno » à Cuba.


La dernière voiture américaine à entrer à Cuba, une Buick Sedan de 1960, est conservée dans un musée près de Santiago.

Hector Lemieux

Bien qu’il y ait toujours eu des importations de véhicules de différents pays, elles étaient très limitées en raison des lois cubaines ou américaines qui limitaient ces importations. La dernière voiture américaine à entrer sur l’île, embargo oblige, était une Buick Sedan de 1960, conservée dans un musée près de Santiago.

Importations via le Panama

Tout a changé en 2022, lorsque Joe Biden a autorisé l’exportation d’automobiles depuis les États-Unis. Une vingtaine d’entreprises américaines disposeraient de licences d’exportation. L’Oncle Sam interdisant à ses navires d’accoster à Cuba, les Américains livrent des voitures à l’ennemi communiste via le Panama. Le principal importateur serait l’entreprise Carrows, domiciliée au Panama, que plusieurs observateurs soupçonnent d’être de mèche avec le conglomérat militaire cubain Gaesa, qui contrôle l’essentiel de l’économie de l’île.

« Il vaut mieux ne pas avoir d’accident avec eux, car avec leurs pare-chocs en nickel, ils détruisent les voitures modernes. »

Sur son catalogue en ligne, Carrows propose un Ford Explorer 2021 avec 51 000 km pour 42 000 $ ou une Porsche Taycan Turbo neuve pour 211 000 $. L’entreprise exige un prépaiement en ligne de 1 000 $ pour effectuer la réservation. Il faudra ajouter le solde, plus une taxe d’importation de 4 228 $ pour le Ford Explorer. Les autres taxes et droits que l’île appliquera ensuite à l’arrivée sur le territoire cubain ne sont pas très transparents et à la discrétion totale de La Havane. Qui paye ces véhicules ? Chauffeuse pour un hôpital de La Havane, Teresa explique : « Ce sont les patrons, les propriétaires de certains mipymes (PME) et des artistes. » Mais aussi de nombreuses entreprises étrangères présentes ici.

Les exportations américaines en plein boom

En février 1962, Washington a imposé un embargo à Cuba, interdisant tout commerce avec l’île communiste. Il a été renforcé en 1992, puis en 1996. Quatre ans plus tard, l’Oncle Sam a assoupli ce que La Havane appelle le « blocus » et autorisé l’exportation de produits alimentaires, puis de médicaments et de matériaux de construction. La Havane estime que l’embargo a coûté 150 milliards de dollars à l’économie de l’île et a contribué à maintenir la population dans la pauvreté. « L’État cubain rejette toujours la faute sur le blocus. Mais ils achètent du poulet aux Yumas (Américains), n’est-ce pas ? », s’interroge Yotuel, un musicien de La Havane.


Place de la Révolution dans la capitale, une Chevrolet rose bonbon.

HL

Les exportations américaines vers Cuba, constituées à 90 % de produits alimentaires, ont explosé au cours de la dernière décennie. De 185 millions de dollars en 2015, les États-Unis ont exporté 404 millions de dollars vers l’île en 2023.

C’est désormais un embargo partiel, même s’il cause beaucoup de dégâts à l’économie de l’île. Sans compter que l’apparition de nouvelles voitures occidentales casse un peu le charme de Cuba. Les plus philosophes disent que les Almendrones sont immortelles. Yotuel en a la preuve : « Il vaut mieux ne pas avoir d’accident avec elles, car avec leurs pare-chocs en nickel, elles détruisent les voitures actuelles. »

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

Recent Posts

Les deux équipes dos à dos à la mi-temps, les Monégasques en supériorité numérique après l’exclusion de Garcia

Brillante la saison dernière, l'AS Monaco débute jeudi sa saison européenne avec un match de prestige face au Barça, une…

44 secondes ago

Qui est François-Noël Buffet, proposé au poste de ministre des Outre-mer ?

Cette fois, serait-ce la bonne ? Régulièrement pressenti comme un ministre potentiel sous Emmanuel Macron, le sénateur LR du Rhône…

4 minutes ago

« Une belle surprise et surtout beaucoup de fierté », se réjouit l’Automobile Club de l’Ouest

"On était content d'être en lice pour la finale, on avait encore d'autres très beaux monuments devant nous, c'est une…

6 minutes ago

Pedro Sánchez reçoit pour la première fois à Madrid le président de l’État de Palestine, Mahmoud Abbas

Le président du gouvernement a reçu à La Moncloa, pour la première fois depuis que l'Espagne a reconnu l'État de…

7 minutes ago

LDC. Brest – Sturm Graz : Fernandes plombe les Bretons, en direct

21:50 - Scénario frustrantLargement dominateurs en première période, les Brestois qui menaient depuis la 22e minute par l'intermédiaire de Magnetti,…

8 minutes ago

Comment expliquer les grandes différences de prix avec la France métropolitaine ?

Publié 19/09/2024 21h30 Durée de la vidéo : 2 min Martinique : comment expliquer les grandes différences de prix avec…

9 minutes ago