L’État de droit « est un ensemble de règles, une hiérarchie de normes, un contrôle judiciaire, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain », a déclaré la figure des Républicains dans un communiqué. entretien dimanche.
« Nous sommes scandalisés »confie un conseiller ministériel. A 24 heures de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale prévue mardi 1er octobre, le Premier ministre Michel Barnier doit faire face à une nouvelle polémique suscitée par nul autre que son ministre de l’Intérieur. Après le recentrage du ministre de l’Économie, Antoine Armand, et la polémique qui a suivi, Bruno Retailleau fait l’objet de vives critiques. « L’État de droit n’est ni intangible ni sacré », il a dit dans Le journal du dimanche une semaine après sa nomination. « C’est un ensemble de règles, une hiérarchie de normes, un contrôle judiciaire, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain », a ajouté le sénateur Les Républicains de Vendée.
Sa déclaration a immédiatement suscité des réactions indignées, à gauche, mais aussi au sein du camp présidentiel, allié de LR au sein du gouvernement Barnier. Le président de l’Assemblée nationale a ainsi rappelé lundi au ministre de l’Intérieur que l’État de droit « protéger notre démocratie »se disant « inquiétude » de ses paroles. « Quand la situation est tendue, quand il y a des crises, il ne faut surtout pas remettre en cause l’État de droit », a estimé Yaël Braun-Pivet lundi matin sur France 2. « Ce n’est pas le moment de faire des remarques qui divisent »de son côté, a critiqué Elisabeth Borne sur BFMTV. « L’État de droit est quelque chose de sacré »a insisté l’ancien Premier ministre, appelant à « éviter de crisper le pays ».
« L’État de droit est ce qui fonde les démocraties. C’est ce qui protège chacun de nous de l’arbitraire. C’est ce qui a su protéger, quand sous la pression des foules aux passions exacerbées par les populistes, certains étaient prêts au pire »a rappelé sur le réseau social X le patron des députés MoDem, Marc Fesneau. « L’État de droit dans une démocratie est un intangible pour garantir l’égalité de tous devant la loi »également appuyé sur X Agnès Pannier-Runacher, ministre dans le même gouvernement que Bruno Retailleau.
Certains, dans le camp macroniste, vont encore plus loin dans leurs critiques. « Ôna un ministre de l’Intérieur qui ne fait que communiquer et qui va vers l’extrême droite »accuse le député Ensemble pour la République (EPR), Ludovic Mendes.
« Les propos de Bruno Retailleau sont identiques à ceux de Marine Le Pen. Cela me choque.
Ludovic Mendes, député EPRsur franceinfo
Ancien président de la commission des lois de Renaissance, siégeant désormais parmi les non-inscrits, le député Sacha Houlié a même affirmé sur « s« Sans aucune autre forme de réponse de l’exécutif, cette politique justifie à elle seule la censure du gouvernement. ». « Retailleau devra sortir du confortable « tout ce qu’on a à faire » dans son bureau du Sénat pour apprendre à consulter et trouver des compromis pour rétablir l’harmonie. À ce rythme-là, ce n’est pas gagné. »tacle le député EPR concerné Stéphane Travert. « Sa définition de l’État de droit est en totale contradiction avec ce que je crois. L’État de droit est ce qui protège notre démocratie. »ajoute l’ancien ministre.
Les propos du « premier flic de France » ont suscité des réactions au-delà de la seule sphère politique. « Appeler à ne pas respecter l’État de droit, c’est appeler à ne pas respecter les lois pour lesquelles nous avons voté collectivement.a fustigé Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature, sur franceinfo. Une France qui sort de l’État de droit, c’est accepter que l’État n’est pas soumis à la loi, que tout le monde n’est pas soumis à la loi et donc, c’est le règne de l’arbitraire. » . C’est « stupéfiant, désastreux et vraiment très inquiétant », a fait écho sur franceinfo Patrick Beaudouin, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH). « L’Etat de droit est ce qui caractérise les régimes démocratiques, par opposition aux régimes autoritaires dits aujourd’hui ultra-libéraux, c’est même ce qui le distingue de la dictature, puisque la dictature est le rejet de l’Etat de droit »il a développé.
Cependant, définir l’État de droit n’est pas chose facile. « C’est un concept très compliqué en réalité, qui s’est construit par couches successives »explique Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris-II. « C’est un sujet de discussion, d’interprétation, souvent à cause des contextes »soutient Thibaud Mulier, maître de conférences en droit public à l’Université Paris Nanterre.
« Nous avons l’habitude d’enseigner deux formes complémentaires. D’abord, l’État de droit formel avec la hiérarchie des normes, où le vote de la loi doit respecter la Constitution. Et ce n’est pas cela que nous envisageons de remettre en question Bruno Retailleau.analyse Benjamin Morel. Ensuite, il y a l’État de droit au sens matériel, qui n’est pas seulement le respect de la hiérarchie des normes, mais aussi des normes fondamentales qui font l’objet d’un respect en principe. » Mais avec « une marge d’appréciation de la part des juges »ajoute le spécialiste.
Commentaires de Bruno Retailleau sur « l’Etat de droit qui n’est pas sacré » sont à prendre « dans les deux sens »précise Thibaud Mulier : « Oui, ce n’est pas sacré, puisque notre droit est établi par les hommes et non par la nature ou la religion, mais il y a aussi un élément de sacré dans l’État de droit, c’est une sorte d’héritage commun des Etats fondé sur la ‘Raison’, qui fait référence dans son contenu à quelque chose de sacré, à savoir la liberté, la dignité de la personne humaine, l’égalité devant la loi… »
Les déclarations du patron de la place Beauvau doivent aussi être replacées dans leur contexte, celui du meurtre de Philippine, cette étudiante de 19 ans tuée aux abords du bois de Boulogne. Le suspect est un Marocain, visé par une OQTF et déjà condamné par la justice française. Dans son entretien avec JDDBruno Retailleau cite également deux affaires judiciaires dans lesquelles des étrangers sont impliqués. « Nous ne pouvons plus accepter de nous protéger derrière des règles de droit qui ne protègent pas notre population. Quand les règles sont défectueuses, il faut les changer. » assure ainsi le ministre de l’Intérieur, qui répète au fil des entretiens vouloir renverser la situation en matière de sécurité et d’immigration..
« En matière d’immigration, il apparaît très compliqué de la réformer à droit constant, si l’on ne revient pas aux dispositions internationales ou constitutionnel »note Benjamin Morel. Toutefois, si notre État de droit « C’est très émouvant, car quand on ajoute des choses, comme l’avortement dans la Constitution, on change l’Etat de droit », « on n’a, jusqu’à présent, jamais retiré un droit ni une liberté »ajoute ce constitutionnaliste. Mais, ajoute-t-il, « Tout dépend de ce que nous supprimerions. Si nous retirons la Charte de l’environnement, ce serait préjudiciable à la nature, mais cela ne changerait pas non plus le visage de nos démocraties.»
Qu’a réellement en tête l’élu LR sur le sujet ? « Il est hors de question de remettre en cause ne serait-ce qu’un centimètre de l’État de droit, qui est un pilier majeur de notre République. Ce que le ministre a voulu dire, c’est qu’on peut, en revanche, remettre en cause le droit, le faire évoluer, au niveau régalien comme le reste, c’est le rôle du Parlement »assure une source gouvernementale. « La question de l’État de droit n’est pas négociable. Cependant, la législation peut évoluer. Mais nous ne pouvons pas faire de compromis sur la défense de l’État de droit. »prévient le député de la Renaissance et ancien ministre Franck Riester. « C’est la ligne du Premier ministre qui compte et nous l’aurons demain », » coupe l’entourage de Bruno Retailleau.