Pourquoi les prix de l’électricité ont explosé en Allemagne
C’est un mot sans équivalent français, apparu dans le vocabulaire allemand : le « flûte d’immersion » – qu’on pourrait traduire par « sombre crise » -, décrit désormais ces périodes sans vent et sans soleil pendant lesquelles le système électrique est mis à rude épreuve outre-Rhin, le pays dépendant de l’énergie éolienne et de l’électricité. photovoltaïque pour produire son courant. Et pour cause : en l’absence de nucléaire, le problème devient récurrent, et cette semaine a apporté un nouvel éclairage.
Sur les marchés de gros, le prix de l’électricité s’est élevé à 820 euros le mégawattheure (MWh) en Allemagne sur la bourse Epex, entre 17 heures et 19 heures, le mercredi 6 novembre. Soit dix fois plus que d’habitude, puisqu’il a augmenté en moyenne, ces derniers mois, entre 60 et 80 euros/MWh. Bien entendu, l’envolée n’a pas duré : une heure plus tard, les prix étaient retombés à 450 euros/MWh, avant de flirter à nouveau autour des 100 euros/MWh depuis. Mais l’événement a suffi à alerter les médias nationaux : « Le prix de l’électricité est le plus élevé depuis la crise énergétique », titrait ce matin le quotidien économique Journal du Handelsblattnotant que le « marasme sombre » était » se réalise temporairement « .
« L’électricité devient soudainement aussi chère le soir qu’elle l’était en pleine crise énergétique de 2022 », soulignait la veille l’hebdomadaire économique Wirtschaftswoche.
Des centrales électriques « à la pointe de la technologie »
Concrètement, au cruel manque de vent et à l’absence de soleil s’est ajoutée une reprise de la consommation, en raison de températures plus froides que prévu. Cela a contraint l’Allemagne à exploiter des centrales au fioul dites de « pointe », c’est-à-dire appelées en dernier recours, pour répondre à la demande. Mais ces installations sont coûteuses à exploiter, non seulement en raison du prix du carburant brûlé – le fioul donc – mais aussi du coût du CO2 associé et surtout des coûts de démarrage importants.
Or, ce sont les centrales mises en service en dernier lieu, dites « marginales », qui fixent à chaque instant le prix sur le marché de l’électricité. Et ce, pour une raison précise : si cela coûtait plus cher au propriétaire de l’un d’entre eux de le démarrer que de ne pas le produire, il privilégierait la deuxième option… ce qui entraînerait un déficit d’approvisionnement.
» Paradoxalement, c’est ce qui assure le prix le plus bas en moyenne sur l’année. Sans pointes de quelques heures par an, nous ne paierions pas les actifs de pointe extrêmes qui assurent l’équilibre offre-demande dans les moments de tension. », explique Emeric de Vigan, responsable des marchés de l’électricité chez Kpler.
Seulement voilà : ce type d’épisode pourrait bien se répéter plus que « quelques heures par an « . L’Allemagne a fermé ses dernières centrales nucléaires, et se fixe désormais pour objectif d’atteindre un mix électrique 100% renouvelable d’ici 2035 – sans charbon ni gaz donc. Mais le pays ne peut pas compter sur de nombreux barrages, ainsi que sur l’énergie éolienne et solaire. L’énergie éolienne, qu’elle développe massivement, restera très sensible aux conditions météorologiques, mercredi après-midi, l’énergie éolienne ne contribuait qu’à hauteur de 58 mégawatts (MW), contre 11 700 MW pour le lignite et 13 464 MW pour le gaz.
Des « signaux locaux » pour réduire la consommation
Face à ce problème, le ministère allemand de l’Économie a proposé, en juillet une mesure aussi innovante que controversée : les « signaux locaux ». Le principe : s’il y a peu d’énergie éolienne et solaire injectée à un moment donné dans une région donnée, quiconque réduira sa production sera récompensé, et sanctionné dans le cas contraire. Et ce, à travers des variations locales des prix, censées refléter « pénurie ou excès d’électricité » à l’endroit en question, a expliqué l’exécutif.
Autrement dit, si une telle mesure était appliquée, les entreprises devraient baser leur production sur la météo. Quoi » soulager le réseau », très bien servi lorsque le vent souffle et que le soleil brille mais sous-alimenté lorsque les conditions météo ne sont pas favorables. Un projet » complètement fou », s’est immédiatement indigné Christoph Ahlhaus, président de l’association représentative des entreprises de taille moyenne BVMW, précisant que « les machines ont besoin d’une électricité fiable et abordable 24 heures sur 24, 365 jours par semaine année « .