Le suspect du meurtre de Philippine était présent en France malgré une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ces expulsions ne peuvent pas toujours être appliquées en raison de certains obstacles, notamment juridiques.
Les obligations de quitter le territoire français (OQTF) suscitent régulièrement des débats. Notamment lorsqu’un fait divers met en lumière un suspect visé par une OQTF, mais toujours présent en France, comme ce fut le cas avec l’affaire Lola en octobre 2022 ou plus récemment avec le meurtre de Philippine. L’application de ces OQTF est jugée insuffisante par une partie de la classe politique, notamment de droite, et a conduit le gouvernement à être accusé de laxisme. Mais l’application des OQTF se heurte à plusieurs obstacles liés au profil de l’individu à expulser ainsi qu’aux mesures judiciaires ou administratives.
Les OQTF peuvent être prononcées à l’encontre de personnes entrées en France ou séjournant irrégulièrement sur le territoire, c’est-à-dire sans titre de séjour valable. Un titre de séjour retiré, non renouvelé, refusé ou dont la durée est expirée peut entraîner le déclenchement d’une OQTF. Les personnes qui représentent une menace pour l’ordre public peuvent également faire l’objet d’une OQTF, précisent les services publics. Théoriquement, l’expulsion doit être demandée dans les 30 jours, voire sans délai dans certains cas, notamment pour les délinquants et criminels qui représentent des menaces. Toutefois, plusieurs critères peuvent rendre une OQTF nulle et non avenue en fonction du profil de la personne visée par la procédure d’expulsion :
D’autres obstacles peuvent empêcher l’application d’une OQTF et sont prévus par la loi. La Cour européenne des droits de l’homme interdit ainsi l’expulsion d’une personne si celle-ci risque d’être maltraitée une fois accueillie dans et par son pays d’origine. Mais le principal obstacle juridique est celui qui prévoit l’obtention d’un « laissez-passer consulaire ». Ce document est demandé par les autorités françaises au pays d’origine de la personne expulsée et sans lui l’application de l’OQTF n’est pas possible. Or, les pays refusent systématiquement ou ponctuellement de délivrer le laissez-passer ou quittent le pays demandeur sans réponse.
En cas de dépassement du délai accordé par l’OQTF ou en attente d’un laissez-passer, les individus visés par la procédure peuvent être placés provisoirement en centre de rétention administrative (CRA) pour une durée maximale de 60 jours. L’expulsion est ensuite organisée par les autorités françaises. Certaines prolongations peuvent être obtenues sous certaines conditions, notamment si le document consulaire tarde à être envoyé.
Les personnes soumises à une OQTF peuvent elles-mêmes s’opposer à la procédure d’expulsion en déposant un recours devant le tribunal administratif. La décision peut être contestée pour plusieurs motifs : par rapport au titre de séjour si l’intéressé estime pouvoir être régularisé ou par rapport au pays de retour s’il estime y être en danger. Le délai pour déposer un recours est de 15 à 30 jours selon les motifs de délivrance de l’OQTF. Une fois le recours déposé, l’OQTF est suspendue jusqu’à la décision du tribunal, qui peut être rendue à l’issue du délai d’instruction allant de 6 semaines à 3 mois.
Quelle explication pour le suspect du meurtre de Philippine ?
C’est l’absence de délivrance du « laissez-passer consulaire » qui a empêché l’expulsion du suspect dans l’affaire du meurtre aux Philippines. Taha O. étant né à Oujda, au Maroc, mais n’ayant aucun papier d’identité, une « demande de reconnaissance aux fins de délivrance d’un laissez-passer » a été adressée au royaume marocain. Trois demandes ont été formulées entre le 18 juin et le 27 août, mais aucune n’a reçu de réponse concrète. Le Parisien.
Pendant ce temps, le suspect était détenu au CRA de Metz depuis le 20 juin, date de sa sortie de prison. Son séjour au CRA a été renouvelé trois fois, mais la quatrième demande de prolongation a été rejetée par le juge des libertés et de la détention. Le magistrat a reconnu que le suspect « avait mis en danger la sécurité des personnes » et que « le risque de récidive d’actes criminels, et donc la menace pour l’ordre public, ne peut être exclu ». Mais compte tenu du silence des autorités marocaines, le juge a également estimé impossible d’assurer la réception du laissez-passer et l’expulsion effective de l’individu dans un délai de 15 jours et a ordonné sa sortie du CRA. L’homme est resté assigné à résidence, mais ne s’est jamais conformé à cette obligation.
GrP1
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