pourquoi les paroles du pape continuent d’agiter la Belgique
« Qu’un chef d’État étranger fasse ce genre de commentaire sur les lois de notre pays est totalement inacceptable. » Interrogé avec une certaine virulence, jeudi 3 octobre, à la Chambre des députés au sujet des propos du pape François sur l’avortement, le Premier ministre belge Alexander De Croo n’a pas mâché ses mots.
« Nous n’avons aucune leçon à tirer du vote de lois démocratiques par les parlementaires. L’époque où l’Église dictait l’agenda du travail politique est révolue. »a-t-il insisté, critiquant par la même occasion la façon dont elle traitait les violences sexuelles en elle. Il a également assuré avoir « a invité le nonce apostolique pour un entretien » pour exprimer son mécontentement.
« Grand malaise »
Quelles sont les raisons de cette indignation qui agite tant le monde politique et médiatique belge ? Lors de son voyage mouvementé en Belgique, du 26 au 29 septembre, le pape a décrit « loi meurtrière » la législation votée en 1990 en Belgique dépénalisant l’avortement. Dans l’avion qui le ramenait à Rome, il a insisté. « Un avortement est un homicide ! » « , qualifications – comme il l’avait déjà fait par le passé – « les médecins qui s’y prêtent » de « sicaire » (« tueurs à gages »en italien). François a également salué le courage de Baudouin, roi des Belges de 1951 à 1993, fervent catholique qui a abdiqué le trône pendant trente-six heures pour ne pas avoir à signer la promulgation de cette loi, souhaitant même ouvrir son procès en béatification. .
Les propos du pape, en ligne avec ses positions depuis son élection et celles de l’Église catholique sur le fond, mais dans un style très vigoureux, ont réveillé les divisions dans une société belge très déchristianisée. D’autant que l’allongement du délai légal pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG) à 18 semaines – contre 12 actuellement – est actuellement en discussion.
Dans la presse généraliste belge, le voyage de François se résume essentiellement à des polémiques sur l’avortement ou la place de la femme. Au lendemain de la visite du Pape, l’éditorial à la Une du journal Le soirle principal quotidien francophone, s’intitule ainsi : « En Belgique, ce n’est pas le pape qui fait la loi, alléluia ! » Sur la RTBF, Bertrand Henne, dans son éditorial politique « Le matin d’abord », il parle de «grand inconfort» et déclare que « Cette visite laisse un sentiment mitigé, presque embarrassant, d’un pape en décalage avec une société belge largement laïcisée. »
L’Église belge placée en surplomb
Comment a réagi l’Église belge, marquée par une culture du compromis et du dialogue ? Déjà, la polémique a largement relégué au second plan un déplacement où François a notamment célébré la messe au stade Roi Baudoin de Bruxelles devant près de 40.000 personnes et où le pape s’est généralement montré, aux yeux des observateurs belges, à la hauteur de attentes sur la question de la maltraitance.
La polémique a clairement mis en porte-à-faux l’Église belge, qui craint que ces propos sur un sujet éthique délicat ne creusent encore davantage le fossé avec la société. Certains mouvements militants tels que le Centre d’action laïque ont partagé des revendications de « débaptisation ». « Le dialogue semble plus difficile qu’il y a une semaine et la tâche des évêques est plus compliquéeassure Vincent Delcorps, directeur de la rédaction du média catholique CathoBel. L’Église en Belgique ne s’y attendait pas, espérant plutôt un nouveau souffle grâce à la visite du pape. » Les observateurs catholiques belges parlent de « déchets ».
Si le porte-parole francophone de la Conférence des évêques, le père Tommy Scholtes, a expliqué, dans des propos rapportés par la RTBF, que le pape « a le droit d’avoir une opinion » et que « dans l’Église catholique, l’opinion est que l’avortement et euthanasie soulèvent de sérieuses questions, » d’autres voix se sont clairement distancées, soulignant l’existence de sensibilités ecclésiales différentes. Le père Gabriel Ringlet n’a pas hésité à critiquer vertement les propos du pape, qu’il jugeait « insultant pour des médecins attentifs à des souffrances tout à fait réelles et qui travaillent en outre dans un cadre légal ». » L’éthique peut exiger dans certaines circonstances la transgression d’une situation »» a-t-il ajouté, citant certains cas d’avortement ou d’euthanasie.
Habitué à intervenir dans les débats publics et impliqué au sein du Comité national belge chargé du voyage du pape en Belgique, le père Éric de Beukelaer a défendu François sur son blog. « Quelles que soient nos opinions sur l’avortement, il ne s’agit pas simplement d’un droit à la santé reproductive, comme certains le prétendent.assure le vicaire général du diocèse de Liège. L’avortement est un acte grave où la vie à naître est en jeu. Masquer cette réalité revient à tronquer tout débat à son sujet. »
Pour lui, le pape aime « personnalité spirituelle » peut, « et même doit », remettre en question les lois, « que ce soit à Lampedusa pour les migrants ou en Belgique pour la bioéthique ». « Le jouril écrit, là où l’Église ne fera plus l’objet d’oppositions et de débats, ce sera parce qu’elle aura renoncé à ébranler les consciences – à la manière de Jésus. »