À partir du 7 juillet 2024, la nouvelle réglementation GSR2 s’applique aux constructeurs automobiles en Europe. Parmi les nouveautés imposées de série, on retrouve la reconnaissance des panneaux de signalisation avec avertissement de survitesse. Le problème est qu’elle n’est pas du tout au point pour le moment, et qu’elle risque de poser des problèmes aux conducteurs plutôt qu’autre chose.
Vous avez sans doute remarqué que sur la plupart des véhicules récents, la limite de vitesse en vigueur est affichée sur l’ordinateur de bord. Si ce n’est pas si nouveau, il est clair que la législation va imposer quelques changements au fonctionnement de cette reconnaissance de panneaux, pour le meilleur ou pour le pire.
En théorie, parmi les 18 éléments imposés par la norme GSR2, celui concernant les alertes de survitesse posera le plus d’inquiétudes, car à l’heure où nous écrivons ces lignes, aucun constructeur n’a réussi à avoir la recette miracle qui fonctionne à tous les coups.
Quand la sécurité n’est pas au service du conducteur
Soyons clairs dès le départ : se plaindre des avertissements de vitesse n’est pas une incitation à rouler au-dessus de la limite de vitesse. Si vous voulez des excuses pour avoir dépassé la vitesse autorisée sur la route, vous ne les lirez pas ici. Cependant, le fonctionnement actuel des indicateurs de vitesse sur les véhicules vendus aujourd’hui n’est pas suffisamment avancé pour que nous puissions nous y fier à 100 %.
La pratique nous montre qu’en plus d’avoir des données erronées sur de nombreuses routes, la lecture des panneaux de signalisation montre rapidement ses limites. Si l’on prend l’exemple bien connu des voitures Tesla, pour afficher la limitation de vitesse applicable sur le tronçon emprunté, deux sources sont prises en compte.
On utilise dans un premier temps une base de données cartographique, supposément mise à jour régulièrement, mais sans plus de précisions quant à la provenance des données si l’on en croit le manuel en ligne de la Tesla Model 3. De plus, les caméras présentes sur le pare-brise liront les panneaux visibles, en essayant de les interpréter au mieux pour afficher une limitation de vitesse exacte en toutes circonstances.
Comme on pouvait s’y attendre, ce n’est évidemment pas parfait, loin de là. Tesla ne cache pas les imprécisions de son système, comme vous pouvez le voir ci-dessous.
Mais là où le bât blesse, c’est qu’en plus d’avoir une indication visuelle potentiellement erronée, une alerte sonore qui ne peut pas être systématiquement désactivée est également de la partie. Plus précisément, l’affichage ainsi que le signal sonore d’excès de vitesse peuvent être désactivés à la demande, mais il se réactive à chaque redémarrage de la voiture.
Par exemple, si vous avez un trajet quotidien où un panneau 30 km/h qui ne vous concerne pas (réservé aux poids lourds, voire à une autre route que celle que vous empruntez) est vu par les caméras alors que vous êtes sur une départementale limitée à 80 km/h, vous serez considéré comme en excès de vitesse, et les alertes se feront un plaisir de vous rappeler de vous y conformer.
Cette situation est bien sûr pénible, d’autant plus qu’elle se produit quotidiennement pour de nombreux conducteurs. Et ce n’est que le début : lors de l’utilisation de systèmes d’assistance à la conduite, le résultat est encore pire.
Le problème des systèmes d’assistance à la conduite
En utilisant l’Autopilot de Tesla, votre vitesse de croisière s’adapte à la limitation de vitesse en vigueur. Jusqu’ici, aucun problème, puisqu’il s’agit du comportement d’un conducteur consciencieux qui respecte les règles. Mais dans la situation décrite juste au-dessus, cela revient à dire que vous passeriez soudainement à 30 km/h alors que la limite est bel et bien de 80 km/h.
Le résultat de ce changement brusque de vitesse est, en plus de réveiller tous les passagers endormis, des conséquences potentiellement graves. En effet, avec des véhicules qui peuvent être très proches derrière vous, vos réflexes seront mis à rude épreuve.
C’est potentiellement plus grave que le freinage fantôme que connaissent les conducteurs de Tesla, car ce comportement est systématique lorsqu’un panneau est lu à une vitesse incorrecte : autrement dit, il se produit beaucoup plus souvent.
On peut citer par exemple les panneaux sur les voies rapides qui sont destinés aux véhicules en sortie de route, avec parfois des changements de vitesse de 110 à 70 km/h, obligeant le conducteur à reprendre le contrôle pour ne pas rouler inutilement lentement.
Ce qui était une nuisance en conduite manuelle (alertes sonores et visuelles) devient un danger en conduite automatisée, puisqu’il devient impossible de passer outre la limitation de vitesse affichée par votre véhicule. Sur une Tesla, depuis de nombreux mois, on ne peut plus forcer la vitesse à plus de 10 km/h au-dessus de la limite : le résultat est sans appel, avec une erreur de lecture d’un panneau 30 km/h sur une départementale, on se retrouve bloqué à 40 km/h maximum.
L’inverse est également vrai, avec des conséquences tout aussi importantes. Nombreux sont les tronçons de route avec un ralentissement signalé par des panneaux qui ne sont pas pris en compte par la voiture, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. Dans une zone de travaux sur l’autoroute par exemple, limitée à 110 ou 90 km/h, si la voiture en pilotage automatique continue de rouler à 130 km/h, cela entraînera potentiellement le retrait de 3 points du permis de conduire, ainsi que de 90 euros sur le compte bancaire du payeur.
La réglementation fera-t-elle bouger les choses ?
Maintenant que la GSR2 nécessite toute une série d’aides à la conduite pour pouvoir être commercialisée, les constructeurs vont-ils redoubler d’efforts pour garantir une lecture irréprochable des panneaux ?
Malheureusement, il y a peu d’espoir. Leur stratégie semble être de mettre en avant des moyens de désactiver les différentes alertes, même si cela doit être fait à chaque démarrage du véhicule et non une fois pour toutes. Du côté de Tesla – qui n’en est pas à son coup d’essai pour des fonctionnalités à moitié abouties – toutes les limites spécifiées dans le manuel d’utilisation ne peuvent pas être surmontées avec le développement logiciel.
Un panneau mal placé, un manque de visibilité ou un panneau qui n’est pas au format standard feront tomber tout le système. Entre les mains du consommateur, il n’y a que deux solutions : se contenter d’un système très imparfait, ou penser à le désactiver à chaque mise en marche. Si la technologie n’évolue pas rapidement, telle est la dure réalité qui nous attend.