Santé

Pourquoi les humains sont-ils si paresseux ?

Notre monde contemporain nous pousse vers une efficacité constante, une productivité sans faille et au sein de celle-ci, la procrastination est un vrai point faible. Ce phénomène, loin d’être anecdotique, touche une partie importante de la population. Cette étude menée en 2013 par Katrin B. Klingsieck de l’université de Paderborn (Allemagne) indique que 20 à 25 % de la population globale serait concernée. Pire encore, 70 % des étudiants se considèrent comme des procrastinateurs chroniques. La procrastination est-elle donc le mal du siècle pour l’espèce humaine ?

La question est loin d’être aussi simple et le phénomène est plutôt le symptôme d’une société de plus en plus sophistiquée, où les individus sont confrontés à de nombreuses demandes et à des attentes élevées. Les mécanismes à l’œuvre derrière ce comportement apparemment irrationnel sont en réalité assez logiques lorsqu’on y regarde de plus près. La procrastination n’est pas qu’un manque de volonté, loin de là.

Peur de l’échec et perfectionnisme

Au cœur de la procrastination se trouvent des mécanismes psychologiques complexes. Premièrement, la peur de l’échec est l’un des premiers rouages ​​qui peuvent paralyser notre volonté d’agir. Cette appréhension, souvent irrationnelle, se nourrit de notre besoin d’estime de soi et de notre peur du jugement des autres.

Paradoxalement, le perfectionnisme, souvent perçu comme un atout, peut s’avérer être un formidable obstacle. Dans cette même étude, Klingsieck explique que « l’augmentation de la procrastination est principalement due à un manque de rigueur, une plus grande tendance à l’anxiété et un perfectionnisme accru « . En d’autres termes, moins nous avons tendance à être organisés et rigoureux, plus nous sommes sujets à l’anxiété et au stress, et plus nous essayons de tout faire parfaitement, plus nous avons tendance à tergiverser. Un véritable cercle vicieux.

La quête obsessionnelle de l’excellence peut nous conduire à constamment reporter l’action, dans l’attente illusoire de conditions idéales qui ne se présenteront jamais. Cependant, cette attente prolongée nous empêche d’agir, créant une paralysie dans la prise de décision et nous éloignant de nos objectifs, car ces conditions « parfaites » sont souvent irréalistes, voire totalement inexistantes.

Le temps, cet allié trompeur

Notre perception subjective du temps joue un rôle clé dans notre tendance à procrastiner. L’illusion du contrôle temporel nous berce dans la croyance trompeuse que nous le ferons toujours  » plus de temps plus tard « . Cette distorsion cognitive nous amène à sous-estimer systématiquement le temps nécessaire pour accomplir une tâchetout en surestimant notre capacité future à y parvenir efficacement.

Ce phénomène est étroitement lié à ce que les psychologues appellent le « biais d’optimisme « . Nous avons parfois tendance à imaginer notre futur comme plus discipliné.plus énergique et plus capable que notre moi actuel. Cette vision idéalisée nous amène à remettre à plus tard les tâches difficiles ou désagréables, dans l’espoir illusoire qu’elles deviendront plus faciles à accomplir plus tard.

De plus, cette distorsion temporelle est renforcée par l’effet Zeigarnik, du nom du psychologue Bluma Zeigarnik qui l’a découvert dans les années 1920. Cet effet fait référence à notre propension à mémorisez mieux les tâches inachevées que celles que nous avons accomplies. Ironiquement, cette augmentation de la mémoire pour les tâches en suspens ne se traduit pas nécessairement par une action immédiate. Au contraire, cela peut également alimenter un cercle vicieux de report.

En effet, garder constamment à l’esprit ces tâches inachevées peut générer de forts sentiments de culpabilité ou d’anxiété. Paradoxalement, au lieu de nous amener à agir, ces émotions négatives peuvent nous inciter à chercher des issues de secours, renforçant ainsi notre comportement procrastinateur. Nous nous retrouvons alors dans une boucle où la conscience aiguë de ce que nous devrions faire nous incite à éviter encore plus ces tâches, les rendant de plus en plus pesantes psychologiquement.

Cette dynamique entre notre perception du temps, nos attentes envers notre futur moi et notre mémoire sélective des tâches inachevées crée donc un terrain fertile pour la procrastination.

Une société qui cultive le report

L’environnement dans lequel nous opérons n’est pas en reste dans cette équation complexe. La culture du multitâche, érigée en compétence essentielle, fragmente notre attention et réduit notre efficacité. La pression sociale d’être constamment productif peut paradoxalement devenir source de blocage et d’évitement, comme c’est le cas pour les personnes souffrant du phénomène hikikomori.

L’omniprésence des technologies, si elle a complètement révolutionné notre quotidien, a également augmenté les sources de distraction. Les smartphones et les réseaux sociaux nous donnent un accès constant à des stimuli plus gratifiants à court terme que la tâche que nous devrions idéalement accomplir. L’explosion et le succès des formats vidéo courts n’arrangent pas les choses.

La procrastination n’est donc pas qu’une simple manifestation de ce qu’on appelle la paresse ; c’est un phénomène complexe, à la croisée de notre psychologie individuelle et de notre environnement socioculturel. Plutôt que de culpabiliser face à notre tendance à la procrastination, peut-être devrions-nous voir la procrastination comme un signal, une invitation à repenser notre rapport au temps, au travail et à nous-mêmes. En aucun cas cela n’est inévitable et il est possible d’y remédier. Planifiez vos journées en fixant des objectifs réalisables à court terme, en divisant les tâches en étapes plus petites (moins intimidantes) et en créant un environnement de travail propice. Définir des plages horaires sans distractions et se féliciter pour chaque petite tâche accomplie sont également des moyens efficaces pour rester motivé et progresser vers vos objectifs.

  • La procrastination est liée à des mécanismes psychologiques complexes comme la peur de l’échec et le perfectionnisme.
  • Notre perception erronée du temps, renforcée par le biais d’optimisme et l’effet Zeigarnik, alimente un cercle vicieux de report des tâches.
  • La société moderne, avec ses distractions technologiques et sa pression pour une productivité constante, contribue à renforcer ce comportement.

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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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