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pourquoi les évêques sont sur une ligne de crête

pourquoi les évêques sont sur une ligne de crête

Dès que le résultat des élections européennes a été connu et la dissolution surprise de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron, les évêques du Nord ont immédiatement pris la plume. « Plus les temps sont troublés, plus nous avons besoin de sagesse, d’une sagesse politique courageusement ancrée dans la tradition humaniste, de fidélité au service du bien commun, d’attention aux moindres, d’humilité d’écoute et de solidarité universelle », expliquent-ils dans un court communiqué le 10 juin.

Revenant à une époque révolue sur l’idée de donner des instructions de vote, les archevêques de Lille et Cambrai et l’évêque d’Arras n’ont pas hésité longtemps avant de s’exprimer, alors que le Rassemblement national, arrivé largement en tête des élections européennes, pouvait obtenir la majorité. des députés à l’issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet.

Des attentes contradictoires

Parler ou pas ? Et si oui, pour quel discours ? Dans un contexte politique éruptif, les évêques français, dans leur diversité de sensibilités, cherchent, non sans difficulté, le bon positionnement sur une ligne de crête. Car, entre ceux qui les appellent à prendre une position sans ambiguïté contre l’extrême droite, ceux qui pensent qu’ils ne doivent pas intervenir dans l’arène politique et ceux qui voudraient qu’ils défendent ardemment « Identité chrétienne » de la France ainsi que « principes non négociables » comme la protection de la vie, l’épiscopat est déchiré.

« Je ne suis pas sûr que la parole d’un évêque soit bien reçue dans ce contexte »résume brièvement un évêque occidental embarrassé. « Nous sommes gênésconfie un autre. Nous craignons que les catholiques ne comprennent pas un discours. » D’autant que le vote catholique apparaît très fragmenté. Selon une étude Ifoppour La Croixréalisées pour les élections européennes, si l’on regarde les pratiquants réguliers, 28% d’entre eux sont allés sur des listes situées à l’extrême droite, 28% sur des listes de gauche, 16% pour LR et 10% pour la majorité présidentielle.

D’où une certaine hésitation ou prudence. Dans une province, les évêques n’ont pas réussi à s’entendre sur un texte proposé par l’archevêque métropolitain : « pas le moment de s’exprimer » pour certains, pas assez pointu pour d’autres. De son côté, la Conférence des évêques de France (CEF) a évité de réagir rapidement mais pourrait le faire cette semaine. Sur les ondes du RCF Reims-Ardennes, l’archevêque de Reims et président du CEF Éric de Moulins-Beaufort a expliqué que le résultat des élections européennes démontrait une « un profond malaise », « mais le remède ne doit pas être pire que le mal ».

« Ne rien dire ou s’exprimer est toujours mal reçu d’une manière ou d’une autre »

D’autres ont pris le temps de réfléchir avant de décider de s’exprimer. C’est le cas de Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne, qui a publié lundi 17 juin un message intitulé « Votez sans crainte ». « Si notre foi ne nous dicte pas pour qui nous votons, cela doit avoir quelque chose à voir avec la façon dont nous votons »il écrit, déclarant « des lignes directrices claires »comme le « la dignité irréductible de toute personne humaine »« recherche du bien commun » Et « l’option préférentielle pour les pauvres ».

Cependant, le positionnement délicat des évêques se heurte également aux attentes paradoxales des catholiques. Certains, parfois les mêmes qui considèrent que la parole de l’épiscopat n’est plus audible depuis la crise des abus sexuels, réclament une parole d’autorité : dire du bien ou du mal, alerter comme ils le font sur des questions éthiques. Les évêques ne cachent pas se sentir désorientés face à un « pression culpabilisante ». « A l’heure de la synodalité, il y a une incohérence à demander une voix hiérarchiqueexplique l’un d’eux. Une incohérence redoublée puisque les mêmes demandent la pluralité dans l’Église et en même temps une seule parole des évêques. Ne rien dire ou prendre la parole, c’est toujours mal reçu d’une manière ou d’une autre… Quoi qu’il en soit, on en prend des coups. »

Comprendre sans juger

Face à l’urgence, et malgré une offre politique qui suscite peu d’enthousiasme, les évêques se risquent à aller plus loin, sans toutefois appeler directement au détournement de l’extrême droite comme l’Église protestante unie de France. Évoquer des partis qui prétendent « d’une certaine tradition chrétienne »Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras, se défend « la seule tradition chrétienne possible », « celui qui s’appuie sur les paroles de Jésus, notamment dans Matthieu 25 – « Chaque fois que tu l’as fait à un de ces petits (…) » – sinon c’est un mensonge.  » Audience « Des chrétiens qui ont très peur de l’extrême droite »et d’autres qui craignent l’extrême gauche, l’évêque de cette région où le vote pour le RN est massif cherche à comprendre, sans juger : « Il suffit de parcourir le Pas-de-Calais pour percevoir ce sentiment d’abandon, à l’origine de ce vote désabusé et radical. »

Les évêques sont-ils plus prudents aujourd’hui qu’hier ? « Le temps du barrage me semble révolu »assure Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre qui, plutôt que de parler personnellement, a soumis un texte à son « conseil diocésain du peuple de Dieu ». « Un évêque peut avoir une parole claire mais qui ne divise pas « brise » son diocèse alors que la communion est déjà attaquée. On ne peut plus dire qu’un chrétien ne peut pas voter pour l’extrême droite comme c’était le cas avant, au risque d’insulter les électeurs. souligne-t-il, préférant « Construire un dialogue plutôt que condamner ».

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Des benchmarks mais pas d’instructions de vote

En avril 2022, avant le second tour de l’élection présidentielle qui s’est joué entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF) ne donne aucune indication mais appelle à un vote. « en conscience, à la lumière de l’Évangile et de la doctrine sociale de l’Église ».

Une position proche de celle prise en avril 2017, au soir du premier tour, qui plaçait déjà Emmanuel Macron et Marine Le Pen en tête.

En 2002, alors que Jean-Marie Le Pen accède au second tour de l’élection présidentielle, si le CEF fait appel «vers la sérénité plutôt que la peur»Sans inviter explicitement Jacques Chirac à voter, les évêques, à titre personnel, prennent leurs distances avec le Front national.

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