Pourquoi les États-Unis renforcent-ils la défense antimissile en Europe ?
Il est conçu pour détecter, suivre et intercepter des missiles balistiques en vol. Une nouvelle base américaine de défense antimissile a été officiellement inaugurée mercredi en Pologne. Désormais opérationnel, il est prêt à « contribuer à la défense de l’Alliance » en renforçant « le bouclier anti-missile de l’OTAN », apprend-on sur le site officiel de l’Alliance atlantique. Voici ce qu’il faut savoir sur cette nouvelle base.
Pourquoi une nouvelle base antimissile américaine en Europe ?
Située près de la ville de Redzikowo, en Poméranie, cette base appartient à l’US Navy, dépend de l’USEUCOM, le principal commandement des forces américaines en Europe, mais est intégrée à la structure de commandement de l’OTAN. Equipé d’un système anti-missile Aegis, il constitue une pièce supplémentaire au bouclier anti-missile américain en Europe, que Washington a commencé à mettre en place il y a quinze ans, et destiné à se protéger contre les menaces de missiles balistiques émanant de l’extérieur de l’euro. Zone atlantique, notamment Iran. Le projet de cette base a été lancé sous la présidence du président George W. Bush. Après avoir pris du retard, sa construction a débuté en 2016 et s’est achevée en 2023.
Outre cette nouvelle base en Pologne, le bouclier comprend un autre site opérationnel depuis 2016 à Deveselu en Roumanie, quatre destroyers de l’US Navy basés à Rota (Espagne) et un radar d’alerte précoce déployé à Kurecik (Turquie). Environ 200 soldats sont stationnés sur les deux sites d’interception en Pologne et en Roumanie.
Le système de défense antimissile balistique de l’OTAN permet de détecter une attaque de missile et de détruire l’engin ennemi à l’aide d’un intercepteur guidé par radar. Ce bouclier Aegis Ashore est « purement défensif », insiste l’Otan.
Contre quels types de menaces cette base devrait-elle protéger l’Europe ?
Si le projet remonte bien avant la guerre en Ukraine, l’inauguration de cette base prend une toute autre dimension avec la montée de la menace russe. « A travers les conflits en Ukraine ou au Moyen-Orient, nous pouvons constater l’importance de la défense aérienne et de la défense antimissile », a souligné le ministre polonais de la Défense Wladyslaw Kosiniak-Kamysz. Cette base est destinée à défendre « toutes les populations, territoires et forces des pays européens de l’Alliance contre la menace croissante que représentent les missiles balistiques » à courte (1 000-3 000 km) et moyenne (3 000-5 500 km). .
Le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, a déclaré pour sa part que la base « renforce considérablement notre capacité à nous défendre contre la menace croissante posée par les missiles balistiques venus de l’extérieur de la zone euro-atlantique ».
L’Europe est-elle dépendante des États-Unis pour sa défense antimissile ?
L’Europe manque d’effectifs et ses capacités de défense restent insuffisantes, même si ses dépenses ont augmenté depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, selon une étude de l’Institut international d’études stratégiques (IISS), un groupe de réflexion britannique, publiée le 8 novembre. Les forces armées européennes « continuent de s’appuyer à des degrés divers sur les États-Unis dans tous les domaines militaires », a déploré ce groupe d’experts. S’il souligne que la production dans certains secteurs, « notamment la défense aérienne et l’artillerie, a considérablement augmenté depuis 2022 », il souligne que « c’est dans le domaine de la défense contre les missiles balistiques que l’Europe reste la plus fortement dépendante des Etats-Unis ». »
C’est dans ce contexte que le projet European Sky Shield Initiative (Essi) a été lancé par l’Allemagne en août 2022. « Il englobe désormais 22 nations » et « son ampleur témoigne certainement de l’ampleur reconnue du problème » poursuit l’IISS. La France et l’Italie n’ont cependant pas adhéré à ce programme, regrettant que l’Essi privilégie certains systèmes non européens comme l’américain Patriot et l’américano-israélien Arrow-3, alors que ces deux pays disposent d’un système de défense terrestre, aérien à moyenne portée, le SAMP/T Mamba.
Une nouvelle version, le SAMP/T NG (nouvelle génération), a été présentée il y a quelques semaines. La France doit en commander huit d’ici 2030 et disposera de 12 systèmes opérationnels en 2035. L’Italie en a commandé dix. Equipés des nouveaux missiles Aster 30 B1NT, ces systèmes sont capables d’intercepter des missiles balistiques de moyenne portée, ainsi que des missiles dits hypersoniques, volant à plus de Mach 5 (6 000 km/h).
Cette base peut-elle être remise en cause avec l’élection de Donald Trump ?
Cette inauguration intervient au moment où Varsovie et ses alliés de la région se préparent à la présidence de Donald Trump, qui a exprimé ses réticences quant au maintien de l’aide militaire américaine à l’Ukraine. Il a également menacé de se désengager de l’Europe. L’ambassadeur des États-Unis en Pologne, Mark Brzezinski, a cependant exprimé sa « confiance dans la poursuite de ce partenariat étroit entre nos deux nations ».
Au lendemain de la guerre en Ukraine, la présence militaire américaine en Europe a franchi le seuil symbolique des 100 000 soldats, l’essentiel du contingent étant localisé en Allemagne. La Pologne a vu une arrivée massive d’environ 6 000 soldats américains sur son territoire, pour atteindre un total de 10 000 soldats. Environ 2 500 soldats sont également désormais répartis entre la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, tandis qu’environ 1 500 hommes sont positionnés en Slovaquie.
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Comment Moscou a-t-elle réagi à l’inauguration de cette nouvelle structure ?
Le déploiement en Europe de ce bouclier antimissile américain a toujours suscité des réactions hostiles de la part de la Russie, qui y voit un danger pour sa propre sécurité. Moscou a de nouveau protesté mercredi contre la présence de cette nouvelle base, à 230 km de l’enclave russe de Kaliningrad. « Il s’agit d’une avancée des infrastructures militaires américaines en Europe vers nos frontières » et « cela conduira à la prise de mesures appropriées pour assurer la parité », a prévenu le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.