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pourquoi le Sénat est en position de force pour laisser sa marque sur le projet de loi

La droite et le centre, alliés dans le « socle commun » du gouvernement Barnier, sont majoritaires à la chambre haute, où ils entendent afficher une image plus constructive que lors des débats à l’Assemblée nationale.

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Le Premier ministre, Michel Barnier, et le président du Sénat, Gérard Larcher, le 2 octobre 2024 au Sénat. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

Nouvelle étape du marathon budgétaire : le projet de loi de finances pour 2025 est examiné à partir de lundi 25 novembre au Sénat. Après avoir été largement amendé et remanié par les députés, le volet recettes a finalement été rejeté lors d’un vote à l’Assemblée le 12 novembre. Les nombreux amendements adoptés par l’opposition pour détricoter la copie gouvernementale ont donc fini à la poubelle, et le texte a été envoyé à la chambre haute dans sa version initiale, celle du gouvernement. Pour les sénateurs, principalement issus de la « base commune » que constitue le gouvernement Barnier, c’est l’occasion de profiter du nouveau rapport de force politique pour réécrire le budget.

S’il devait composer avec une Assemblée tripartite, au Sénat, le gouvernement peut compter sur une majorité confortable, grâce à l’addition des sièges de droite et du centre, soit cinq groupes réunissant 245 sièges sur 348. « Contrairement à l’Assemblée nationale, où il n’y a pas de majorité claire (…), ici (au Sénat) il existe une nette majorité qui soutiendra l’action du gouvernement »Michel Barnier s’est réjoui devant les sénateurs fin septembre.

Ce n’était pas le cas du gouvernement précédent, puisque la droite, majoritaire au Sénat, était opposée à Emmanuel Macron. « Quand tu es dans l’opposition, tu existes moins, nous étions une quantité négligeable »rappelle le rapporteur du budget des Républicains (LR) Jean-François Husson.

L’alliance entre les macronistes et LR a rebattu les cartes, et l’heure est au premier test pour cette coalition. Le Premier ministre a également cherché à cajoler les principaux ténors du Palais du Luxembourg. Plusieurs réunions ont été organisées pour réunir le président LR du Sénat, Gérard Larcher, Jean-François Husson, tous les rapporteurs de la commission des finances de la majorité sénatoriale ainsi que les rapporteurs pour avis des autres commissions.

Une occasion d’afficher l’unité des partenaires du « socle commun », loin des divergences et du manque de coordination observés entre les macronistes et la droite lors du débat à l’Assemblée. « Avec les sénateurs du ‘club des cinq’, nous essayons de créer un peu de fluidité et de complicité. Nous n’étions pas forcément amis, mais nous sommes dans une alliance gouvernementale. Nous sommes nombreux et nous allons travailler ensemble. , en lien avec Matignon et Bercy »dit Jean-François Husson.

Les sénateurs alliés acceptent en effet certains désaccords sur le budget, notamment sur certaines augmentations de cotisations ou d’impôts. « Nous défendrons la politique d’approvisionnement macronienne, même si nous ne sommes que 20 contre 240 »promet François Patriat, chef de file des sénateurs macronistes, inquiet d’une éventuelle hausse du coût du travail, mais prêt à faire des concessions à droite. Ces points de désaccord ne sont pas de nature à paralyser les discussions ni à défaire la copie gouvernementale, comme ce fut le cas à l’Assemblée. « Ici, on n’a pas d’extrêmes, on se connaît tous, on se respecte et on se parle »insiste François Patriat. « Et puis le Sénat doit prendre ses responsabilités ; pour la première fois, c’est lui qui est capable d’établir le budget »» fait l’éloge du sénateur de Côte-d’Or.

Ce contexte devrait permettre aux sénateurs de travailler ensemble et d’amender ce budget. « La culture du consensus a toujours été l’apanage du Sénat, où les groupes centraux sont traditionnellement bien représentés »souligne l’historien Jean Garrigues, qui rappelle que cela a permis aux sénateurs de se prononcer sur la réforme de l’immigration fin 2023, après son rejet par l’Assemblée nationale. « Ils peuvent permettre à Michel Barnier d’avancer sur le budget, mais à leurs conditionspoursuit l’universitaire. Cela montre l’influence du Sénat, revalorisé depuis plusieurs années, avec une légitimité nouvelle, y compris dans les médias. »

Parmi les lignes rouges des sénateurs figure la défense des collectivités locales qu’ils représentent. Quand le gouvernement veut leur imposer un effort budgétaire de cinq milliards d’euros, le président du Sénat, Gérard Larcher, plaide en Le journal du dimanche pour le réduire à deux milliards. « Il y aura un soutien loyal et exigeant au gouvernement, mais nous sommes aussi une assemblée indépendante, qui aura des repères, qui corrigera les choses »prévient Jean-François Husson. Pour assurer la pérennité de leurs marqueurs, les sénateurs anticipent déjà la prochaine étape, celle de la commission paritaire (CMP), une instance parlementaire créée pour résoudre les désaccords entre l’Assemblée et le Sénat.

Lors de la réforme de l’immigration, le CMP s’est largement inspiré du texte voté par les sénateurs. Pour répéter ce scénario, les élus tentent de trouver un consensus. « L’objectif est d’avoir le plus de pistes possibles pour la CMP, donc on regarde ce qui a fait l’objet de convergence à l’Assemblée »explique-t-on au groupe LR au Sénat.

A l’Assemblée nationale, l’influence des sénateurs sur le budget ne fait pas que des heureux, y compris au sein du « socle commun ». Une députée et ancienne ministre Ensemble pour la République se dit très « angoissé d’être effacé au profit du Sénat ». Le résultat du vote, le 12 décembre, donnera une idée plus concrète du poids des sénateurs sur ce budget 2025. Mais il faudra attendre l’issue du CMP pour voir si elle a marqué durablement ce texte.

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