Pourquoi le roman à clef d'Aurélien Bellanger fait polémique
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Pourquoi le roman à clef d’Aurélien Bellanger fait polémique

Dans « Les Derniers jours du Parti socialiste », il dénonce le sabotage de la gauche par une poignée d’intellectuels complaisants avec l’extrême droite. Fortement critiqué, notamment par ceux qui l’ont inspiré, Raphaël Enthoven en tête, le romancier invoque son droit à la satire.

Le nouveau roman d'Aurélien Bellanger est sorti le 19 août aux éditions du Seuil.

Le nouveau roman d’Aurélien Bellanger est sorti le 19 août aux éditions du Seuil. Photographie Bénédicte Roscot

Par Caroline Pernes

Publié le 28 août 2024 à 12h29

ATemps orageux sur la rentrée littéraire. Paru le 19 août aux Éditions du Seuil, le nouveau roman d’Aurélien Bellanger, Les derniers jours du Parti socialiste, ne cesse de faire parler de lui. La cause ? Un récit plus vrai que nature dénonçant le sabotage de la gauche par une poignée d’intellectuels peu scrupuleux à plaisanter avec l’extrême droite. Avec un titre polémique, l’ouvrage apparaissait déjà, des mois avant sa sortie, sous un jour étrangement prophétique. Et, à la veille du premier tour des élections législatives, l’auteur n’a pas manqué d’en préciser le propos : « Cela sortira trop tard, hélas, mais j’ai écrit un livre qui raconte comment une hérésie du Parti socialiste, le Printemps républicain, entouré d’un petit groupe d’intellectuels médiocres, a rendu possible la victoire de l’extrême droite en France. »

Au début, Les derniers jours du Parti socialiste est un roman de près de cinq cents pages, le troisième publié chez Bellanger en moins de deux ans. Grande fresque politico-historique, délicieusement cynique, il suit le personnage de Grémond, un obscur apparatchik du Parti socialiste, profitant des attentats islamistes de 2015 pour s’imposer sur le devant de la scène. Soutenu par deux « philosophe (s) du plateau”, Frayère et Taillevent, il fonde le Mouvement du 9 décembre, et impose un discours islamophobe dans l’espace public sous couvert de laïcité, ce qui marquera à terme le triomphe idéologique de l’extrême droite. Toute ressemblance avec la réalité n’est pas fortuite, le roman est traversé par une flopée de personnages facilement identifiables.

Ainsi, Grémond ressemble en tout point à Laurent Bouvet, cofondateur du Printemps républicain, décédé en 2021 de la maladie de Charcot. Le personnage de Taillevent, philosophe ambitieux promenant ses airs de Don Juan dans les rues du Quartier latin, est clairement inspiré de Raphaël Enthoven, et de Frayère, hédoniste « philosophe des champs », correspond à la description de son meilleur ennemi, Michel Onfray. Sans oublier la journaliste Véronique Bourny, alter ego de Caroline Fourest (co-fondatrice du magazine Tir franc avec Enthoven), Emmanuel Macron, dit « le Canon », et enfin Bellanger lui-même, déguisé en personnage de Sauveterre. Même Manuel Valls est de la partie – sous son vrai nom.

« Le droit d’exagérer »

Plébiscitée par une partie de la gauche, l’œuvre est aujourd’hui sous le feu des critiques, comme si la fiction était appelée à rendre compte de la réalité. Mais peut-on encore parler de fiction ? Raphaël Enthoven, prenant au pied de la lettre le personnage de Taillevent et la description qui lui est associée d' »intellectuel médiocre », a choisi son camp, et a envoyé quelques tweets dénonçant « le dernier livre abject, nécrophile et menteur d’Aurélien Bellanger ». Dans une longue interview avec L’Express, il dénonce les incohérences d’un roman racontant « absolument n’importe quoi ». La preuve : Les derniers jours du Parti socialiste situe sa rencontre avec Onfray à un moment où ils avaient en réalité cessé de se parler.

Interrogé à ce sujet sur France Inter par Sonia Devillers, Aurélien Bellanger s’est justifié : « Ce sont des libertés que nous pouvons prendre (…) :utiliser des figures existantes, les transformer en fantasmagorie, exagérer, utiliser la satire. (Ce sont) des arguments pour tenter de dire quelque chose de l’esprit du temps. Un roman aux clés traversées par des fantômes à peine cryptés du présent, Les derniers jours du Parti socialiste il affirme, comme le soutient Raphaël Enthoven, « Raconte ce qui s’est réellement passé » ?

Certes, l’ouvrage est ouvertement politique – l’auteur explique avoir voulu écrire une enquête sur le déclin d’une gauche antiraciste, mais ne cache pas ses intentions satiriques : « L’investigation romanesque est intéressante parce que nous avons effectivement des droits, des licences poétiques que nous n’accorderions pas à d’autres scientifiques, mais qui nous permettent de raconter autre chose. Et en fait, j’abuse de ce droit, qui est le droit à la satire, le droit à l’exagération. » « C’est un gros tweet », conclut Sonia Devillers. Nous laissons au lecteur le soin d’en juger.

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