Recep Tayyip Erdoğan se veut le défenseur de la cause palestinienne et il est l’un des critiques les plus virulents d’Israël. Toutefois, la réaction est complètement différente dans le cas du Liban.
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Depuis un an, le président turc Recep Tayyip Erdoğan tonne contre Netanyahu, le «boucher de Gaza« , « criminel de guerre« , auteur d’un « génocide« . Fervent défenseur de la Palestine, il dénonce l’inaction de la communauté internationale. Mais il se montre bien plus discret sur le Liban. Cette différence de traitement de la part d’Ankara face aux deux guerres que mène Israël s’explique par les relations compliquées qu’il entretient avec l’Iran et ses « mandataires » dans la région, au premier rang desquels le Hezbollah libanais.
Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas, était un frère. Lorsque sa mort a été annoncée, trois jours de deuil national ont été déclarés en Turquie. Ici, le Hamas n’est pas considéré comme une organisation terroriste, mais comme un mouvement de libération : il a des bureaux en Turquie et les autorités turques rencontrent régulièrement ses représentants. Le président turc voulait également être un médiateur dans le conflit à Gaza, mais ses poussées fébriles contre Netanyahu « génocidaire qui va payer pour ça » l’a disqualifié de jouer ce rôle de pacificateur.
La réaction est complètement différente dans le cas du Liban. Lors de l’assassinat de Hassan Nasrallah, le président a mis quelques heures avant de réagir et il n’a pas nommé le chef du Hezbollah, fustigeant simplement l’agression contre un pays souverain, le Liban, et s’inquiétant des répercussions régionales. de l’extension du conflit. Pas de deuil non plus.
En fait, l’affaiblissement de l’Iran chiite ne déplaît pas à la Turquie sunnite. L’Iran est son rival dans la région. La Turquie et l’Iran étaient également dans des camps opposés pendant la guerre civile en Syrie. Les troupes turques ont combattu à plusieurs reprises les membres du Hezbollah venus défendre le président Assad, tandis que la Turquie soutenait l’opposition.
Cette guerre a eu des conséquences très directes sur la Turquie voisine. Ankara n’a pas oublié que c’est le soutien de l’Iran au président syrien Assad qui a poussé plus de trois millions de ressortissants syriens à s’exiler en Turquie. Leur présence pèse de plus en plus sur la population et, dans un contexte de crise économique exacerbée, elle reste un enjeu électoral. La Turquie les renvoie également par milliers sous couvert de retours volontaires. Autant dire que si la Turquie dénonce la violation de la souveraineté du Liban et les massacres qui y sont commis, elle s’abstient d’apporter sa sympathie ou son soutien au Hezbollah, préférant parler du peuple libanais. Ankara craint également une extension du conflit chez ses voisins : l’Irak, mais surtout la Syrie où l’armée israélienne intensifie ses frappes contre les intérêts iraniens. Avec le risque d’une nouvelle vague de réfugiés.
Partageant trois frontières terrestres avec l’Iran, l’Irak et la Syrie, la Turquie tente de mener une diplomatie dure. Il se veut un îlot de stabilité dans une région troublée et insiste sur sa priorité : résoudre les conflits par la diplomatie et non par la guerre. Elle suit donc un équilibre délicat : dénoncer la guerre au Liban et les actions d’Israël dans la région, sans toutefois soutenir l’ennemi de l’État juif, l’Iran. Mais c’est le risque d’escalade entre l’Iran et Israël qui l’inquiète le plus. Le chef de la diplomatie iranienne doit également venir en Turquie pour en discuter.