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Pourquoi le poids a-t-il autant de poids en politique ?

« Un Trump plus maigre est-il un Trump plus éligible ? », demandait Slate en avril dernier, tout en retraçant le poids et le changement de silhouette de l’ancien président américain. Le candidat républicain a effectivement fait couler beaucoup d’encre en perdant 20 kilos – soit environ 9 kg – il y a quelques mois. Disséquer les corps des stars reste l’un des exercices favoris des tabloïds, et les politiques n’échappent pas à cet examen minutieux. Dans le domaine politique aussi, le poids est lourd.

« L’exemple de Donald Trump est le miroir de ce qui se passe dans la société », réagit Marielle Toulze. Les personnes grosses sont considérées comme incapables de contrôler leur corps, alors comment pourraient-elles contrôler un pays ? » La société reste donc imprégnée de préjugés négatifs sur les personnes grosses. « Un corps gras est considéré comme un corps passif et donc par extension, une personnalité passive et dépourvue de volonté », ajoute l’enseignant à l’université de Saint-Étienne et chercheur associé au laboratoire ELICO.

« De Flamby à Porcinet »

Les préjugés grossophobes sont d’autant plus scrutés en politique qu’il s’agit d’un « exercice de séduction », explique Alexandre Eyries, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’Université catholique de Paris. ‘Ouest. «Pendant presque toute sa carrière politique, François Hollande a reçu des surnoms tous plus désobligeants les uns que les autres, allant de Flamby à Porcinet», se souvient-il. L’ancien président français avait également suivi un régime drastique pour préparer la campagne présidentielle de 2012. Une perte de 17 kg selon Pierre Dukan, qui a assuré dans les médias que son alimentation était à l’origine de ce changement.

Malgré cette perte de poids vertigineuse, François Hollande a souvent été moqué pour sa silhouette. Selon BFMTV, Nicolas Sarkozy lui murmure régulièrement « tu n’as pas pris un kilo ? » quand ils se croisent. L’ancien leader des Républicains avait également conseillé à un député de perdre du poids s’il espérait entrer au gouvernement en 2009, selon Le Parisien. « On sait bien qu’ils sont obligés ou, du moins, fortement poussés à perdre du poids pour apparaître légitimes en tant que leaders », acquiesce Marielle Toulze.

Le V du pouvoir masculin

Et justement, aujourd’hui encore, le physique du leader se conjugue avec le masculin. « Un leader est censé être physiquement imposant. Et Donald Trump veut avoir une stature à la hauteur de son style de communication politique très éruptif, très agressif », note Alexandre Eyries. Pourtant, « chez les hommes, la taille renvoie aux courbes, au féminin », souligne Marielle Toulze. Pour casser la rondeur de sa silhouette, Donald Trump mise aussi sur ses vêtements. Ils lui permettent d’accentuer sa carrure et, ainsi, de perdre quelques kilos visuellement.

« La coupe (des costumes de Donald Trump) est faite de manière à dissimuler son poids », explique Derek Guy, spécialiste de la mode masculine, sur V shape. Or, en renforçant les épaules, on donne un aspect « plus puissant, autoritaire et formel » à une silhouette, explique Derek Guy. « Le V correspond à des critères esthétiques, mais c’est aussi le V du virilisme. Il affiche ainsi les stéréotypes de genre qu’il prône et qu’il tente de véhiculer », note Marielle Toulze.

L’Amérique d’Hollywood plutôt que l’Amérique de l’obésité

Aux Etats-Unis enfin, la question du poids est éminemment politique. En 2018, le médecin de la Maison Blanche annonçait que Donald Trump pesait 108 kg. Un poids qui, couplé à sa taille (1,90 m selon lui), frôlait l’obésité. Cette affirmation a également été accueillie avec méfiance par de nombreux observateurs politiques qui soupçonnaient le médecin d’avoir pris quelques kilos au président. Dans un pays où plus de 40 % de la population est obèse, « les hommes politiques doivent correspondre à l’idéal de l’Amérique hollywoodienne. (…) Un candidat obèse à la présidentielle refléterait l’image d’une certaine Amérique, mais c’est une plaie purulente pour la société américaine » Outre-Atlantique, glisse Alexandre Eyries.

Les préjugés et la fatphobie n’épargnent donc pas les Américains en surpoids. « Les gens gros ou obèses comprennent que c’est de leur faute et encore plus aux Etats-Unis, où il faut se construire, être un gagnant, et où l’incapacité à perdre du poids est vécue comme un échec », décrypte Marielle Toulze. Cependant, la perte de poids va bien au-delà de la question de la volonté. Et comme le dit Alexandre Eyries, « c’est très cruel. Parce qu’on peut évidemment être un excellent leader tout en étant en surpoids.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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