Pourquoi l’attentat meurtrier perpétré jeudi 11 avril à Bordeaux n’est-il pas, à ce stade des investigations, considéré comme un attentat terroriste par la justice ? Selon les premiers éléments divulgués vendredi 12 avril par le procureur de Bordeaux, le demandeur d’asile afghan qui a poignardé deux Algériens, dont l’un est décédé, était pourtant motivé par un motif religieux : il aurait reproché à ses victimes de boire de l’alcool. l’alcool à l’Aïd.
« En l’état, aucun élément ne milite en faveur d’un attentat à connotation terroriste »a néanmoins insisté le procureur, avant de préciser que le Parquet national antiterroriste (PNAT) restait « en cours d’évaluation ». Cette réticence de la justice à qualifier les actes de « terroristes » a suscité l’incompréhension d’une partie de l’opinion et les critiques de certains médias (CActualitésSud Radio…) estimant qu’il s’agissait manifestement d’un attentat.
Ce hiatus entre l’analyse juridique du PNAT et sa perception dans certains domaines tient en partie au fait que le terrorisme est un objet juridique et intellectuel protéiforme. Elle ne fait l’objet d’aucune définition universelle (ni l’ONU ni la Cour pénale internationale ne s’accordent sur une définition unitaire) et continue d’alimenter de vifs débats dans le monde de la recherche. Mais surtout, sa définition en droit français ne correspond pas toujours à celles des sciences sociales ni même parfois au bon sens.
Un mode d’action
Dans le code pénal, les actes de terrorisme sont définis par l’article 421 comme devant être « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective dans le but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». La loi ne précise pas la nature politique de ce crime, pourtant communément admis, mais son objectif et ses moyens. Autrement dit, le terrorisme n’est pas une idéologie, c’est un mode d’action.
Un fondamentaliste religieux ou un individu raciste peut ainsi tuer une personne considérée comme un ennemi idéologique sans que le caractère terroriste du crime soit pris en compte. Le code pénal prévoit déjà une aggravation des peines encourues lorsqu’un délit est commis. « en raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, une nation ou une religion ».
Le simple fait de commettre un meurtre au nom de la religion, comme cela semble être le cas lors de l’attentat de Bordeaux, ne suffit donc pas à qualifier juridiquement un attentat terroriste, car contrairement à des idéologies comme le djihadisme ou des groupes comme ISIS, le but de la religion n’est pas de semer » la terreur », explique une source judiciaire.
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