ENVIRONNEMENT – Autorités japonaises « Je veux m’utiliser comme exemple pour montrer que leur chasse à la baleine n’est pas entravée ». Pour Paul Watson, fondateur de l’ONG Sea Shepherd, arrêté fin juillet au Groenland pour ses activités de protection des cétacés, la détermination du Japon à le juger s’inscrit dans une volonté de perpétuer la chasse baleinière ancestrale.
Emprisonné depuis deux mois au Groenland, le militant américano-canadien de 73 ans devrait savoir ce mercredi 2 octobre s’il reste derrière les barreaux en attendant que le Danemark se prononce sur la demande d’extradition formulée par le Japon. La justice japonaise le poursuit en effet pour une action sur un baleinier en 2010.
« Tradition » et « sécurité alimentaire »
L’arrestation de ce lanceur d’alerte, qui risque la prison à vie s’il est livré au Japon, est de nature éminemment politique. En fait, et comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, le gouvernement japonais justifie la chasse à la baleine au nom d’une tradition remontant au XIIe siècle. L’animal était tué pour sa viande mais aussi pour son huile, qui servait autrefois à l’éclairage, et ses os pour fabriquer des outils.
Le Japon se souvient également d’une grave crise alimentaire survenue à la fin de la Seconde Guerre mondiale, que la viande de baleine lui a permis de surmonter, rappelle Ouest de la France. Dans un contexte de malnutrition et d’occupation américaine, de la viande de baleine bon marché était servie aux écoliers à la cantine, ajoute Le monde. Des millions de Japonais ont donc grandi en consommant ce mammifère.
Autre argument avancé par les autorités japonaises : la « sécurité alimentaire »le pays aux faibles ressources agricoles. Cet argument est incohérent, estime Nicola Beynon, responsable des campagnes de la branche australienne de la Humane Society International, une ONG de protection des animaux, interrogée par le magazine. Marine et Océans. « Tuer des baleines qui vivent longtemps, se reproduisent lentement et sont soumises à une myriade de menaces anthropiques telles que le changement climatique et la pollution plastique ne contribuerait en rien à améliorer la sécurité alimentaire »souligne-t-elle.
Intensification de la chasse commerciale
Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement japonais, la viande de baleine est de moins en moins consommée par la population. Après un pic de 233 000 tonnes en 1962, les Japonais n’en consomment plus que 2 000 tonnes par an. Ce qui représente une quantité annuelle de 23,7 grammes par personne, selon l’association japonaise Ikan. Pour répondre à ce besoin, le « Les baleiniers japonais capturent désormais environ 250 à 300 individus par an et Tokyo achète également des baleines d’Islande », relève Vincent Ridoux, professeur de biologie et de communication scientifique à l’Université de La Rochelle, auprès du HuffPost.
Malgré le manque évident d’appétit pour la viande de ce cétacé, le Japon est convaincu qu’il peut « redonner aux Japonais le goût de manger la baleine », poursuit le spécialiste des mammifères marins. C’est pourquoi le Japon a lancé en mai 2024 un nouveau navire-usine, le Kangei Maruconçu pour la chasse intensive et lointaine. C’est ce bateau, parti en mission avec le triste objectif de tuer 200 cétacés en huit mois, que le capitaine Paul Watson voulait intercepter dans le Pacifique Nord, où se trouvent des sanctuaires de baleines. Il a été arrêté avant d’y parvenir.
Pour rentabiliser l’investissement d’un tel navire de 44 millions d’euros et très coûteux en carburant, « des quotas de pêche importants sont nécessaires pour équilibrer les coûts d’exploitation »s’inquiète Vincent Ridoux. Pour gagner davantage, le Japon a donc élargi les espèces pêchées en y ajoutant les rorquals communs, classés comme « vulnérable » par l’UICN. Sur la liste des cétacés pouvant être chassés par ses baleiniers figure également le rorqual boréal, une autre baleine « menacé ».
Libérez-vous du droit international
La chasse intensive à la baleine semble totalement incongrue au 21ème siècle. Elle fait également l’objet d’un moratoire depuis 1986 adopté par la Commission baleinière internationale (CBI), visant à suspendre la chasse commerciale à la baleine pour permettre à l’espèce de se reconstituer.
« Jusqu’en 2018, le Japon faisait partie de la Commission baleinière internationale et utilisait l’argument de la pêche scientifique pour continuer à chasser les baleines »explique à HuffPost Sophie Gambardella, spécialiste du droit de l’environnement au CNRS. Le pays va en effet détourner l’article 8 de la Convention baleinière pendant des décennies « pour capturer jusqu’à 1 300 baleines par an dans le cadre de programmes scientifiques en Antarctique et dans le Pacifique Nord. En réalité, ces baleines étaient ensuite commercialisées au Japon”ajoute Vincent Ridoux, également chef scientifique de la délégation française au CBI.
Cette chasse déguisée durera encore 30 ans, jusqu’à ce que la Cour internationale de Justice juge cette pratique illégale. « chasse scientifique » en 2014. Le Japon a d’abord tenté de redéfinir ses programmes de recherche avant de quitter définitivement la CBI en 2019.
Si le moratoire « a eu un effet bénéfique général » parmi les populations les plus menacées, les baleines ne sont toujours pas hors de danger, selon Vincent Ridoux. Tout le monde ne va pas bien, comme « des rorquals bleus ou des rorquals communs qui n’ont fait qu’une partie du chemin vers leur reconstitution ». Si certaines populations ne parviennent pas à retrouver leurs effectifs, comme la baleine noire, c’est aussi à cause d’autres menaces, comme « collisions avec des bateaux, nuisances sonores »ou encore le changement climatique qui contribue à la raréfaction du phytoplancton, leur principale nourriture. Bref, tous les problèmes des baleines sont liés à l’homme et à ses activités commerciales.
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