« Le Japon veut m’avoir », déclarait Paul Watson en 2015. Dimanche dernier, alors qu’il faisait escale à Nuuk, au Groenland, en route vers le Pacifique Nord pour « intercepter le plus grand baleinier japonais », il a été arrêté par la police danoise. Le fondateur de Sea Shepherd, âgé de 73 ans et père de trois enfants, était recherché en vertu d’un mandat d’arrêt international émis par le Japon pour « complot visant à pénétrer sans autorisation sur un baleinier ».
« S’il est extradé, il finira ses jours en prison », prévient la présidente de l’ONG en France, Lamya Essemlali, qui dénonce « un guet-apens orchestré par les autorités japonaises ». Mais pourquoi le Japon veut-il la peau du militant écologiste ?
« Paul Watson humilie le Japon depuis des années »
« Depuis des années, Paul Watson humilie le Japon en Antarctique, explique Lamya Essemlali. Il a sauvé plus de 5 000 baleines, il leur a causé des millions de dollars de pertes. Le Japon est dans quelque chose qui est de l’ordre de la revanche. »
Une position qui inquiète le président de l’association : « Nous savons que s’il est extradé vers le Japon, il subira le pire traitement. D’autant que le pays a déjà été pointé du doigt par l’ONU et Human Rights Watch pour son système carcéral antidémocratique. »
Paul Watson, traqué comme un « tueur en série »
Le Japon cherche à arrêter Watson depuis 2012. Les autorités ont émis un mandat d’arrêt international à son encontre, accusé de « complot d’arraisonnement » lors d’une campagne de Sea Shepherd contre la chasse à la baleine en Antarctique.
Avec son association, l’activiste canadien voulait faire respecter un moratoire promulgué en 1986 par la Commission baleinière internationale (CBI) qui interdit la pêche commerciale de l’espèce en voie de disparition. Ils utilisent des méthodes dites « directes » comme le jet d’objets sur le pont des baleiniers ou « l’arraisonnement ou le sabotage » des bateaux. « Mais les membres de Sea Shepherd n’ont jamais fait de mal à personne », assure Lamya Essemlali.
En 2010, l’activiste avait été accusée d’avoir incité l’un des membres de l’ONG à monter à bord d’un baleinier près de Tokyo. C’est la raison qui aurait déclenché l’alerte policière internationale pour son arrestation. « C’est probablement le seul motif de ce genre dans l’histoire d’Interpol, dit-elle. Normalement, la notice rouge est utilisée pour attraper les criminels de guerre et les tueurs en série. »
« Un piège » tendu à Paul Watson
Malgré l’interdiction de la CBI, trois pays continuent de chasser la baleine : le Japon, la Norvège, l’Islande, usant d’une dérogation prévue à des « fins scientifiques » pour poursuivre leur activité. « Mais la Cour internationale de justice de La Haye a condamné la pratique du Japon en 2014, estimant qu’elle s’apparentait à du ‘braconnage’ », raconte la militante. « Le Japon a alors quitté la CBI et a continué à tuer, mais uniquement dans sa zone de pêche, explique-t-elle. Le pays n’avait pas caché qu’il comptait reprendre la chasse commerciale à la baleine dans les eaux internationales en 2025. Paul Watson avait pour mission d’intervenir sur ce nouveau baleinier car aucun État n’avait le courage de le faire. »
Lamya Essemlali explique que le « capitaine Watson » « n’avait pas caché ses intentions », se croyant libéré de sa notice rouge désormais invisible. « Au moment de l’arrestation de Paul, les autorités lui ont dit que la notice était simplement camouflée », poursuit-elle. « On a ensuite appris qu’il y avait eu un nouveau mandat d’arrêt du Japon, émis en juin 2024 et expiré en septembre, qui visait exclusivement le Danemark. Il semble assez évident qu’il a été victime d’un piège ».
Elle ajoute que la police danoise a utilisé le prétexte d’un « contrôle d’identité de routine des membres de l’équipage pour monter à bord ». « Or, quatorze policiers et un procureur ont été dépêchés de Copenhague pour gérer l’arrestation de Paul », affirme-t-elle. « Nous avons affaire à quelque chose qui a été décidé au plus haut niveau de l’Etat. Il s’agit d’une arrestation planifiée ». Selon l’ONG, le Danemark a également « un intérêt » à arrêter l’activiste de 73 ans car Sea Shepherd s’oppose depuis de nombreuses années à la chasse aux dauphins aux îles Féroé.
« Nous choisissons le mauvais voyou »
« Cette affaire concerne Paul Watson personnellement, mais elle concerne aussi le pouvoir que peuvent avoir certains gouvernements. Si elle devait aller jusqu’au bout de la procédure d’extradition, ce serait un cataclysme pour ce qu’est devenue notre humanité. Aujourd’hui, on traite quelqu’un qui a sauvé des baleines comme un criminel. Pour le Japon, Paul Watson est un terroriste. Mais on se trompe de voyou. Ce sont plutôt ceux qui tuent les animaux qui sont des terroristes, pas ceux qui les préservent », tacle Lamya Essemlali.
Tout ce que vous devez savoir sur l’écologie
Mardi, la demande de remise en liberté de Paul Watson a été rejetée, mais Emmanuel Macron a assuré qu’il allait « prendre en charge le dossier ». « La prochaine étape, c’est le 15 août. Le Danemark décidera de l’extradition », soupire le militant. « S’il est extradé, nous n’aurons plus aucun contrôle. Mais je garde espoir. Je refuse de me dire que Paul Watson finira ses jours en prison au Japon. »