RTE, gestionnaire du système électrique à très haute tension en France (contrairement à Enedis, qui gère les raccordements aux consommateurs), estime l’investissement nécessaire d’ici 2040 dans le réseau dont il sera de 100 milliards d’euros. a la responsabilité, c’est-à-dire la très haute tension, issue des centrales nucléaires, des barrages hydroélectriques, des parcs éoliens ou solaires, etc.
RTE vient donc de lancer une consultation très officielle, adressée aux collectivités, aux industriels consommateurs d’électricité, à ceux qui en produisent déjà ou envisagent d’investir dans les énergies renouvelables, ainsi qu’aux producteurs d’hydrogène, etc.
L’effort est « sans précédent depuis la création de RTE » Et « comparable » à celle qui a été réalisée dans les années 1970-1980 « lors de la construction du parc nucléaire français ».
D’une part, il s’agit de remplacer des lignes obsolètes car « L’âge moyen des lignes aériennes est de 55 ans et 20 % d’entre elles ont plus de 70 ans ».
Il faut aussi s’adapter au réchauffement climatique (+4° à la fin du siècle). Or, les câbles transmettent moins d’électricité lorsqu’il fait chaud. Et il faudra aussi renforcer la résistance de certaines lignes aux rafales de vent. Et protégez les centrales électriques des inondations.
Le poids des datacenters se compte en réacteurs nucléaires
Ensuite, RTE doit anticiper l’extension du réseau qu’exige l’électrification croissante du pays : voitures, chauffage, procédés industriels, nouvelles usines doivent faire passer la consommation électrique de la France de 430 térawattheures (tWh) en 2021 à plus de 530 en 2050. C’est l’équivalent de la production de 15 réacteurs nucléaires supplémentaires alors qu’entre-temps, certains des 56 en service cesseront de fonctionner.
Parmi les nouveaux besoins, RTE met en avant le poids des datacenters, ces datacenters informatiques qui constituent l’infrastructure lourde au service de la consommation croissante d’Internet. Ils sont situés principalement en région parisienne et dans une moindre mesure près de Marseille (où arrive le plus grand nombre de câbles sous-marins de communications auxquels sont connectés les datacenters). RTE prévoit qu’ils consommeront 29 térawattheures par an. C’est l’équivalent de la production de 4,5 réacteurs nucléaires !
Le projet de loi de transition
Ce basculement vers une vie plus sobre en carbone, donc plus électrique, aura un coût : plus de 300 milliards en nouveaux moyens de production d’électricité (nucléaire et renouvelable), auxquels s’ajouteront environ 96 milliards pour le réseau électrique local (le raccordement final, géré par Enedis) ainsi qu’environ 100 milliards pour les « autoroutes » électriques, très haute tension à 400 000 volts.
Le montant semble colossal mais l’effort est « réalisable », assure RTE. Qui nous rappelle que « La facture énergétique de la France pour la seule année 2022 a atteint 116 milliards », dont la moitié en hydrocarbures dont le coût s’est envolé avec la guerre en Ukraine.
RTE a déjà commencé à augmenter ses investissements annuels, de 1,2 milliard en 2019 à 2,3 milliards en 2024. Le niveau souhaitable serait de 3,7 milliards à partir de 2027. Reste que ce qui est décrit comme réalisable par RTE sera forcément répercuté sur le consommateur, mais la question de l’impact sur les prix n’est pas abordée dans le document soumis à consultation.
RTE s’inquiète cependant d’un point qui n’a pas défrayé la chronique jusqu’à présent : la capacité des constructeurs à fournir les câbles, disjoncteurs et autres équipements qui constituent l’infrastructure électrique d’un pays.
Le gestionnaire du réseau note par exemple que la consommation de câbles aériens passerait de 1 500 à près de 6 000 km par an en 2028 ; câbles souterrains de 700 à 2 200 km par an toujours en 2028 ; disjoncteurs de 200 à 450 ainsi que transformateurs de puissance ; le nombre de sectionneurs passera de 550 à 1 000 par an en 2030.
Toutefois, prévient RTE, « La croissance exponentielle de la demande européenne et mondiale associée au faible nombre de fournisseurs sur chaque maillon de la chaîne de valeur met sous pression l’offre de ces matériaux. »
RTE ajoute que ses discussions avec les fournisseurs « mettent en lumière les incertitudes sur la capacité de l’écosystème industriel à pouvoir suivre ces dynamiques dans les années à venir ».
D’ici 2028, les fabricants pourraient ne plus fournir « seulement environ 80 % des besoins en liaisons aériennes et postes et 60 à 70 % en liaisons souterraines ».
Afin d’augmenter ses chances que la croissance du réseau ne soit pas freinée par le manque d’approvisionnement, RTE a donc commencé à modifier sa politique d’achats : contrats-cadres s’étendant de 5 à 10 ans, réduction du nombre de types de câbles différents etc.
Mais les délais constatés entre la date de commande et la date de livraison « ont été multipliés par trois entre 2021 et 2023 pour les câbles souterrains et les équipements des sous-stations et une partie des besoins n’est toujours pas « sécurisée » pour les années à venir »…
Un goulot d’étranglement
Il fallait s’y attendre : pour des raisons de coût, de capacité à réaliser les études, de disponibilité des câbles et équipements, de capacité à réaliser les travaux, tout le monde ne sera pas servi en même temps. Il faudra en même temps « mutualiser » Et » prioriser « , prévient RTE. Et la priorité reviendra «aux infrastructures qui ont le plus de valeur pour la communauté».
La programmation des moyens de production d’énergie a fait couler beaucoup d’encre avec la relance du nucléaire et le refus du gouvernement de soumettre aux parlementaires une loi qui fixerait des objectifs pour les centrales nucléaires et tous les autres moyens de production.
On a oublié qu’un pays comme la France, avec son réseau électrique centralisé construit autour des centres, doit connaître une autre révolution, celle de son réseau. Un producteur d’électricité le constate déjà « Un peu partout, dans l’Est, dans les Hauts-de-France ou en Centre-Val de Loire, ce n’est pas le manque d’investissement dans les énergies vertes qui freine leur croissance, mais le manque de fonctionnaires pour instruire les dossiers et les capacité du réseau électrique à recevoir de nouveaux branchements.