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Une décision de justice doit être rendue ce vendredi entre les héritiers du compositeur et la Sacem, pour déterminer si l’oeuvre, écrite en 1928, doit ou non tomber dans le domaine public.
Certains diront que c’est un refrain… Mais la saga autour du droit d’auteur de Boléro de Maurice Ravel continue. La célèbre pièce instrumentale, qui serait jouée toutes les quinze minutes dans le monde, se retrouve une nouvelle fois devant les tribunaux sur la question de ses droits d’auteur. Au Canada, au Japon et dans les pays observant une période post-mortem de 50 ans, le Bolérocomme toutes les œuvres du compositeur français, elle est entrée dans le domaine public le 1er janvier 1988, le compositeur étant décédé en 1937 d’une maladie cérébrale.
En France, le délai est de 70 ans après la mort de son auteur, donc le Boléro aurait dû être touché en 2008. Mais les ayants droit de Ravel ont réclamé les prolongations de guerre, dues à la Seconde Guerre mondiale, ce qui a donc retardé l’échéance de huit ans. Ainsi, la Sacem avait prévenu : dès 2016, les droits d’auteur des Boléro devrait leur revenir. Mais Maurice Ravel étant mort sans descendance, la ligne d’héritage est complexe et retarde l’échéance.
A la mort du compositeur, son frère Edouard devient l’unique héritier de ses biens et de sa musique. Ce dernier lègue cependant ses droits d’auteur à sa gouvernante, Jeanne Taverne, qui les lègue elle-même, à sa mort, à son époux Alexandre Taverne. Ce sont ensuite les enfants de la seconde épouse d’Alexandre Taverne qui finissent par hériter de ces droits, jusqu’en 2016, date à laquelle le Boléro devait entrer dans le domaine public.
C’est là qu’interviennent de nouveaux bénéficiaires potentiels : les héritiers d’Alexandre. Nikolaïevitch Benois, un créateur de ballet qui a travaillé sur plusieurs ballets de Maurice Ravel. Ils estiment que leur arrière-grand-père devrait être reconnu comme co-auteur du Bolérotout comme la chorégraphe Bronislava Nijinska, qui affirme que cette œuvre relève davantage d’un ballet que d’une pièce orchestrale.
Elles s’appuient, entre autres, sur la présence du nom de Benois dans l’argument de deux ballets représentés le soir de la première de l’œuvre de Ravel en 1928, et sur les déclarations de Louis Laloy, secrétaire général de l’Opéra de Paris, qui écrit dans Le Figaro qu’Alexandre Benois était le« auteur » des trois spectacles.
L’enjeu est donc de taille, car si la Sacem reconnaît Alexandre Benois comme co-auteur de l’œuvre, les droits d’auteur seront prolongés jusqu’en 2039, puisque le décorateur est décédé en 1960. La Sacem a rejeté ces nouvelles prétentions successorales une première fois en 2016, d’où la tenue de ce procès. Pour les héritiers de Ravel, la Sacem n’a aucune légitimité à décider si l’œuvre Boléro est-ce une œuvre collaborative, ou pas.
Si la Boléro Si l’œuvre suscite autant de convoitise, c’est parce qu’elle représente une manne financière très juteuse. Si pendant des années, elle aurait représenté plusieurs millions annuellement, on estime qu’entre 2011 et 2016, elle aurait rapporté aux ayants droit de Maurice Ravel pas moins de 135 000 euros par an ! Ainsi, la prolongation du droit d’auteur jusqu’en 2039 pourrait rapporter environ 20 millions d’euros aux différents ayants droit.
Mais l’heure de tirer le rideau sur cette pièce n’est pas encore venue : si le tribunal judiciaire de Nanterre devait rendre sa décision vendredi 28 juin, les deux parties, la Sacem et les héritiers, ont prévenu qu’elles feraient appel, quel que soit le résultat. . Boléro Ravel n’a pas encore fini son ballet de cour.