L’un des plus grands alpinistes français pour un exploit jamais réalisé : Benjamin Védrines, élu meilleur alpiniste en 2023, tentera de gravir le K2, deuxième plus haut sommet du monde (8 611 m), sans oxygène, en moins d’un jour et une fois. il atteint le sommet, il veut descendre en parapente.
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Il y a deux ans, lors d’une première tentative, Benjamin Védrines a connu une mésaventure avec le K2 qui aurait pu lui être fatale. A presque 32 ans, il affirme cette fois être « plus mature » Et « mieux préparé » pour une ascension extraordinaire du sommet le plus difficile du monde. Il s’envolera le 9 juin vers la frontière sino-pakistanaise. a-t-il répondu à franceinfo avant son départ.
franceinfo : pourquoi ce K2 fascine-t-il autant les alpinistes, selon vous ?
Benjamin Védrines : Le K2 est la deuxième plus haute montagne du monde après l’Everest. Sa forme est également percutante pour l’œil de l’alpiniste et même pour celui de toute personne regardant cette montagne. Il a une forme pyramidale incroyable. Elle est élancée, elle en impose. Et puis, il y a son histoire : depuis l’ouverture par les Italiens il y a 70 ans, il y a eu bien des rebondissements : beaucoup de tentatives et beaucoup d’échecs. Le K2 est peut-être plus dur que l’Everest d’un point de vue technique.
En 2022, lors de votre première tentative sur K2, cela ne s’est pas très bien terminé pour vous. Cependant, cela ne vous a-t-il pas dissuadé de tenter à nouveau de grimper ?
C’est vrai que ça ne s’est pas bien passé du tout. Il y a 2 ans, j’ai eu une hypoxie sévère à partir de 8 300 m. Mon corps était comme un robot, il voulait continuer vers le haut, aimanté par le sommet. J’ai atteint 8 400 m mais sans avoir aucun souvenir. Je suis totalement amnésique, je ne me souviens pas de ce passage entre 8 300 et 8 400. J’ai des amis qui m’ont dit qu’ils m’avaient vu. J’ai réussi à redescendre, aidé par les alpinistes qui étaient là, heureusement. J’ai créé une histoire spéciale avec cette montagne. J’ai envie de revenir sur les démarches que j’ai pu faire et cette expérience très intense, même si je ne m’en souviens pas.
Était-ce la première fois que vous souffriez d’une hypoxie aussi sévère ?
A ce point, avec une altération totale de la conscience, avec une fatigue extrême, je n’en avais jamais fait l’expérience. C’était la première fois. J’espère que ce sera le dernier (rire). Le but est de revenir sur cette montagne plus préparé, plus mature. Je pense qu’à l’époque, je n’avais pas le recul nécessaire pour parfaire mes ascensions. Je ne connaissais pas vraiment les 8 000 m de dénivelé, j’en avais fait 2 auparavant mais ce n’était pas suffisant. J’étais très ambitieux, avide de sensations, avide d’expériences à ces altitudes et c’était trop.
Vous répéterez cette ascension dans des conditions particulières : sans oxygène. Qu’est-ce que cela signifie lorsque vous êtes à ces altitudes ?
Escalader une montagne comme le K2 sans oxygène est assurément un défi monumental d’un point de vue physiologique. Le corps n’est pas du tout adapté pour monter là-haut à ces altitudes. Mais pour autant, nous pouvons le faire grâce à l’acclimatation. Le faire avec ou sans oxygène n’est pas du tout le même défi, c’est évident. C’est comme la plongée : aller sous l’eau à 100 mètres sans bouteille d’oxygène et imaginer le faire avec une bouteille d’oxygène, ça n’a rien à voir. Cela ne demande pas la même préparation, ce ne sont pas les mêmes problématiques.
« Sans oxygène, on a beaucoup plus froid, on a un risque bien plus grand d’engelures. »
Benjamin Vedrinessur franceinfo
Nous allons beaucoup plus lentement car le corps reçoit moins d’oxygène. Il faut bien se connaître et être extrêmement bien entraîné physiquement pour pouvoir compenser ce manque d’oxygène. Cela reste une prise de risque inhérente à la haute altitude.
À ces altitudes de plus de 8 000 m, comment fonctionne la respiration ?
La pression atmosphérique est divisée par trois. On est restreint, c’est comme si on faisait par exemple du tapis roulant dans un congélateur, on avance vite sur le tapis en respirant avec une paille, une toute petite paille. On n’a pas assez d’oxygène, on va plus lentement et évidemment le cœur bat plus fort. Il faut être prudent car si on accélère trop, ce qui m’est arrivé il y a deux ans peut arriver, c’est-à-dire une hypoxie sévère. Nous consommerons trop d’oxygène par rapport à ce que l’air peut nous apporter. Il faut donc y aller plus lentement.
Mais en même temps, vous souhaitez faire l’ascension le plus rapidement possible, peut-être en moins de 20 heures !
C’est le paradoxe. C’est un rythme qui doit être équilibré entre les déchets que mon corps va générer lors de l’exercice, le recyclage de ces déchets et un rythme qui ne soit pas trop lent pour réaliser un bon temps de remontée. C’est un degré de perception de l’effort qui est assez subtil et pour cela il faut se connaître.
À quelle météo ferez-vous face à cette période de l’année ?
Ce sera l’été. C’est déjà un avantage pour nous, alpinistes, car nous avons de longues journées avec des horaires d’ouverture très larges. Côté température, je me souviens que le routage météo annonçait souvent -20° à 8 100 m, sans compter le vent. On peut vite descendre jusqu’à -30. Enfin, lors de l’exercice, c’est relativement supportable, l’air est souvent sec.
Vous ajoutez une difficulté à votre projet : une fois le sommet atteint, vous souhaitez redescendre le K2. Quelle est cette histoire de parapente ?
Je trouve que le parapente apporte quelque chose d’extrêmement esthétique à ce projet. J’aime beaucoup le faire dans les Alpes, cela allie à la fois l’effort et une manière de redescendre absolument magnifique. Nous sommes dans les airs, nous sommes face à des paysages que nous n’avons pas depuis le sol, des angles de vue que nous n’avons pas depuis le sol. Et puis, c’est amusant aussi, c’est drôle.
« Quand je suis au sommet, je déploie ma voile, je la mets au-dessus de ma tête, je décolle et normalement dans 30-35 minutes j’arrive directement au camp de base. »
Benjamin Vedrinessur franceinfo
Même si cela peut vous prendre environ 20 heures pour terminer l’ascension !
Le contraste entre la montée et la descente est assez saisissant, oui.
Est-ce une contrainte supplémentaire à votre ascension ?
Avec Jean-Baptiste Chandelier, célèbre parapentiste, nous avons développé une voile spéciale qui pèse moins d’un kilo. Il y a cependant des contraintes car je suis précis au gramme près en fait. Faire cette ascension sans oxygène nécessite d’être le plus léger possible car chaque gramme sera un poids, un lest. Il ne reste plus qu’à réussir à décoller. Lors du décollage, beaucoup de choses peuvent se produire. Il est possible que la voile bouge à droite, à gauche, qu’elle nous fasse tomber. Et si je ne peux pas décoller, que font-ils de moi ? Je n’ai pas choisi la facilité !
Dans votre quête de défis toujours plus grands, vous prenez de plus en plus de risques ?
Sur cette expédition, le but est justement de limiter la prise de risque par rapport à ce que j’ai vécu il y a 2 ans. Je ne veux certainement pas revivre la même expérience. Il ne faut pas confondre danger et prise de risque. Je crois que ma prise de risque est limitée. Le danger est important car il y a des choses que je ne pourrai pas contrôler, chutes de blocs de glace, chutes de pierres… Personnellement, en tant qu’alpiniste puriste, j’aime relever ce genre de défi, avoir une approche réussie de l’alpinisme. . On ne sait pas s’il est possible de gravir le K2 en 14 heures sans oxygène. Pour l’instant, cela n’a pas été fait et cela pourrait ouvrir la porte à d’autres projets dans le futur. On peut imaginer ouvrir des voies sur de très hauts sommets dans un délai très court. Et en allant vite, on réduit considérablement la prise de risque. Car statistiquement, plus on passe de temps en montagne, plus c’est dangereux.