pourquoi l’affaire ressurgit-elle aujourd’hui au Royaume-Uni ?

Au Royaume-Uni un scandale lié à l’exploitation sexuelle d’enfants au début des années 2000 par des gangs pédophiles principalement d’origine pakistanaise refait surface. Elon Musk accuse le Premier ministre britannique, Keir Starmer, de la mauvaise gestion de l’affaire.

Sordides, les faits remontent au début des années 2000. Pendant plusieurs années, plus de 1.500 enfants et adolescentes ont été victimes de «gangs pédophiles» gérés en majeure partie par des hommes originaires du Pakistan au Royaume-Uni. Les autorités britanniques avaient déjà été accusées de manquement dans ces affaires qui refont surface depuis début janvier, sous l’impulsion d’Elon Musk.

Vendredi 3 janvier, le propriétaire de Tesla a appelé le roi Charles III a dissoudre le Parlement britannique après que le parti travailliste, et notamment la sous-secrétaire d’État à la Protection et contre la Violence à l’égard des femmes et des filles Jess Phillips, a rejeté une demande d’enquête publique sur le «grooming» des enfants à Oldham. Avec Rotherham ou encore Rochdale, cette ville du nord de l’Angleterre est l’une de celles qui a été marquée par le scandale des «gangs pédophiles» au début des années 2000.  

Le grooming, parfois appelé «pédopiégeage» en français, désigne toute pratique dans laquelle un adulte se «lie d’amitié» avec un enfant dans le but de l’abuser sexuellement. Jess Phillips a estimé «qu’il appartient au conseil municipal d’Oldham seul de décider de lancer une enquête sur l’exploitation sexuelle des enfants au niveau local, plutôt que d’appeler l’intervention du gouvernement». D’après The Independent, le dernier gouvernement conservateur avait adressé la même réponse au conseil d’Oldham.

https://twitter.com/elonmusk/status/1875150194909823085?ref_src=twsrc%5Etfw

En réaction, Elon Musk a directement mis en cause l’actuel Premier ministre britannique, Keir Starmer, dans la gestion de cette vaste affaire d’exploitation sexuelle d’enfants.

«Au Royaume-Uni, des crimes graves comme le viol nécessitent l’approbation du service du procureur (CPS) pour que la police puisse inculper les suspects. Qui était à la tête du CPS lorsque des gangs de violeurs ont pu exploiter de jeunes filles sans avoir à faire face à la justice ? Keir Starmer», a-t-il écrit. Dans son sillage, d’autres personnalités ont appelé à faire la lumière sur ces faits, à l’image de l’autrice JK Rowling ou encore de la cheffe du Parti conservateur, Kemi Badenoch.

Un rapport indépendant commandé par le maire du Grand Manchester, Andy Burnham, et publié en janvier 2024, avait souligné les «manquements» de la police et des autorités. Se concentrant sur une période de 2004 à 2013, le document montrait comment les premières révélations sur de possible violences sexuelles sur des jeunes filles dans la ville de Rochdale «ont été ignorées» au moins jusqu’en 2007. 

Alertés des agissements d’un «groupe criminel organisé», la police de Manchester avait ouvert des enquêtes et procédé à des arrestations sans parvenir à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour pouvoir identifier l’ampleur des crimes en question, selon le rapport.

Une minisérie inspirée de l’histoire des victimes

Il était question d’adolescentes d’à peine 12 ou 13 ans droguées et violées par différents hommes qui payaient pour cela, dans des chambres situées au-dessus de magasins de vente à emporter. Le document indiquait que 42 hommes avaient été condamnés pour des violences sexuelles sur 13 enfants et identifiait 96 individus pouvant toujours représenter une menace.

Plusieurs victimes de ces pédophiles ont témoigné au cours des dernières années. Elles sont nombreuses a dénoncé l’attitude de la police à leur encontre et affirment que nombre de violeurs n’ont pas été inquiétés par la justice et sévissent toujours.

Une minisérie télévisée, intitulée «Three girls» avait par ailleurs été diffusée, relatant l’histoire des victimes. Elle s’appuyait notamment sur les témoignages d’une policière et d’une travailleuse sociale, Sara Rowbotham.

Cette dernière, qui travaillait pour le système de santé publique britannique (NHS) à Rochdale entre 2005 et 2011, avait fait des centaines de signalements détaillant les abus et les sollicitations sexuelles que subissaient les victimes. Pendant longtemps, ses alertes n’avaient pas été entendues.

«Cela semble très politique»

Vendredi, Sara Rowbotham a réagi aux propos d’Elon Musk, l’accusant d’utiliser les viols de ces jeunes filles à des fins politiques. «Quelle est la motivation [d’Elon Musk] pour intervenir ? Cela semble très politique, a-t-elle déclaré auprès du Guardian. La personne qu’il essaie de poursuivre est Keir Starmer – c’est une attaque politique qui n’a rien à voir avec les femmes et les filles qui ont été abusées à maintes reprises».

Le ministre britannique de la Santé, Wes Streeting, a lui aussi réagi aux attaques du milliardaire américain : «Je pense que certaines des critiques formulées par Elon Musk sont des erreurs de jugement et (sont) certainement mal informées», a-t-il déclaré sur ITV News.

«Mais nous sommes prêts à travailler avec Elon Musk, qui, je pense, a un grand rôle à jouer avec son réseau social pour nous aider, ainsi que d’autres pays, à s’attaquer à ce grave problème, a-t-il ajouté. S’il veut travailler avec nous et se retrousser les manches, nous serons heureux de l’accueillir.»

A la suite des multiples condamnations pour délits sexuels contre des enfants à travers le Royaume-Uni entre 2010 et 2014, une enquête nationale avait été conclue par la professeure Alexis Jay en 2022. Le gouvernement britannique s’était engagé à mettre en oeuvre l’ensemble de ses recommandations mais, en novembre dernier, la principale intéressée s’est dite «frustrée» de voir qu’aucune des 20 préconisations de l’enquête n’était effective, deux ans après sa conclusion.