Pourquoi l'administration paie parfois beaucoup plus pour le matériel dont elle a besoin
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Pourquoi l’administration paie parfois beaucoup plus pour le matériel dont elle a besoin

Pourquoi l’administration paie parfois beaucoup plus pour le matériel dont elle a besoin

Le Parisien s’étonne que les prix affichés dans les catalogues des entreprises choisies par l’administration pour s’équiper soient parfois bien plus élevés que ceux pratiqués dans les commerces traditionnels. Ces différences de prix peuvent surprendre mais selon un expert en droit public, elles s’expliquent.

Un article du Parisien du 28 octobre fait état du « grand gaspillage » de l’administration dans ses achats, avec des prix affichés dans le catalogue auprès duquel l’administration s’approvisionne qui sont « beaucoup plus élevés que dans les magasins traditionnels ». Les achats peuvent par exemple concerner des bureaux, des fournitures, du mobilier trouvé dans des ministères, des hôpitaux, des Ehpad, etc.

Le montant total des achats de l’administration s’élève à 155 milliards d’euros en 2023 selon les informations du Parisien. L’auteur de cet article donne l’exemple d’un stylo BIC quatre couleurs classique, vendu au prix de 2,26 euros TTC dans le catalogue de l’Ugap alors que chez Carrefour il coûte 1,59 euro. Autre exemple cité par Le Parisien, le lot de quatre « chaises pliantes polyvalentes » en plastique noir, fabriquées en France, coûte 274,72 euros au catalogue soit 68,68 euros la chaise. Un modèle Ikea présentant les mêmes caractéristiques coûte 14,99 euros pièce.

Un formalisme imposé à l’administration pour réduire les risques de corruption

Comment s’expliquent ces coûts ? Pour Laurent Richer, professeur émérite de droit public à l’université Paris 1, ces différences de prix s’expliquent par les propres procédures d’achat de l’administration. Des règles destinées « notamment à lutter contre la corruption ». Selon lui, il n’y a pas nécessairement une marge exagérée de la part des fournisseurs officiels de l’administration.

Il y a deux procédures à distinguer, explique le professeur émérite. Soit l’administration procédera à un appel d’offres (selon la procédure prévue par le code des marchés publics). Selon le montant, la formalité sera plus ou moins simplifiée. Soit il passera par une centrale d’achat, l’Ugap étant la principale centrale d’achat de l’Etat.

Que ce soit dans le cas d’un appel d’offre ou en passant par une centrale d’achat, il y aura des frais supplémentaires qui se répercuteront sur le prix final. Pour Laurent Richer, plusieurs éléments expliquent les écarts de prix.

Acheter du « Made In France » et respecter les normes environnementales coûte forcément plus cher

Tout d’abord, des surcoûts liés au temps passé. « Participer à un marché public a des coûts pour l’entreprise qui va fournir le produit, il faut plus de temps pour répondre à un appel d’offre public que pour établir un simple devis. »

Mais il y a aussi des frais de livraison qui peuvent être élevés, poursuit Laurent Richer, citant « par exemple la livraison sur un site militaire » qui, par nature, « s’avère plus complexe ». Les obligations environnementales sont également « très importantes » explique l’avocat. « Rien que cette année, trois nouvelles réglementations européennes imposent des obligations aux administrations. »

Enfin, il y a le fait que les produits « made in France », évidemment plus chers, sont privilégiés. Même si, officiellement, la législation européenne demande seulement aux administrations d’encourager les achats auprès des entreprises européennes.

Par ailleurs, même si certains produits peuvent être plus chers qu’en grande distribution, l’administration n’y est pas perdante.

« Le recours aux centrales d’achats comme l’Ugap reste favorable au secteur public » explique Laurent Richer, « sinon il aurait été abandonné depuis longtemps ».

L’objectif principal de la centrale d’achat sera de mutualiser les achats, afin d’obtenir des économies d’échelle, tout en ayant un produit de bonne qualité. Ils évitent à ceux qui achètent chez eux de passer par un appel d’offres. « Ce service rendu est payant » souligne Laurent Richer, car la centrale d’achat s’accordera elle-même une marge qui se répercutera sur le prix final.

Une amélioration possible de la commande publique en développant la négociation

Des économies sont-elles encore possibles ? Selon l’article du Parisien, dans un rapport daté de 2023 consacré aux dépenses des collectivités locales, l’Inspection générale des finances a estimé que la recherche de performance dans les achats publics peut générer des gains de près de 10 %. « Cela fait 5 milliards d’euros rien que pour les collectivités locales » explique le Parisien.

« On peut toujours améliorer le processus d’achat public » confirme Laurent Richer. Par exemple, « en développant la négociation » entre les fournisseurs et l’administration, on pourrait réduire les coûts, tout en maintenant une offre de qualité.

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