Pourquoi la vente du Doliprane par Sanofi à un fonds américain serait un nouveau coup dur pour Macron
LUDOVIC MARIN / AFP
Pourquoi la vente du Doliprane par Sanofi à un fonds américain serait un nouveau coup dur pour Macron (photo d’illustration)
POLITIQUE – Le Doliprane en Amérique ? Inimaginable pour les défenseurs de la souveraineté industrielle, qui rappellent que c’est le médicament le plus consommé en France. Pour le gouvernement, la polémique ressemble de plus en plus à une patate chaude. Après Florange, Air France, Renault et Whirlpool ces dernières années, un nouveau dossier industriel explosif continue de compliquer la tâche d’une équipe ministérielle, cette fois plus instable et menacée d’être renversée à tout moment.
Et pour Emmanuel Macron, le symbole serait malheureux. Celui qui a fait de la réindustrialisation un axe majeur de sa présidence voit un fleuron français menacer de partir. « Déléguer notre protection, notre capacité à prendre soin des autres est une folie. Nous devons reprendre le contrôle. Les semaines à venir nécessiteront des décisions cassantes en ce sens. Je vais les affronter. » a promis le chef de l’État lui-même pendant la crise du Covid.
Sa déclaration a été exhumée il y a quelques jours par l’ex-député LFI François Ruffin qui confrontait le président avec ses promesses de garantir la souveraineté sanitaire de la France. Une promesse renouvelée en 2023 lorsqu’il a réitéré sa volonté de relocaliser la production de 450 médicaments essentiels.
Macron s’exprime pour la première fois
Silencieux depuis que le laboratoire français Sanofi a annoncé le 4 octobre vouloir céder une partie de sa filiale Opella, qui produit des médicaments génériques comme le Doliprane, à un fonds américain, Emmanuel Macron s’est exprimé lundi 14 octobre. Salon de l’automobile de Paris que le gouvernement peut « garantir que la France soit protégée » et faire la différence entre « biens immobiliers » et capacité de production en France.
Une première réponse à ceux qui ont exprimé leur mécontentement et accru leur pression sur l’exécutif.
Une tribune signée par tous les parlementaires socialistes est parue dans La Tribune dimanche. Boris Vallaud, Patrick Kanner et Philippe Brun demandent notamment au gouvernement « utiliser le décret de Montebourg pour empêcher la vente par Sanofi de la fabrication du Doliprane à un fonds américain ». Les députés de La France insoumise demandent au gouvernement de bloquer le transfert. « Au lieu d’inonder Sanofi d’un milliard d’euros d’aide publique, nationalisons Opella pour poser la première pierre d’un centre public de lutte contre la drogue.»ils écrivent dans un communiqué de presse. Le groupe présidé par Mathilde Panot estime que « Si la direction de Sanofi est incapable de produire du Doliprane en France, les ouvriers et les ingénieurs savent le faire ». « C’est une honte et encore un symbole de notre perte de souveraineté »s’est insurgé le secrétaire national du PCF Fabien Roussel.
Le décret Montebourg prêt à être mis en œuvre
L’onde de choc est telle que les salariés de l’usine Sanofi de Lisieux (Calvados) se sont mis en grève ce lundi 14 octobre. Leur revendication est claire : qu’Opella reste sous le contrôle de Sanofi. C’est dans ce contexte que le ministre de l’Économie Antoine Armand et celui de l’Industrie Marc Ferracci (très proche d’Emmanuel Macron dont il était le conseiller avant son arrivée à l’Élysée) ont rendu visite au site de production ce 14 octobre.
Bercy a posé plusieurs lignes rouges comme conditions du rachat : maintien de la production, de l’emploi et du siège social en France. Le fameux décret de Montebourg (sur le contrôle des investissements étrangers) pourra être activé une fois l’offre finalisée. Lors de sa visite, Antoine Armand a expliqué défendre « une stratégie à très long terme » : « Nous regarderons loin et nous protégerons le site de Lisieux comme celui de Compiègne ». Tout en promettant que « Le Doliprane va continuer à être produit en France car ce médicament, apprécié des Français, est une réussite industrielle ».
« Le maintien de l’emploi sur le site de Lisieux est l’objectif, a assuré Marc Ferracci à la sortie. Des engagements sont en cours de discussion sur les volumes de production, sur la recherche et le développement et sur l’emploi. Il faut aussi préserver l’écosystème de la sous-traitance ». Du côté des ministres, nous promettons que « le dialogue avec Sanofi et avec l’investisseur » continue. De quoi rassurer les salariés ? Une poursuite du mouvement de grève est en discussion. Pour le moment, les syndicats diffèrent sur la suite à donner au mouvement.
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