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Pourquoi la trajectoire de croissance de 1% promise par le gouvernement est possible

Et si Bruno Le Maire et Bercy avaient finalement raison ? La première estimation de l’Insee sur la croissance française est sortie ce mardi matin et surprise, les chiffres sont plutôt bons. Le PIB a ainsi augmenté de 0,2%. C’est plus que ce qui avait été annoncé par l’Institut national de la statistique, qui tablait sur 0 %.

 » A tous ceux qui veulent croire que notre économie est à l’arrêt : les faits sont têtus. La croissance française progresse. C’est un nouveau signe qui reflète la solidité de notre économie », s’est félicité le ministre de l’Économie, juste après la publication de l’Insee.

Jusqu’à 80 milliards d’euros d’économies : l’effort nécessaire pour atteindre un déficit de 3% en 2027 avec une croissance faible (OFCE)

Un objectif de plus en plus crédible

De quoi redonner de la crédibilité au gouvernement sur ses prévisions annuelles. Bercy tablait initialement sur une croissance de 1,4% cette année, une prévision qui avait également permis de construire le budget 2024, mais que beaucoup trouvaient trop irréaliste. Bruno le Maire a ensuite revu sa copie en février, annonçant désormais 1 %. Un objectif plus pragmatique mais qui semblait encore hors d’atteinte pour certains il y a quelques semaines.

 » Avec ces chiffres du premier trimestre, meilleurs qu’attendu, la prévision du gouvernement reste dans une fourchette haute mais n’est plus inatteignable. Alors qu’il y a quelques temps, c’était plus compliqué…», souligne Mathieu Plane, directeur adjoint à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Pour réussir, le gouvernement doit tabler sur une croissance de 0,3% par trimestre.  » Ce n’est toujours pas rien », estime l’économiste « mais c’est jouable « .

L’hypothèse des 1% est donc possible », à moins que l’activité ne diminue au cours de la deuxième partie de l’année, que les taux d’intérêt ne baissent pas ou que les investissements positifs des entreprises ne soient finalement qu’un feu de paille », argumente également Denis Ferrand, directeur général de Rexecode.

 » L’année dernière, tout le monde a ri quand Bercy attendait 1%, et finalement il a été le meilleur prévisionniste », souligne Jean-François Robin, directeur de recherche chez Natixis (groupe BPCE). Encore plus confiante que le gouvernement, Natixis table sur une croissance de 1,1% pour 2024.

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Consommation et investissement au rendez-vous

Plusieurs raisons soutiennent ces bonnes perspectives. La croissance au premier trimestre a été notamment tirée par la consommation des ménages. Il a augmenté de 0,4%, après avoir déjà rebondi à 0,2% au trimestre précédent. Un résultat qui s’explique essentiellement par un ralentissement de l’inflation.  » On assiste à un rebond du pouvoir d’achat avec une augmentation des prestations sociales en ce début d’année, notamment les retraites. », explique Mathieu Plane. À cela s’ajoute également une augmentation des salaires réels par rapport à l’inflation.

Cette dernière devrait poursuivre sa baisse cette année. En avril, il atteint 2,2% sur un an, contre 2,3% en mars, grâce à la décélération des prix alimentaires.  » Nous pensons que cette tendance se poursuivra tout au long de l’année. », constate Jean-François Robin.

Mais ce qui a été plus surprenant, c’est le rebond des investissements du côté des entreprises.  » On avait l’idée que l’investissement allait être le chaînon manquant de la croissance en 2024 », soulève Denis Ferrand, notamment par rapport à la situation de trésorerie de certaines entreprises, à la hausse des défaillances qui ont atteint un niveau record en 2023, et à une demande anticipée moins optimiste.

En outre, les principaux partenaires commerciaux de l’Europe se redressent également. Dans le détail, le PIB a augmenté au premier trimestre en Allemagne, en Italie et en Espagne. Au premier trimestre, l’investissement a atteint 0,3% après -0,9% au quatrième trimestre 2023.

 » Le chiffre de ce matin est une bonne surprise mais il doit se confirmer dans la durée, et ce n’est pas encore gagné. », ajoute l’économiste, « nous maintenons que cette année, la croissance dépendra des consommateurs « .

Ils doivent encore être désavoués. Autre bémol : l’investissement des ménages, qui s’est fortement contracté après la hausse des taux d’intérêt, a fait augmenter le coût du crédit.

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Réduire le déficit, mais à quel prix ?

La croissance est un point clé pour le gouvernement s’il veut réduire le déficit public.  » Un demi-point de croissance supplémentaire réduit le déficit de 0,25 point », appuie Mathieu Plane. D’autant que le déficit a diminué en 2023, à 5,5% du PIB. Bien loin de ce qu’avait anticipé Bercy, à 4,9%. Cette année, l’exécutif table sur 5,1% du PIB, contre 4,4% initialement. Et plus ambitieux encore, il veut le réduire à 3 % d’ici 2027, pour répondre à nouveau aux critères européens. Un objectif qui n’est pas soutenu par les agences de notation Moody’s et Fitch, qui ont pourtant maintenu leur note sur la dette française vendredi dernier.

Pour se remettre sur les rails, l’exécutif envisage de réduire les dépenses publiques. Il a déjà validé 10 milliards d’euros d’économies dans les dépenses de l’État et cherche à en réduire encore 10 milliards d’euros en 2024. Mais qui dit moins de dépenses, dit souvent moins de croissance.  » La question est de savoir quand les mesures budgétaires peuvent avoir un impact sur la croissance », demande Mathieu Plane.

D’autant que sur ce trimestre, une bonne partie de la croissance s’explique aussi par… les dépenses publiques.  » C’est un facteur qui a contribué à la croissance », explique Denis Ferrand. Pour que la croissance continue sur sa lancée, il ne reste plus qu’à croiser les doigts.