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pourquoi la Russie cherche à déstabiliser la France et l’organisation des JO

Étoiles de David taguées sur les immeubles parisiens, mains rouges peintes sur le Mémorial de la Shoah, cercueils recouverts de drapeaux français avec la mention « Soldats français d’Ukraine » déposé près de la Tour Eiffel… Depuis plusieurs mois, la Russie mène une campagne massive de désinformation et de déstabilisation dans toute l’Europe. Mais la France, avec les Jeux de Paris 2024, est particulièrement visée. C’est même le pays le plus touché.

« Il y a un an, la France, pour la première fois, attribuait officiellement à la Russie des opérations d’amplification artificielle de contenus sur les réseaux sociaux comme Sosie (faux articles médiatiques authentiques). Depuis, Viginum, le service français de vigilance contre les interférences numériques étrangères, dénonce un nombre croissant d’interférences numériques de la part du Kremlin. rappelle David Colon, enseignant et chercheur à Sciences Po et auteur du livre La guerre de l’information (Éd. Tallandier). Vidéos truquées grâce à l’intelligence artificielle, publication de faux articles de presse, ou encore multiplication des actions visant à déstabiliser les autorités, la liste n’est pas exhaustive.

Le 2 juin, le Microsoft Threat Analysis Center (MTAC) a publié un rapport sur « intensification » la mort « campagnes d’influence malveillantes » menée et coordonnée par Moscou, visant la France, le chef de l’Etat Emmanuel Macron ainsi que le Comité international olympique (CIO). « Ces campagnes pourraient être un signe avant-coureur des menaces en ligne qui pèseront sur la compétition internationale de cet été. » il alerte.

L’ambassade de Russie en France rejette catégoriquement ces faits, dénonçant un « chasse aux sorcières ». « L’ambassade déclare en toute responsabilité que la Fédération de Russie ne s’est jamais ingérée et ne s’immisce pas dans les affaires intérieures de la France – notre pays a d’autres priorités plus importantes. » a-t-elle réagi sur son site le 4 juin. « Ce n’est que de la pure calomnie » » a taclé Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin.

Derrière ces opérations d’ingérence, l’objectif est de déstabiliser le pays hôte, la France, mais aussi le CIO, tout en créant un climat anxiogène sur l’accueil de cet événement mondial. « Un événement comme les Jeux Olympiques et Paralympiques est regardé par des milliards de téléspectateurs et attire donc l’attention du monde entier. Ainsi, pour Vladimir Poutine, les Jeux Olympiques deviennent une plateforme pour promouvoir ses intérêts à moindre coût.» analyse Lukas Aubin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

« Derrière, il y a le désir de diffuser leur propre récit et leur propre vision du monde, selon lesquels l’Occident est collectivement en guerre contre la Russie. »

Lukas Aubin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques

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« L’autre intérêt est de propager ce que l’on appelle le ‘confusionnisme russe’, afin de discréditer les JO et d’encourager la désunion au sein de la population française. » Ces méthodes permettent ainsi d’alimenter un climat de méfiance au sein de la population française, mais aussi mondiale, laissant ainsi penser que Paris est au bord de l’implosion. « Leur stratégie est ainsi d’affecter les bénéfices potentiels, qu’ils soient symboliques, économiques, matériels, touristiques, des Jeux, pour le pays organisateur qui est un ennemi », soutient Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport et co-auteur avec Lukas Aubin de La guerre du sport. Une nouvelle géopolitique (Éd. Tallandier).

Cependant, pour Moscou, le succès ou non des Jeux de Paris n’a pas d’importance. La stratégie du Kremlin ne se fonde pas sur la réalité, mais sur la perception de la population. « La guerre de l’information est une guerre de perception. L’appareil de propagande du Kremlin déforme la réalité », explique l’enseignant-chercheur David Colon.

En plus d’accueillir les Jeux, la France est particulièrement visée en représailles à son soutien déclaré à l’Ukraine dans la guerre qui l’oppose à la Russie. « Dans le contexte des Jeux Olympiques, il s’agit d’affaiblir la confiance des Français dans leurs institutions et leur pouvoir politique, et d’affaiblir l’image et les intérêts de la France dans le monde », analyse David Colon.

Pour y parvenir, les Jeux Olympiques constituent une caisse de résonance parfaite. « La plupart des tentatives de déstabilisation visant la France sont relayées auprès du public russe pour que le Kremlin montre à ses citoyens combien les pays démocratiques sont en réalité l’enfer sur terre, et les incite ainsi à accepter davantage la subordination qui est la leur à un régime autoritaire. Ces histoires sont ensuite déployées à travers le monde. poursuit ce spécialiste.

Les tentatives de déstabilisation se sont même intensifiées ces derniers mois suite à plusieurs prises de position de Paris. D’abord avec Emmanuel Macron qui, en janvier, affirmait que la Russie ne devait pas gagner en Ukraine, avant de laisser la porte ouverte, en mars, à un éventuel envoi de soldats français en Ukraine. Le gouvernement français a également dénoncé publiquement la stratégie assumée de guerre de l’information, coordonnée et menée par le Kremlin.

« A la suite de ces discours, la France a été perçue par l’intelligentsia russe comme l’un des principaux agresseurs de la Russie, aux côtés des Etats-Unis. »

Lukas Aubin, docteur en géopolitique du sport

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Les budgets alloués à la désinformation et à la guerre de l’information ont également augmenté en 2024, selon les Kremlin Leaks, documents de l’administration russe divulgués par le site d’information estonien. Delphes. « Le budget 2024 des opérations d’influence de la Fédération de Russie s’élève à plus d’un milliard d’euros, qui n’inclut pas les budgets des services de renseignement ni les sommes investies par les acteurs privés notamment »explique David Colon.

Et cette montée en puissance n’est pas terminée, selon les experts. « Nous allons faire un nouveau pas en avant, avance Lukas Aubin. Toutefois, si le Rassemblement national venait à remporter les prochaines élections législatives, et que le nouveau Premier ministre soit issu du RN, parti aux propos plutôt favorables à la Russie, le Kremlin pourrait réduire ses attaques en considérant la France comme un allié.

Les Jeux de Paris 2024 ne sont pas les seuls concernés par les tentatives d’ingérence russe. «C’est systématique depuis des décenniesnote David Colon. AuA l’époque, la plupart d’entre eux relevaient des opérations des services de renseignement, afin d’influencer la perception des JO au sein des sociétés opposées pour les affaiblir, à commencer par la société américaine. »

Déjà lors des Jeux de Los Angeles en 1984, les Russes avaient tenté de discréditer l’événement. « L’idée de Moscou était de créer un sentiment d’insécurité lié à ces Jeux. Ceci est également interprété comme une réponse au boycott intervenu quatre ans plus tôt lors des Jeux de Moscou. se souvient Lukas Aubin. Il existe aujourd’hui des plateformes de médias sociaux qui offrent aux propagandistes du Kremlin un accès direct à des centaines de millions de personnes dans le monde.

Dans ce contexte, les Jeux de Paris apparaissent comme « les Jeux les plus tendus depuis 1984 », souligne sans hésiter Lukas Aubin. D’un point de vue géopolitique, ces JO s’organisent dans un contexte de retour de la guerre en Europe (en Ukraine) et de regain de tension à Gaza, sans oublier l’investissement d’un certain nombre d’acteurs dans le cyberespace et profitant de la Les jeux comme moyen de diffuser leur désinformation. « Il y a aussi un réinvestissement dans le sport par les régimes autoritaires, ce qui n’était plus le cas dans les années 1990, souligne Jean-Baptiste Guégan, et où la diplomatie sportive et l’utilisation du sport à des fins géopolitiques n’ont jamais été aussi efficaces et significatives.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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