Pourquoi la police britannique n’a rien à voir avec la police française
TOBY MELVILLE / AFP
Le Premier ministre britannique Keir Starmer s’entretient avec des policiers à Londres au milieu des émeutes le 9 août 2024.
INTERNATIONAL – Une réaction bien moins violente qu’en France. Contrairement à ses voisins européens, le Royaume-Uni cultive un maintien de l’ordre très mesuré. A tel point que lorsque des émeutes ont éclaté dans le pays cette semaine suite à la diffusion de fausses informations sur un fait divers qui s’est déroulé à SouthPort, les manifestants d’extrême droite n’ont pas été dispersés à coups de gaz lacrymogènes ni arrosés de canons à eau.
Le Royaume-Uni adhère toujours à une doctrine née au XIXe siècle sous le Premier ministre Robert Peel, considéré comme le père de la police britannique. Elle repose sur l’idée que le pouvoir de la police repose sur son approbation par le public et que seule « un degré minimum de force physique requis » doit être utilisé.
La police britannique est équipée de tasers et a parfois utilisé des gaz lacrymogènes, mais « en dernier recours »affirme Hugo Gorringe, qui dirige le département de sociologie de l’Université d’Edimbourg.
Plutôt que des unités spécialisées de maintien de l’ordre comme les CRS ou les gendarmes mobiles en France, leurs homologues britanniques sont issus des rangs traditionnels de la police. « Les policiers sont en réalité des citoyens en uniforme intégrés à la population »Hugo Gorringe l’a expliqué à l’AFP. Il n’y a pas de brigade anti-émeute dédiée. Ce sont des policiers qui sont formés pour » Et « équipé ».
Voilà comment ont été gérées les violences dans les rues de Southport, dans le nord-ouest de l’Angleterre, après le meurtre de trois jeunes filles, puis les violences qui ont éclaté dans les grandes villes du pays sur fond de fausses informations sur le profil du suspect.
Pas de retour au modèle européen
Dans le cas où la police locale serait débordée, des policiers locaux peuvent être envoyés en renfort. Alors que la violence se propageait à travers le pays, le Premier ministre Keir Starmer a annoncé la création d’une « armée » de 6 000 policiers spécialisés dans le maintien de l’ordre. Mais plutôt qu’une évolution vers un modèle européen plus dur, cette annonce s’inscrit dans le cadre de la « rhétorique de la fermeté »selon l’universitaire.
La rareté des émeutes au Royaume-Uni provient en partie de cette tradition de « maintien de l’ordre par consentement »de consensus avec la population. Plutôt que « frapper fort » Au risque de provoquer une escalade, la police britannique a, cette fois encore, souvent reculé pour procéder à des arrestations parfois plusieurs jours plus tard, donnant lieu à la vague actuelle de condamnations. Le renseignement et le dialogue avec la population ont également permis d’anticiper et parfois de prévenir les violences.
Utiliser ou ne pas utiliser le « bon vieux canon à eau »
Mais la police des West Midlands a été prise pour cible cette semaine après avoir permis à un groupe d’hommes, certains armés, d’attaquer des voitures et la vitrine d’un pub après que les dirigeants de la communauté leur ont assuré qu’ils ne provoqueraient aucun désordre.
Ces critiques, ainsi que les images montrant des combats au corps à corps, sapent les principes de l’approche britannique. « Si vous regardez les tactiques des polices européennes, elles ne plaisantent pas. Elles sortent le bon vieux canon à eau. »a noté Kevin Moore, ancien chef de la police du Sussex (sud), dans le Courrier quotidien.
La police londonienne possède plusieurs de ces véhicules, acquis lorsque Boris Johnson était maire de la capitale, suite aux émeutes de 2011. Mais la ministre de l’Intérieur de l’époque, Theresa May, avait refusé d’autoriser leur utilisation, expliquant : « « Lorsque les preuves médicales et scientifiques suggèrent que ces moyens pourraient causer des blessures graves, lorsque la situation opérationnelle n’est pas claire et lorsque le principe de consensus serait compromis, je ne donnerai pas mon consentement. ».
Selon Hugo Gorringe, l’efficacité du canon à eau dans des situations évoluant rapidement est débattue, mais l’usage de gaz lacrymogène aurait été approprié lors des violences de Rotherham (nord-ouest de l’Angleterre) où un hôtel abritant des demandeurs d’asile a été pris pour cible et où la police s’est retrouvée adossée à un mur de l’établissement.
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