Si Boeing et la NASA hésitent sur la conduite à tenir, près de 80 jours après le lancement de Starliner, c’est parce que plusieurs défaillances techniques sont survenues, dont certaines restent mal comprises. Elles se situent au niveau du module de service de la capsule, situé sous le module d’équipage et comprenant le système de propulsion, l’alimentation électrique et les équipements de communication.
Des problèmes encore mal compris
Certes, le lancement du vaisseau spatial a été un succès. Mais une fois dans l’espace, pas moins de cinq fuites d’hélium ont été détectées dans le système de positionnement – dit RCS – du module de service de la capsule. Avant le lancement, en mai dernier, une première fuite avait été détectée, mais n’avait pas été jugée comme présentant un risque. De plus, ces fuites sont stables selon la NASA et la fermeture des vannes depuis l’amarrage évite toute perte supplémentaire. Quant au stock d’hélium, utilisé pour pressuriser le propulseur, il serait dix fois supérieur aux besoins.
Plus problématique, une fois en orbite, mais avant l’amarrage à l’ISS, 5 des 28 propulseurs du système RCS ont lâché à différents moments. De quoi réduire la manœuvrabilité de Starliner. Très vite, quatre propulseurs ont été réactivés. Mais les causes de leur « désélection » restent inconnues. Boeing et la NASA ont donc procédé à des essais au sol dans un centre d’essais situé à White Sands (Nouveau-Mexique). Conclusion : des joints en Téflon auraient été déformés à cause d’une forte hausse de température.
Fin juillet, les 27 propulseurs de Starliner en fonctionnement ont été mis à l’épreuve pour évaluer leur efficacité. Le résultat a été meilleur que prévu, comme le détaille la NASA dans son blog qu’elle met régulièrement à jour, laissant néanmoins les experts en suspens quant à l’état actuel des joints en question. D’où les tergiversations de Boeing et de la NASA. Le lien entre les fuites d’hélium et l’extinction de certains propulseurs n’a pas non plus été établi. Des questions qui se posent avec d’autant plus d’urgence que des pannes de propulseurs du module de service, mais aussi du module d’équipage, étaient survenues lors du deuxième vol d’essai sans équipage du Starliner en mai 2022.
Décision de la NASA en attente
« Les responsables de la Nasa sont actuellement en désaccord sur les prochaines étapes, certains pointant les risques liés au retour des astronautes via Starliner », résume Clayton Swope, expert aérospatial au Center for Strategic and International Studies (CSIS) dans une analyse publiée sur le site de l’organisation américaine. Si les experts traitent encore les données qui pourraient leur permettre de comprendre les dysfonctionnements du vaisseau, ses batteries ont été entièrement rechargées grâce à l’ISS.
Si le voyage retour des astronautes à bord de Starliner est jugé trop périlleux, Boeing devra être capable de reconfigurer la mission avec une capsule vide autonome. Il devra également trouver un moyen d’éviter d’endommager l’ISS en cas de nouvelles pannes des propulseurs du système RCS. Il reviendra ensuite à son concurrent SpaceX de ramener sains et saufs Butch Wilmore et Suni Williams à l’aide de sa capsule Crew Dragon. Une option officialisée par la Nasa le 14 août, mais qui impliquerait un retour bien plus tardif pour les deux Américains.
SpaceX à la rescousse
Les équipes de l’ISS tournant environ tous les six mois, le rapatriement des deux astronautes devra s’intégrer dans le calendrier des allers-retours prévus entre l’ISS et la Terre. Or, la prochaine mission de SpaceX, Crew 9, a été reportée du 18 août au 24 septembre (au plus tôt), en raison de problèmes avec la capsule de Boeing. Elle partirait avec seulement deux personnes à bord, afin de rapatrier les deux naufragés de l’espace en février prochain.
Pour Boeing, l’intervention de SpaceX serait un revers industriel. Soucieuse de disposer de deux véhicules distincts, la Nasa a fait appel en 2014 à Boeing et Space X pour développer une capsule capable de transporter des astronautes vers l’ISS et s’affranchir de la dépendance à la navette russe Soyouz. Si l’entreprise d’Elon Musk exploite la navette depuis 2020 et a réalisé une quarantaine de missions, le géant américain a subi de multiples retards et pertes (1,6 milliard de dollars depuis 2016) et ne peut revendiquer qu’un seul vol habité.