Pour renflouer les caisses de l’État, l’exécutif pourrait revenir sur la loi de 2010. L’association Addictions France a dénoncé les « risques considérables » d’une telle décision.
Publié
Temps de lecture : 5min
Sera-t-il bientôt possible de jouer au casino légalement sur internet ? C’est en tout cas la volonté du gouvernement qui a déposé samedi 19 octobre un amendement prévoyant d’autoriser cette pratique dans le cadre du projet de budget 2025. Officiellement, l’exécutif se justifie en pointant un retard en France, où les seuls jeux d’argent en ligne autorisés sont les courses de chevaux, les paris sportifs et le poker depuis 2010.
Selon l’exposé des motifs du texte publié sur le site de l’Assemblée, le gouvernement mentionne ainsi « mettre le cadre des jeux en conformité avec celui de nos principaux voisins européens, la France étant, avec Chypre, le seul pays de l’Union européenne à interdire les jeux de casino en ligne ». Le texte mentionne également le développement « d’un approvisionnement illégal important ces dernières années ». Citant une étude de la National Gaming Authority (ANJ), il souligne également que « les revenus bruts des jeux générés par l’offre illégale de jeux d’argent en ligne en France seraient compris entre 748 millions et 1,5 milliard d’euros, soit entre 5 % et 11 % du marché global des jeux d’argent « .
La légalisation des casinos en ligne pourrait représenter une aubaine pour l’État, tandis que le Premier ministre Michel Barnier cherche à combler un déficit plus important que prévu. Le gouvernement envisage de taxer les casinos en ligne à hauteur de 55,6% des revenus bruts des jeux, soit au même niveau que la catégorie générale des jeux de loterie en ligne. « C’est dans l’intérêt général.»a réagi mardi sur franceinfo Nicolas Béraud, le président de l’Association française des jeux en ligne, s’inquiétant de la « milliards » qui partent « vers des sites illégaux à l’étranger ». « Tout le monde est gagnant, l’État, les joueurs et l’industrie du jeu en ligne qui peine à se développer.« , a-t-il ajouté.
Une majorité de Français semble partager son avis. Selon une étude de Consumer Science & Analytics et de l’Association française du jeu en ligne publiée mardi, 62 % sont favorables à une réglementation légale des jeux de casino en ligne. Près d’un Français sur trois (28%) déclare avoir déjà joué sur un casino en ligne.
L’idée est cependant critiquée par les établissements physiques, qui plaident pour que ce marché leur soit réservé. Le président du syndicat français des casinos et directeur général du groupe Barrière, Grégory Rabuel, s’est dit mardi inquiet auprès de franceinfo de voir le secteur perdre un tiers de son chiffre d’affaires.. « Le secteur des casinos donne 1,5 milliard d’euros aujourd’hui, eh bien, nous donnerons 450 millions d’euros de moins. C’est une première conséquence fiscale »a-t-il assuré, avant de mettre en garde contre « une conséquence sociale »avec « 15 000 emplois perdus ».
Ces craintes sont rejetées par le secteur des jeux en ligne. « Ce marché existe déjà à l’étranger, l’expérience est différente d’un casino physique, et si on prend du recul et regarde ce qui s’est passé dans d’autres pays (comme au Portugal), on ‘voit que les casinos terrestres n’ont pas été impactés’.dit Nicolas Béraud.
D’autres voix s’inquiètent de l’impact d’une telle mesure sur les joueurs. L’association Addictions France a dénoncé mardi dans un communiqué publié sur son compte X le «des risques considérables» d’une telle décision. « Les jeux de casino en ligne présentent un risque d’addiction deux fois plus élevé que les casinos physiques »rappelle l’organisation qui plaide plutôt pour « renforcer les moyens » de l’ANJ. Ce dernier a d’ailleurs lancé début octobre une campagne pour rappeler le danger que représentent les sites de casino illégaux, en termes de vol de données, d’arnaques, mais aussi d’addiction. «Nous avons vraiment un médicament potentiel» Michel Lejoyeux, professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’université Paris Cité, l’a déclaré mardi sur franceinfo.
L’ANJ s’était alors montrée sceptique quant à une révision de la loi de 2010. « La Belgique est un marché particulièrement ouvert, mais parmi les dix opérateurs les plus populaires, quatre sont illégaux et représentent près de 60 % du trafic. (légalisation) n’a pas fait ses preuves »Gaëlle Palermo-Chevillard, coordinatrice du service de lutte contre les approvisionnements illégaux au sein de l’organisation, l’a déclaré à franceinfo.
Pour répondre aux inquiétudes, le gouvernement souligne dans son amendement qu’il souhaite « assurer une véritable régulation des jeux de casino en ligne » et établir un « réglementation spécifique qu’il est proposé de définir, en lien avec (ANJ) et toutes les parties prenantes concernées, par voie d’ordonnance ». « Ce n’est pas quelque chose que nous prenons à la légère. »a déclaré mardi sur TF1 le ministre de l’Économie, Antoine Armand.