Pourquoi la dette souveraine française a-t-elle échappé à la dégradation des agences de notation ? – 29/04/2024 à 09h52
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Le verdict est tombé vendredi 26 avril 2024 : aucune des deux agences, Moody’s et Fitch, n’a modifié sa notation de la dette française. Pour Anne-Sophie Alsif, notre dette souveraine échappe à la dégradation grâce à la capacité de consommation de la France et à son appartenance à la zone euro.
L’agence Moody’s a maintenu la note « Aa2 », avec une perspective stable. L’agence Fitch, qui avait déjà dégradé la note de la dette française il y a un an, a conservé le niveau « AA- », accompagné de la perspective stable.
Cette décision a surpris les économistes et rassuré le gouvernement dans un contexte de dégradation du déficit public connu ces dernières semaines. En effet, la prévision de croissance pour 2024 a déjà été abaissée de 1,4% à 1%. Mais c’est surtout le chiffre du déficit public qui a reculé, s’élevant à 5,5% en 2023 au lieu de 4,9%.
En raison de la dégradation de la trajectoire des finances publiques, l’abaissement de la note de la dette souveraine de la France semble se confirmer, notamment au regard de la méthodologie utilisée par les agences et du poids important des indicateurs budgétaires.
Par ailleurs, dans leur communiqué, les agences doutent de la capacité de la France à revenir à un déficit public de 3% d’ici 2027 voire s’interrogent sur la réalité des économies annoncées. En effet, ils restent sceptiques quant aux dépenses engagées auprès des agriculteurs ou à l’augmentation des dépenses militaires.
Les atouts de l’économie française
Dès lors, la question demeure : pourquoi les agences de notation n’ont-elles pas dégradé la note française ? Les agences de notation mettent en avant les atouts de l’économie française : sa forte capacité à augmenter les impôts, le fort ralentissement du taux d’inflation notamment en 2025, la réduction des aides aux dépenses énergétiques, la solidité du secteur bancaire et le faible taux de non-financement. prêts performants.
Néanmoins, l’argument central reste le taux d’épargne élevé des ménages (16,8% en 2024) et la capacité du pays à accroître sa consommation en cas d’amélioration du taux de croissance en 2024 qui devrait s’élever, selon nos prévisions, à 1,4%. En effet, le ralentissement de la croissance s’explique en 2023 par le moindre dynamisme de la consommation des ménages (+0,6% en 2023) qui devrait repartir à la hausse (+1,1% en 2024 puis 1,4% en 2025). Or, la consommation intérieure représente la première contribution à la croissance française.
Un des taux de croissance les plus élevés de la zone euro en 2023
L’investissement, notamment des entreprises, qui fléchit fortement en raison de la hausse des taux d’intérêt (passant de +1,1 % en 2023 à -1,2 % en 2024), repartirait à la hausse en 2025 à +1,6 %. Par ailleurs, l’inflation continue de se modérer et devrait atteindre 2,6% en 2024 puis 1,7% en 2025 en raison de l’efficacité de la politique de hausse des taux, de la faiblesse de la demande mondiale et du fort ralentissement des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Ainsi, les agrégats économiques s’améliorent progressivement, expliquant le maintien de perspectives stables.
L’augmentation de la consommation augmentera la croissance et réduira le taux de déficit public. C’est le pari que semblent adopter les agences de notation en lien avec celui du gouvernement. En effet, la croissance économique reste le meilleur moyen pour un pays de se désendetter. Rappelons également que la France était l’un des pays avec un des taux de croissance les plus élevés en 2023 de la zone euro.
Enfin, il apparaît essentiel, au travers des décisions des agences de notation et du faible impact des indicateurs budgétaires sur les marchés financiers, le rôle que joue l’appartenance de la France à la zone euro. Les investisseurs considèrent la zone monétaire dans son ensemble ; préserver l’attractivité de la dette française et contenir les taux d’intérêt à long terme. A l’heure des élections européennes, la décision des agences de notation invite à réfléchir pour un Etat, l’intérêt économique d’appartenir à l’euro et sa capacité à protéger l’économie des chocs exogènes dont nous bénéficions tous au quotidien.
Anne-Sophie Alsif
Invité du Cercle des Economistes
Chef économiste du cabinet de conseil BDO France