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pourquoi la colère des agriculteurs couve encore et risque d’éclater à nouveau

« La trésorerie est faible, les conditions météorologiques sont mauvaises et les annonces budgétaires ne sont pas encore concrétisées », a concédé jeudi la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, alors que le secteur agricole s’impatiente.

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Une action coup de poing des agriculteurs devant la préfecture de Poitiers (Vienne), le 10 octobre 2024. (LUC AUFFRET/ANADOLU/AFP)

Près d’un an après un avertissement sévère, les agriculteurs refont parler d’eux. Dans plusieurs départements, en Normandie ou dans le sud de la France, ils ont mené jeudi 17 octobre des actions fortes pour alerter sur les difficultés auxquelles ils sont encore confrontés et avertir le gouvernement qu’ils sont prêts à se remobiliser et à agir pour un « acte 2 de la révolution agricole ».

« Nous voulons toujours y croire. Mais cette fois, j’ai peur que ce soit un rapport de force bien plus important.a prévenu Thomas Klunker, co-secrétaire général du syndicat des Jeunes Agriculteurs de Haute-Garonne, auprès de BFMTV. « Nous devons nous attendre à ce qu’il y ait des dégâts. Ce qui s’est passé l’année dernière n’était qu’un avant-goût. »» a prévenu un agriculteur de 43 ans sur Sud Radio. Franceinfo revient sur les raisons de cette colère qui couve encore.

Une impatience croissante face aux discussions suspendues

Le nouveau ministre de l’Agriculture devrait agir sur plusieurs dossiers importants comme la loi d’orientation agricole. « Ce que l’on attend d’Annie Genevard, c’est sa capacité à agir et à le faire immédiatement »a déclaré le 22 septembre, sur franceinfo, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, lui donnant un délai de « quinze jours ». « Une partie des engagements ne sont pas tenus, même si dans le futur projet de loi de finances, on voit des progrès »a-t-il soutenu, mercredi sur TF1.

« Les travaux (sur la loi d’orientation agricole) étaient en cours avant la dissolution. Depuis la dissolution : fin des débats. L’agriculture passe au second plan »estime sur BFMTV Mathieu Maronese, co-secrétaire départemental des Jeunes Agriculteurs en Haute-Garonne. « Nous sommes toujours en train de mourir, alors soit ils se mettent vite au travail, soit l’acte 2 de la révolution agricole va commencer. »

« Le gouvernement Barnier a parlé d’une reprise immédiate des travaux. Mais par ‘immédiate’, on entend dans les prochains jours, et non en janvier 2025 ! »» a fait valoir la FNSEA, toujours auprès de BFMTV. « On sent clairement qu’il y a beaucoup de peur, d’inquiétude, d’angoissea réagi le ministre de l’Agriculture jeudi, dans les colonnes deOuest de la France. Les trésors (agriculteurs) sont faibles, les mauvaises conditions météorologiques et les annonces budgétaires n’ont pas encore été faites. »a-t-elle ajouté, assurant que « toutes les mesures seront prises ».

Mais la colère n’est pas seulement française, elle est européenne, a rappelé Jérôme Bayle, à l’origine du mouvement de contestation de l’hiver dernier, au « 20 Heures » de France 2. « S’il n’y a pas de réaction rapide de l’Europe, il risque d’y avoir un blocage européen »il a prévenu (vidéo ci-dessus).

Une année 2024 marquée par les intempéries

Cette année, la France vit une « baisse des récoltes » blé « des quarante dernières années »» avait alerté le ministère de l’Agriculture en août. En cause : des intempéries, qui n’ont pas non plus épargné les autres cultures, comme l’orge et le colza.

« Cela dure depuis octobre 2023, nous avons presque 50 à 60 % de pluie en plus que d’habitude, septembre 2024 étant le plus pluvieux depuis vingt-cinq ans »a déploré mercredi sur franceinfo Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, lui-même agriculteur dans l’Oise. « Les vendanges sont très compliquées »poursuit-il en soulignant que le maïs est particulièrement touché. Les viticulteurs sont également concernés, souligne-t-il. « On a eu une mauvaise récolte, un mauvais millésime… On est à -22, -23% en viticulture. »

« Nous n’allons pas nous rattraper avec les récoltes d’automne de maïs, de betteraves ou de tournesols. »

Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA

sur franceinfo

Un autre problème, « Semis de blé pour la prochaine récolte : nous en sommes à 5 à 10 % de semis, au lieu des 50 % habituels » à cette période. Il en va de même pour les récoltes de maïs grain : « A peine 10% collectés alors qu’on en est habituellement à la moitié. »

Une épizootie dévastatrice de fièvre catarrhale

La fièvre catarrhale (BCF) qui sévit en Europe et en France ces derniers mois provoque d’importants dégâts dans les troupeaux. En France, elle touche principalement les exploitations du quart nord-est. Pour faire face à la crise, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros aux éleveurs ovins sinistrés. Insuffisant, jugé le 4 octobre sur franceinfo, Yannick Fialip, président de la commission économique FNSEA. Selon lui, leun FCO fait grève « 80 % des exploitations » mouton « avec une perte moyenne de plus de 10 % » dans les fermes.

Alors que la vaccination contribue à protéger les troupeaux, la France est prisonnière d’une pénurie. « Nous n’avons pas de laboratoire capable de fournir les vaccins dont nous avons besoin »a reconnu le ministre de l’Agriculture le 9 octobre dernier lors de la séance des questions gouvernementales. « Cela remet en cause l’autonomie sanitaire de notre pays »a ajouté Annie Genevard, appelant à « une stratégie européenne pour mieux anticiper ».

Le secteur laitier impacté par les choix de Lactalis

Le groupe Lactalis, qui se targue d’être le numéro un mondial des produits laitiers, a annoncé qu’il réduirait d’environ 9% les volumes de lait achetés aux exploitations françaises, à partir de fin 2024. Environ 300 exploitations, souvent détenues par plusieurs exploitants associés , ne sera plus collecté à terme par Lactalis dans l’Est de la France et autour de la Vendée.

Pour les éleveurs concernés, c’est un « coup dur ». « Licencier ainsi des producteurs est un manque de respect. Lactalis nous a trahis”a réagi Etienne Morin, chef d’opération dans les Deux-Sèvres.

En réponse, le fondateur de la marque C’est qui le boss a appelé à une consommation française et solidaire pour soutenir les producteurs laitiers. Si une brique de cette marque coûte en moyenne 8 centimes de plus que ses concurrentes, elle permet au producteur d’être mieux payé.

De son côté, le groupe LSDH, dans l’ouest de la France, s’est dit prêt à travailler avec une cinquantaine des 300 exploitations qui ne seront bientôt plus payées par Lactalis. « De nombreux producteurs abandonnés se trouvent tout près de notre usine de production de Cholet » (Maine-et-Loire), a déclaré le président du groupe laitier, Emmanuel Vasseneix. Il sentait qu’il pouvait reprendre « entre 50 et 60 millions de litres » de lait par an alors que Lactalis souhaite réduire sa collecte en France d’environ 450 millions de litres.

Cammile Bussière

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